Algérie(Période coloniale). Archives Voir les notices liées en tant qu'auteur Titre(s) : Archives du Gouvernement général de l'Algérie. Série X, dons et acquisitions diverses [Texte imprimé]. Répertoire par G. Esquer, et E. Dermenghem, Publication : Alger : impr. de E. Imbert, 1954. Description matérielle : In-8°, 168 p. Identifiant de la notice : ark:/12148/cb338544170
Etat-civil Formalités administratives Comment obtenir une copie d’acte ? Actes d’état-civil "européens" d’Algérie - 1830 à 1904 Déclaration de naissance Mariage Mariage Questions fréquentes relatives au mariage Divorce Déclaration de décès Changement de nom et prénom Changement de prénom Changement de nom Personnes disparues - généalogie Recherche d’un parent Recherches généalogiques ou dans les archives militaires haut de la page
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desarchives du Service historique de la défense - département terre, et du musée du Service de santé des armées. Ce programme sera non seulement réalisé mais dépassé. En 1873, l’Algérie comptera 42 hôpitaux militaires (35 en France). La situation en Algérie à la fin de l’année 1841 Ayant considéré que les Français ne respectaient pas le traité de la Tafna, Abd-el Presse et revues Statistique générale de l'Algérie / Gouvernement général civil de l'Algérie Algérie Période coloniale. Auteur du texte Presse et revues Statistique générale de l'Algérie / Gouvernement général civil de l'Algérie Algérie Période coloniale. Auteur du textePlusieurspays et organisations ont adressé mardi leurs félicitations au gouvernement et au peuple algériens, à l’occasion du 60e anniversaire de l’indépendance, soulignant la profondeur des relations historiques qu’ils entretiennent avec l’Algérie. Ainsi, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken a présenté au nom du Le statut juridique du Maghreb Comme s’ils avaient soudain découvert un concept nouveau, les Français et les Algériens livrent bataille autour de la notion d’intégration. Celle-ci est pourtant aussi ancienne que la conquête elle-même et la lutte n’a guère cessé depuis entre deux tendances dont l’une qui était appelée assimilation et non intégration » tendait à lier étroitement l’Algérie et la métropole, et l’autre à lui conférer une certaine autonomie administrative et financière. Le régime juridique de l’Algérie se présente donc comme un compromis entre ces deux points de vue. Durant tout le dix-neuvième siècle la tendance visant à lier l’Algérie à la métropole se manifesta avec vigueur. Ce territoire ne fut jamais confondu avec les colonies traditionnelles à partir de 1871 il dépend du ministère de l’intérieur. Les provinces primitivement constituées sont remplacées peu à peu par des départements, en 1848 et en 1870, dont l’administration est analogue à celle des départements français. En 1858 le gouvernement général est supprimé, l’administration algérienne directement rattachée au gouvernement métropolitain, de nombreux services publics reliés aux divers départements ministériels. Mais une autre tendance ne tarda pas à apparaître. Le gouvernement général iut restauré peu de temps après avoir été supprimé, tandis qu’étaient créées en 1898 sur le territoire algérien des assemblées représentatives ; ce furent les délégations financières, dont les membres étaient élus. La loi du 19 décembre 1900, enfin reconnaît à l’Algérie la personnalité juridique, lui confère un budget spécial, séparé du budget métropolitain. Mais il y a plus grave, car si l’on descend du niveau des principes à celui des faits, on s’aperçoit que la politique suivie alors ignorait également les deux tendances. L’Algérie fut gérée au siècle dernier par un système d’administration directe à peine tempéré. Les mots font ici illusion, car ils ne recouvrent pas en France et en Algérie les mêmes vérités les communes mixtes, par exemple, qui sont dirigées par un administrateur, n’ont aucun rapport avec les communes telles que nous les concevons dans la métropole. Et les communes de plein exercice, elles-mêmes, s’étendent parfois sur des territoires trop vastes pour justifier la comparaison avec les communes françaises. Au reste, comment parler d’une politique d’assimilation, alors que les musulmans d’Algérie étaient privés de la citoyenneté ? Certes, l’ordonnance du 22 juillet 1834, en déclarant l’Algérie terre française, accordait implicitement la nationalité française aux musulmans. Pourtant ceux-ci durent attendre le Senatus Consulte du ... Taille de l’article complet 1 495 mots. Cet article est réservé aux abonnés à notre offre d'archives Lycées, bibliothèques, administrations, entreprises, accédez à la base de données en ligne de tous les articles du Monde diplomatique de 1954 à nos jours. Retrouvez cette offre spécifique.
LesFrançais débarquent en Algérie. Le 14 juin 1830, les troupes françaises débarquent près d'Alger en vue d'une petite expédition punitive destinée à restaurer le prestige du gouvernement. Mais, de malentendu en malentendu, on va déboucher sur une conquête longue et brutale et sur une tragédie coloniale qui va meurtrir la France
Date 1831 - 1907 See the context of the description Scope content Ce répertoire des articles GGA L 1 à 65, qui représentent 9 ml, reconstitue celui qui fut détruit ou perdu. Une seule page fut retrouvée ; elle concerne les articles L 61 à 64. Plusieurs sous-séries de la série L étaient encore en août 2005 dépourvues de répertoires, sans que l'on puisse préciser si ces derniers existèrent bien un jour ou si cette absence est due aux destructions lors des journées » de mai 1958 à Alger, qui virent la foule européenne s’emparer de l’immeuble du Gouvernement général et jeter par ls fenêtres des bureaux et des dossiers. Ces documents n’étaient donc accessibles aux Archives nationales d’outre-mer que par l’intermédiaire de l’index de la série L, élaboré par Emile Dermenghem et Charles Uthéza, et publié par Pierre Boyer, instrument de recherche extrêmement précieux mais dépourvu de dates et d’analyses. Cet index concerne les sous-séries L à 44 que les dossiers ne se présentent pas suivant un ordre méthodique quelconque, la cotation existante par liasse puis par chemise a été respectée en raison des citations qui ont pu en être déjà faites.* Les documents concernent l'immigration en Algérie, la colonisation foncière, les concessions de terres, les créations de centres de colonisation, les travaux s'y rapportant et notamment les alignements de rues, les percements de routes, sous un aspect réglementaire et général ainsi que des dossiers particuliers et individuels. La période couverte s'étend de 1831 à 1907, ce qui rend cette sous-série particulièrement importante.* Les documents proviennent en grande partie de la direction générale des affaires civiles et financières du gouvernement général de l' plusieurs dossiers offrent un caractère archivistique intéressant car ils furent élaborés en fait à Paris par deux directions - la direction des affaires de l’Algérie du ministère de la Guerre. En 1858 la 5 direction du ministère de la Guerre, était composée du 1 bureau du 2 bureau dirigé par Louis Testu, du 3 bureau du 4 bureau ,- le ministère de l'Algérie et des colonies. Le ministère de l'Algérie et des colonies exista du 24 juin 1858 au 24 novembre 1860. Il comprenait trois directions, dont une direction de l'Intérieur chargée de la colonisation grâce à son troisième bureau dirigé par Testu. A sa création le ministère reçut des archives du ministère de la Guerre, alors que le gouvernement général de l'Algérie lui envoyait " " de cartons et registres. Ces derniers ne regagnèrent pas tous Alger en 1860. Ils sont donc à rapprocher des dossiers de la série F 80, consacrée à la direction spécialisée sur l’Algérie des ministères de la Guerre, de l'Algérie et des colonies puis de l’ liasses gagnèrent Alger à la disparition du ministère de l’Algérie et des colonies en 1860, afin de servir de documents de travail au gouvernement général reconstitué deux ans après sa suppression. Le gouvernement général de l'Algérie fut supprimé par le décret du 31 août 1858. Cependant deux ans plus tard le maréchal Pélissier fut nommé gouverneur général par le décret du 24 novembre 1860 et le rétablissement régulier du gouvernement général fut réalisé par le décret du 10 décembre 1860 qui rattachait également de nouveau l'Algérie au département de la Guerre, doté désormais d'un "service de l'Algérie".Certains dossiers furent élaborés par le ministère de la Guerre ou par le ministère de l’Algérie et des colonies, puis poursuivis par le Gouvernement général de l’Algérie. D'autres dossiers sont constitués à la fois du dossier tenu à Paris et du dossier tenu à Alger dans le même temps, ce qui amène à pouvoir consulter dans la même liasse la minute et l'expédition d'une lettre ; le dossier d'Alger fut adressé à Paris en 1858, les deux dossiers, rapprochés, étant transférés à Alger en service producteur des dossiers a été indiqué dans l'analyse. Publication Archives nationales d'outre-mer Records creator's history Service de la colonisationGouvernement général de l'Algérie Source of acquisition 2021-06-08 versement numéro via reprise-1000 Gouvernement général de l'Algérie Conditions governing access Archives publiques. Archives publiques librement communicables. archives publiques Publiable sur internet Conditions governing reproduction La reproduction éventuelle des documents est soumise aux conditions fixées par le règlement intérieur des Archives nationales d'outre-mer. Physical description Additional resources Répertoire numérique détaillé rédigé par Daniel Hick, conservateur en chef, 2005, 36 p. Repository Archives nationales d'outre-mer à Aix-en-Provence Repository Archives nationales d'outre-mer à Aix-en-Provence Finding aid id FRANOM_01185 Archives nationales d'outre-mer - ANOMGouvernement général de l'Algérie Colonisation
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Texte intégral 1 Sur les évènements de Margueritte et leurs suites, voir Phéline C., 2012 ; Ageron 1968, t. 1 ... 2 Archives nationales d’outre-mer ANOM à Aix-en-Provence, ALG 4M 309, télégramme du ministre de l'I ... 1Quand quelques deux cent hommes de la tribu des Righas envahissent le village de Margueritte, une petite colonie viticole dans la montagne algéroise du Zaccar, le 26 avril 1901, ils déclenchent non seulement une panique parmi les colons européens à travers la colonie, mais aussi une polémique importante sur le caractère de la colonisation française en Algérie1. Si les événements du 26 avril ne durent qu’une dizaine d’heures, la révolte » et le procès monstre de 107 membres de la tribu accusés d’y avoir participé, tenu à Montpellier pendant l’hiver 1902-1903, prennent une ampleur beaucoup plus grande dans le contexte des débats qui entourent la politique coloniale française à la fin du xixe siècle. L’un des aspects de cette colonisation, qui devient l’objet d’un débat particulier, est relatif à la question des terres et au rôle éventuel des expropriations au profit de colons européens, dans l’origine des affrontements. Dès le lendemain de l’attaque, le ministre de l’Intérieur demande aux autorités locales si les expropriations par lesquelles le territoire du village européen avait été constitué, quinze ans auparavant, auraient pu laisser des ressentiments de nature à provoquer la violence des Righas2. Même si l’enquête administrative écarte aussitôt cette possibilité pour attribuer à l’insurrection un caractère purement religieux, l’affaire de Margueritte cristallise les grandes lignes du débat contemporain sur la question des terres – leur acquisition, leur utilisation, leur propriété – dans une colonie de peuplement européen telle que l’Algérie française. 2Une figure cristallise rapidement les débats Marc Jenoudet, l’un des premiers colons de la région et l’un de ses plus grands propriétaires européens, qui a aussi joué un rôle important pendant la journée du 26 avril. Parce que ses activités foncières sont relativement bien documentées et parce qu’il devient le symbole d’un mécanisme d’acquisition des terres que les critiques de l’époque trouvent particulièrement scandaleux », la licitation – à savoir la vente d’un bien indivis obtenue par l’un ou plusieurs des ayants droits souhaitant sortir de l’indivision –, observer son parcours devient un moyen privilégié de réfléchir sur la propriété comme instrument de colonisation en Algérie. Une approche microhistorique au cas particulier des acquisitions foncières de Marc Jenoudet et la prise en compte des débats qu’elles ont suscités après l’insurrection du 26 avril 1901 offrent un angle d’analyse inédit des processus et de la signification de la colonisation de peuplement dans le contexte de l’Algérie française. 3 Wolfe P., 2006, p. 388. 4 Osterhammel J., 2005, p. 7. 3Cette analyse prend comme point de départ la définition de la relation intime entre la terre et la colonisation de peuplement dessinée par Patrick Wolfe, pour qui la territorialité », c’est à dire l’accès à la terre, est l’élément spécifique, irréductible de la colonisation de peuplement settler colonialism »3. En ce sens d’acquisition de la terre par le colon, la colonisation de peuplement et les lois foncières qui l’autorisent, en érigeant la terre acquise en propriété reconnue par l’État colonial, constituent aussi bien la matière que la structure de la société coloniale ainsi créée settler society. Si la terre est l’essence de la colonisation de peuplement, questionner la licitation comme moyen d’acquisition des terres conduit donc à questionner la colonisation de peuplement et la place des colons européens dans l’Algérie française. Bien sûr, les Européens n’ont jamais complètement peuplé l’Algérie, qui appartenait plutôt à ce que Jürgen Osterhammel appelle le type africain » de colonie de peuplement – où la logique éliminatrice de cette formation coloniale est limitée, soit par la résistance des populations autochtones, soit par le besoin de main d’œuvre, soit enfin par l’hésitation des émigrants à s’y installer. Selon ce modèle de colonisation, les colons restent alors minoritaires par rapport à une majorité indigène survivante4. Cela n’a pas empêché la colonisation française en Algérie de déclencher le transfert massif des terres algériennes au profit des immigrés européens et de l’État colonial représenté par le domaine de l’État et des communes. L’État français s’est également servi de la loi foncière comme instrument de domination et de régulation sociale, en même temps qu’il imposait une peur continue des insurrections et une reconnaissance de la dépendance européenne vis-à-vis de la main-d’œuvre indigène, surtout en milieu rural. L’histoire de Margueritte reflète cette forme particulière de la colonisation de peuplement. Le contexte de création d’un centre européen 4Fondé lors de la dernière vague de ce qu’on appelait la colonisation officielle » à la fin du xixe siècle, le village est, à l’instar de ce mode de colonisation, une création de l’État plus poussée en Algérie que dans d’autres colonies européennes de peuplement fig. 1. Fig. 1 – Plan de lotissement du village Le Zaccar Margueritte avec les fermes de Marc Jenoudet apparaissant en blanc ANOM, Alger, 4M305 5 Peyerimhoff H. 1906, t. 1, p. 56-65 ; décret portant règlement du mode de concession des terres dom ... 6 ANOM GGA 26L 75, rapport de la commission des centres de Miliana, 15 juillet 1878. 7 Peyerimhoff H., 1906, t. 2, p. 73-74 ; ANOM GGA 26L 75, gouverneur général au préfet d’Alger, 8 et ... 8 Peyerimhoff H., 1906, t. 2, p. 74. 5Le gouvernement général de l’Algérie, ayant désigné les localités où les centres de peuplement européen seraient établis, assure l’acquisition du territoire nécessaire, que ce soit par expropriation, par échange, ou par transferts du Domaine. Il établit le plan et le lotissement du village, fait construire les routes et les bâtiments publics mairie, église, école, fontaines, abreuvoirs, recrute et sélectionne les colons, et concède des terres à ces derniers avec obligation de construire et de cultiver pour obtenir un titre de propriété définitive5. Dans le cas qui nous intéresse, le site, appelé localement Aïn Turki, est d’abord proposé pour un centre européen de dix-huit feux sous le nom du Zaccar » en 1878, qui devient Le Zaccar » sur la liste gouvernementale des centres à établir, deux ans plus tard. L’acquisition de 586 ha de terres se fait principalement par voie d’expropriation pour cause d’utilité publique » sur des Righas habitant le douar-commune d’Adélia car ceux-ci ne sont nullement disposés à les céder de bonne volonté »6. Les travaux de construction peuvent commencer en 1881. Appelé dès lors Margueritte », en souvenir du général qui avait participé à la conquête de la région, le village est livré à la colonisation en 1884 avec vingt-deux concessions agricoles accordées à douze immigrés européens onze Français et un habitant de la Meuse devenue allemande en 1871 et dix Algériens », c’est-à-dire des Européens déjà établis dans la colonie7. Orienté dès le début vers la viticulture, pour laquelle les colons dépendent des travailleurs indigènes des environs et, à moindre degré, des migrants marocains et kabyles, le village de Margueritte est relativement prospère à la veille de l’insurrection. Après trois agrandissements successifs en quinze ans, le recensement de 1901 y compte 402 habitants 221 Français, 163 étrangers européens, 2 Marocains ou Tunisiens, et 16 Algériens musulmans8. 9 Une charrue » équivaut à la surface labourée par un attelage en une saison, soit environ 10 ha. 10 Peyerimhoff H., 1906, t. 2, p. 74. 6 Les Righas d’Adélia, pour leur part, se trouvent dans une situation beaucoup plus difficile. Ayant déjà perdu plus que la moitié des 16 100 ha qu’ils possédaient au profit de l’établissement des premières centres européens de la région et des concessions individuelles dans les années 1850 et 1860, ils se sont vus retirer 800 ha de plus pour les centres d’Oued Zeboudj / Changarnier et Adélia Fermes en 1877, avant même que la création de Margueritte ne soit décidée. Après celle-ci, le village profite de deux nouvelles extensions de son territoire, l’une de 86 ha en 1890, l’autre de 79 ha en 1897, encore une fois aux dépens des Righas. Selon l’enquête Peyerimhoff sur la colonisation officielle, ordonnée en 1898 et publiée en 1906, la perte des terres, fruit d’expropriations ou d’achats réalisés par des Européens à titre privé, a réduit de moitié environ leurs cultures ils labourent 756 charrues » à cette date – d’après l’unité de surface de l’époque9 – au lieu de 1 450 en 1880. Leur cheptel a également diminué d’à peu près 15 % 5 820 têtes de bétail au lieu de 6 792. Ces terres, les meilleures du territoire, manquent beaucoup aux indigènes », lesquels se trouvent obligés à chercher du travail chez les colons du nouveau centre pour compenser leurs pertes. En même temps, la population s’accroît de 2 700 habitants en 1880 à 4 600, vingt ans plus tard, ce qui aggrave l’impact de la dépossession foncière10. C’est dans ce contexte que les licitations pratiquées par Marc Jenoudet sont mises à l’examen public. Marc Jenoudet à Margueritte 11 Je tiens à remercier Christian Phéline et Jean-Marie Gasser d’avoir généreusement partagé avec moi ... 12 Service historique de la Défense SHD à Vincennes, 1H 261, lettres du général Neveu au général Bug ... 7Marc Jenoudet, avocat d’origine lyonnaise, se présente comme le premier colon européen de la région de Margueritte11. Arrivé dans le Zaccar en 1872 ou 1873, il a acheté en 1874 – dix ans avant la création du village de Margueritte – un ancien relais de diligence au lieu-dit Aïn Kahla avec 95 ha de terres où il s’installe avec sa mère. Si les archives laissent persister des zones d’ombre au sujet de cette propriété, il est clair qu’au moment de son achat, elle s’inscrivait dans un processus de colonisation amorcé depuis longtemps dans la région du Zaccar. L’auberge d’Aïn Kahla, située à douze kilomètres de Miliana, date probablement du milieu des années 1840, quand les autorités militaires françaises avaient établi des relais le long des routes reliant la garnison de Miliana, occupée en 1840, à Blida et à Cherchell, pour protéger les voyageurs et servir de bivouac aux colonnes expéditionnaires. La première auberge des environs est établie en 1844 par un ancien cantonnier militaire, auquel le général commandant la subdivision de Miliana concède un terrain de 2 ha près de la fontaine d’Aïn Turki sur la route de Cherchell. Les documents se contredisent au sujet du cantonnier, qui s’appelait soit Redon soit Bayret, mais l’établissement semble avoir passé aux mains d’un certain Jean-Louis Massias vers 184612. 13 ANOM GGA 90I 21, Charles Clerc, Procès-verbal de reconnaissance Tribu des Righas, terrain sur l ... 14 ANOM GGA 90I 11, inspecteur, chef du service des Domaines d’Alger, au général de division commandan ... 15 Grangaud I., 2009. 8Dans les années suivantes, ce dernier obtient une concession plus importante de terres. Elle lui est accordée par l’autorité militaire à un moment inconnu mais avant 1851. Massias en fait une ferme, et il est possible qu’il y transfère l’auberge. En 1855, le vérificateur des Domaines confirme Massias dans la propriété de cette concession, qui appartenait à l’origine à plusieurs membres des Righas, sous prétexte que le terrain avait été réuni au domaine du beylik » gouvernement turc en 1815, au moment de la déportation de la tribu vers la province d’Oran à la suite d’une insurrection contre les autorités ottomanes. Revenus dans leur patrie vers 1831, ils reprirent possession sans bourse délier de ces terrains que le beylik turc n’avait pas aliéné », et leurs terres seraient ainsi restées la propriété de l’État qui pouvait en disposer13. Les anciens possesseurs réclament à nouveau leurs terres en 1867 lors du classement des groupes de propriétés dans la tribu en vertu du sénatus-consulte de 1863, mais la commission administrative rejette leurs réclamations en 1867 parce qu’ils ne peuvent produire comme preuve de leurs droits que les dires du caïd, du cheikh de fraction, et de trois hommes âgés de la tribu. Admettant que certaines préoccupations militent au profit des réclamants », le chef du service des Domaines leur accorde tout de même une compensation sous forme de mesure gracieuse et non comme représentative d’un droit régulièrement justifié »14. Dans l’itinéraire de la propriété Massias, on peut ainsi constater le rôle important de l’autorité militaire dans la dépossession des Righas et dans la constitution de la propriété française », dès les premières années de l’occupation dans la région. Mais aussi l’instabilité des logiques qui président à cette dépossession. En 1855, c’est le statut beylical du territoire des Righas qui est invoqué pour justifier la concession des terres à l’immigrant français. En 1867, les réclamations des anciens propriétaires Righas échouent face au peu de crédit accordé par les Français aux témoignages oraux, mais le service des Domaines accepte néanmoins une compensation à titre gracieux » et non pas de droit »15. 16 ANOM ALGER 4M 309, acte transactionnel de 8 mars 1884 entre l’État et Marc Jenoudet, vu et ratifié ... 9Si la maison Massias », relais de chevaux et auberge, reste une étape importante et connue sur la route Blida-Miliana – qui deviendra plus tard la route nationale n° 4 – jusque dans les années 1860, la fortune de la famille n’est pas assurée pour autant. Jean-Louis Massias décède en 1855, et sa veuve peut réaliser une dernière acquisition en 1859 quand elle achète une propriété près d’Aïn Kahla, connue sous le nom des Lauriers Roses ». Un cantonnier, Pierre Schenmann, y avait bâti une maison. Le tout passe, après la mort de Mme Massias, aux mains de ses enfants. Au décès du fils aîné, Jules, en décembre 1871, au moins une partie des propriétés, dont les Lauriers Roses, sont saisies, probablement pour dettes, puis acquises en 1872 – avec d’autres immeubles – par un nommé Pierre Salmon sur jugement d’adjudication contre les héritiers Massias. Salmon se les voit saisir à son tour, et c’est ainsi Marc Jenoudet qui peut les acquérir devant le tribunal de première instance de Blida en mai 1874, au prix de 800 francs. Les documents de l’époque ne permettent pas de savoir si la maison Jenoudet est l’auberge originale de Jean-Louis Massias ou la maison bâtie par Schenmann aux Lauriers Roses. Néanmoins, c’est à cette époque que Jenoudet s’installe dans l’une ou l’autre habitation et qu’il se met à acquérir d’autres terres dans le Zaccar16. 17 ANOM ALGER 4M 309, sous-préfet de Miliana au préfet d’Alger, 10 juin 1880. 18 Sur ces négociations, voir ANOM ALGER 4M 309, sous-préfet de Miliana au préfet d’Alger, 14 août 188 ... 19 ANOM F80 1690, Jean-Dominique Luciani, directeur des Affaires indigènes du gouvernement général de ... 10À partir de 1877 au plus tard, le Français a commencé à acheter des terrains et des parts de terres indivises aux indigènes des environs d’Aïn Kalha. En 1880, alors que les services de la Colonisation engagent la construction du futur village de Margueritte, il possède trois maisons, 50 ha de terres à titre individuel et des parts indivises équivalant à près de 200 ha17. En même temps qu’il transforme ces terres en vignoble, pour l’essentiel, il s’attache à la constitution homogène de ses trois fermes ». Soit en traitant directement avec l’administration désireuse d’échanger certaines de ses parcelles pour la création du centre contre des terres domaniales, soit en tirant bénéfice de ses parts indivises par voie de licitation18. En 1880-1881, Jenoudet requiert deux énormes licitations contre ses copropriétaires algériens et obtient ainsi la vente judiciaire de parcelles entières. Dans les deux cas, il est déclaré adjudicataire de la totalité des terrains en question quelque 1 100 ha obtenus pour 25 000 francs environ. Il convient de noter un autre élément qui aura son importance dans les débats publics postérieurs l’essentiel de la somme correspond à des frais de procédure à la charge des 429 anciens copropriétaires. Il ne leur reste donc que 2 525 francs du prix de vente à se partager19. 20 Phéline C., 2013. 21 ANOM ALGER 4M 309, note non signée probablement du chef du bureau de colonisation, sur papier à e ... 22 ANOM ALGER 4M 309, Marc Jenoudet au gouverneur général, 28 décembre 1880. 11Les motivations de Marc Jenoudet dans ces affaires ne sont pas transparentes, mais plusieurs hypothèses peuvent être évoquées. Selon la tradition familiale, c’est la beauté des paysages montagneux qui l’amène dans le Zaccar. Vers 1872, pour des raisons de santé, il voyage en Algérie où il avait des amis militaires, ce qui lui fait découvrir la région de Miliana. Séduit, il achète l’ancien relais Massias et s’y installe de façon permanente avec sa mère veuve20. Les archives de la colonisation laissent entrevoir une autre piste d’ailleurs complémentaire. Pour les autorités locales, Jenoudet est un colon sérieux », prêt à investir son capital dans le développement agricole de l’Algérie. En 1880, le sous-préfet de Miliana, Édouard Gouin, estime que c’est un cultivateur sérieux, attaché au pays et qui emploie ses efforts et ses ressources à constituer sur ce point des fermes importantes. Il a déjà utilisé, en grande partie, les terres qui lui appartiennent et constitué des vignobles considérables. En un mot, M. Jenoudet est un colon sérieux qui mérite d’être encouragé. »21 Jenoudet prend soin de se présenter lui-même comme un propriétaire désireux de voir prospérer la colonisation de la contrée qu[’il] habite »22. 23 Sur ces négociations, voir les dossiers les concernant in ANOM GGA 20L 63, GGA 26L 75, et ALGER 4M ... 24 ANOM GGA 20L 63, préfet d’Alger au gouverneur général, 26 mars 1881. 25 ANOM GGA 26L 75, directeur des Domaines Alger au préfet d’Alger, 25 juin 1883. 26 ANOM GGA 20L 63, préfet d’Alger au gouverneur général, 28 août 1883. 27 ANOM GGA 5L 28, circulaire du gouverneur général, 7 avril 1876. 12Mais, dans l’esprit des autorités supérieures, la négociation de l’échange avec le Domaine, entamée en 1880, fait naître des soupçons à son égard. Soutenu par le sous-préfet Gouin, Jenoudet prévient qu’il ne cédera les 75 ha inclus dans le périmètre du village projeté que contre 100 ha environ appartenant à l’État, en particulier une aire de bivouac du Génie, une partie de la forêt domaniale des Righas attenant à sa ferme d’Aïn Kahla et 40 ha issus de l’expropriation des indigènes23. À la préfecture et au gouvernement général, l’on trouve ses conditions exagérées, la valeur des immeubles réclamés étant deux fois celle des terres qu’il abandonnerait au Domaine. Selon le préfet, admettre une telle exception au principe d’équivalence des lots échangés faciliterait singulièrement les effets de la spéculation, et rendrait extrêmement onéreuses les dépenses d’acquisition de terres par voie d’échanges » pour la colonisation24. Les services de la Colonisation à Alger se plaignent pour leur part de son esprit tracassier » et mettent en garde contre ses acquisitions continues qui pourraient entraver le projet de centre25. Deux ans ne suffisent pas à résoudre le différend, ce qui retarde d’autant la création du village de Margueritte et rend nécessaire la révision de ses limites. Le préfet d’Alger en conclut que M. Jenoudet ne peut être considéré dans cette circonstance que comme un spéculateur qui a cherché à forcer la main à l’administration. »26 Finalement, face au refus des autorités de céder davantage, Jenoudet est obligé d’accepter 64 ha qui ne comprennent ni l’aire de bivouac ni la forêt domaniale. Malgré ce dénouement, les doutes éveillés à son sujet sont à rapprocher de la montée des prix du foncier avec l’ouverture du chemin de fer d’Alger à Oran. La gare d’Adélia, inaugurée en 1871, n’est en effet qu’à six kilomètres. Et la colonisation officielle gagne alors du terrain le long des grands axes routiers et ferroviaires en pleine expansion27. 28 ANOM F80 1690, télégramme du secrétaire général du gouvernement général de l’Algérie au ministre de ... 29 Le Temps, 2 mai 1901 ; L'Autorité, 22 mai 1901 ; Le Turco, 7 février 1903, cité par Christian Phéli ... 30 ANOM F80 1690, télégramme à Albin Rozet, 29 mai 1901. 13Selon toute probabilité, une combinaison de trois facteurs – l’amour du pays, l’intérêt agricole et la spéculation foncière – a dirigé les acquisitions de Marc Jenoudet. Mais l’ambiguïté de ses vraies motivations en fait un sujet de débat public à la suite des évènements du 26 avril 1901, quand l’administration coloniale, les autorités judiciaires et les commentateurs parlementaires et journalistiques en recherchent les causes. Un télégramme envoyé le soir du 29 avril au gouverneur Jonnart alors à Antibes pour des raisons de santé montre que son secrétaire général à Alger soulève déjà la question d’éventuelles rancunes laissées par les acquisitions européennes28. L’enquête officielle conclut au caractère purement religieux du soulèvement, mais les licitations de Jenoudet continuent d’être citées à la tribune parlementaire, dans la presse et devant la cour d’Assises de Montpellier comme un facteur important pour la genèse de l’insurrection. Jenoudet est lui-même mis à l’index et associé à l’exemple type du colon-spoliateur de l’Algérie française. Le journal républicain Le Temps, par exemple, dénonce les spoliations abominables qui se commettent au moyen des licitations », pendant que son confrère d’extrême droite, L’Autorité, décrit ses licitations comme des procédés abominables ». Plus près de lui, Charles Gauthier, l’autre grand propriétaire européen de Margueritte, écrit dans les pages du journal satirique antijuif, Le Turco, que les licitations pratiquées par son voisin constituent le type classique de l’expropriation suivie de spoliation »29. Telle est l’ampleur des attaques que Julien Bertrand, délégué financier colon et président de la Société des agriculteurs de l’Algérie, peut qualifier dès la fin de mai 1901 comme une véritable campagne de dénigrement contre M. Jenoudet »30. La licitation en débat 31 Peyerimhoff H., 1906, t. 2, p. 74. 32 ANOM GGA M58, ministre de la Guerre, rapport sur l’histoire de la tribu, 21 septembre 1868 ; Tablea ... 14Pourquoi les licitations de Jenoudet provoquent-elles une telle indignation lors des événements du 26 avril 1901 ? La licitation n’est pas, comme nous l’avons vu, le seul moyen utilisé par Marc Jenoudet pour acquérir ses terres, et il était loin d’être le seul à en user. D’autres Européens ont acheté à titre privé 2 400 ha dans le douar, le plus souvent à la suite de licitations », d’après le rapport Peyerimhoff31. La licitation n’est pas même le mode d’expropriation le plus fréquemment employé pour déposséder les Righas tout au long du xixe siècle. Vers 1840, avant même la promulgation du sénatus-consulte de 1863, l’armée et le Domaine ont prélevé 2 663 des 16 000 ha reconnus aux Righas pour trois postes de cantonniers, un poste télégraphique, un bivouac, des concessions individuelles aux Européens et la création des premiers centres de peuplement de la région Vesoul-Benian et Aïn Sultan. Pendant ce temps, 2 435 ha de la forêt des Righas étaient soumis au régime forestier français, ce qui conduisit à leur retirer tout droit de parcours32. Dans la dernière vague de colonisation officielle des années 1870 et 1880, l’État exproprie enfin 3 000 ha au nom du principe d’utilité publique pour la constitution de quatre villages de peuplement, dont celui de Margueritte. 33 Projet du sénatus-consulte, in ministère de la Guerre, 1863, p. 35. Voir aussi Surkis J., 2010, p. ... 34 Duturc G., 1855, p. 1. Sur la loi Warnier, voir Sainte-Marie A., 1979. 35 Rapport à l’Assemblée nationale, 4 avril 1873, in Estoublon R. et Lefébure A., 1896, p. 396 et 400. 15Pour comprendre la part attribuée à Marc Jenoudet et à ses licitations dans l’affaire de Margueritte, il faut alors revenir aux débats relatifs à cette procédure particulière dans les décennies précédentes. Bien avant l’insurrection de Margueritte, la licitation pose la question du droit foncier colonial, de la perception française des colons et des autochtones. Elle révèle plus généralement les contradictions de la colonisation de peuplement en Algérie. La polémique déclenchée par l’affaire de Margueritte s’inscrit dans des discussions juridiques et politiques sur la licitation depuis les années 1860 qui ont pris une tonalité scandaleuse », dans les années 1890, lorsque la dénonciation des abus » est devenue systématique. Car, si la licitation apparaît dans les archives coloniales dès le début de la conquête française, c’est la loi Warnier du 26 juillet 1873 qui en autorise la pratique courante. Là où le sénatus-consulte de 1863 avait reconnu l’existence de l’indivision comme étant dans les mœurs » d’un peuple semi-nomade – en liaison avec le caractère patriarcal de la famille musulmane33 –, la loi Warnier va plus loin en cherchant à franciser » la terre algérienne par la constitution » de la propriété individuelle. Elle exporte ainsi le principe selon lequel l’indivision, quelle que soit la cause qui la produise, ne peut être évidemment une situation normale »34. À cette fin, son article 4 étend à l’Algérie l’application du code civil Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision » art. 815 ; et donc tout copropriétaire d’un bien indivis peut en provoquer la vente – ou licitation – pour sortir de l’indivision si l’immeuble n’est pas partageable art. 827. L’intention de la loi de 1873 est double. D’un côté, individualiser la propriété est indissociable de la colonisation de peuplement puisqu’il s’agit de faciliter l’accès des Européens à la terre. La loi, selon le député Warnier qui la rapporte, vise à rendre à toute l’Algérie son ancienne puissance productive, par une meilleure assiette de la propriété, et [à] faire cesser l’inégale répartition du sol entre ses habitants actuels et ceux que l’émigration française ou européenne pourra y amener » en rendant les transactions plus faciles et plus transparentes aux immigrés européens. D’un autre côté, elle cherche à transformer la société et même la subjectivité algériennes. Si l’indivision est considérée comme ancrée dans la tradition et les liens de famille », l’introduction parmi eux des propriétaires européens est censée par l’exemple et par l’appât d’un surcroît de bien-être, les engager à modifier leurs habitudes séculaires […] il faudrait ne pas connaître l’homme pour douter qu’avant très peu de temps, dans chaque famille, il y aura quelqu’un qui demandera le partage, pour mieux assurer son indépendance et donner un plus grand aliment à son activité. »35 Ce double objectif vise donc à rapprocher les intérêts des colons européens de ceux des indigènes algériens tels qu’ils étaient définis, bien sûr, par le législateur français. Il incarnait l’ambiguïté de la colonisation de peuplement pratiquée en Algérie française. 36 Meynier G., 1981, p. 120-121. 37 Roussel C., 1894, p. 170. 16En pratique, le régime de l’article 815 institué par la loi Warnier fait de la licitation une arme puissante aux mains d’individus avisés, Européens ou, à un degré moindre, indigènes. Il permet à ce que l’achat d’une part infinitésimale du territoire indivis d’une communauté et la conduite habile de la licitation aboutissent à totalement dépouiller cette communauté »36. Pour combattre le fléau de l’indivision, on a donc déchaîné le fléau incomparablement plus meurtrier des licitations », dénonce le Journal [libéral] des économistes en 189437. Les effets de cette procédure soulèvent des critiques de la part des juristes, des parlementaires et des journalistes qui épinglent des licitations responsables de la ruine de dizaines, voire de centaines de personnes à chaque fois, malgré les justifications offertes par les défenseurs des lois foncières. 38 Loi du 16 juin 1851, in Estoublon R. et Lefébure A., 1896, p. 141. 39 Procès-verbal de la séance de la commission provinciale du 15 juillet 1868, in ministère de l’Agric ... 40 Dépositions de MM. Bou Mad Amar Ben El Hadj Kaddour et al., séance du 10 juin 1900, in Pourquery de... 17Déjà en 1868, la loi du 16 juin 1851 ayant soumis les transactions concernant des non-musulmans au code civil38, l’enquête agricole menée par le ministère de l’Agriculture, du Commerce et des Travaux publics avait entendu des plaintes des déposants indigènes contre les effets de la licitation, en même temps que des réclamations des colons pour l’application des articles 815 et 827 à l’Algérie. Voici ce qui arrive souvent », expliquait l’un des trois notables indigènes qui faisait partie de la commission à Alger, un fils qui a fait des dettes vend pour une somme insignifiante la part qu’il possède dans les biens de famille. L’acquéreur qui a fait une spéculation demande immédiatement la vente de l’immeuble afin de sortir de l’indivision ; il arrive alors une licitation, le bien se vend à vil prix, les frais sont élevés et la famille est ruinée. »39 C’est une plainte très similaire que présente un groupe d’hommes des Righas à une commission parlementaire lors de son passage à Miliana en 1900, juste un an avant l’insurrection du 26 avril. Parlant de Marc Jenoudet, ils décrivent comment ce dernier a réussi à leur prendre 1 600 ha Il a obligé matériellement six ou sept malheureux qui lui ont cédé une partie de leur propriété. Au moyen de ces parts, il les a fait mettre sur l’affiche et il nous a dépouillés. Nous avons reçu par l’intermédiaire de l’huissier du papier bleu et nous avons été ruinés. Nous n’avons plus actuellement que ce que nous avons sur le dos et une propriété melk de tribu [sic], indivise entre nous »40. 41 Ageron 1968, t. 1, p. 100-101 ; Loi ayant pour objet de modifier et de compléter la loi du ... 42 Séance du 26 février 1891, Annales du Sénat. Débats parlementaires, t. 30, p. 121. Pour les grandes ... 43 Guignard D., 2010b. 18L’adoption de la loi Warnier, complétée par une loi du 22 avril 1887 qui enlève les licitations et partages de la compétence des cadis pour les confier aux tribunaux français, ne fait qu’amplifier les effets néfastes des licitations, qui s’élèvent de 150 par an en moyenne en 1876-1879 à 343 par an en 1885-188941. Alors que pendant les années 1880 les parlementaires de l’opposition avaient dénoncé l’expropriation des terres indigènes pour les centres de colonisation, ce sont désormais les licitations permises par la loi Warnier qui deviennent la cible privilégiée, en particulier au cours des grands débats sur la question algérienne des années 1890. Déclenchés en février 1891 par une interpellation du sénateur radical, Louis Pauliat, qui compte la licitation parmi les abus les plus criants » dans la colonie, les critiques contre elle s’enflamment avec la publication de plusieurs rapports parlementaires qui font la lumière sur cette procédure, notamment celui du député Auguste Burdeau, rapporteur du budget de l’Algérie en 1891, et celui du sénateur Franck Chauveau en 1894, membre de la commission d’enquête sénatoriale dirigée par Jules Ferry à la suite de l’interpellation Pauliat42. Si les oppositions de droite comme de gauche se servent des scandales algériens » à des fins électorales43, elles ne sont pas les seules à dénoncer les abus de la licitation. Les critiques viennent aussi des rangs républicains opportunistes, auxquels appartiennent Auguste Burdeau et Franck Chauveau. 44 Séance du 15 février 1894, Annales du Sénat. Débats parlementaires, t. 39, p. 160-161. Voir égaleme ... 45 Déposition de M. Ducroux, séance du 2 juin 1900, Alger, in Pourquery de Boisserin, 1901, p. 3. 19Et leur jugement est sans appel. On usa largement de ce droit », déplore Franck Chauveau dans son rapport sur la propriété indigène ; on vit s’abattre sur les douars des hommes d’affaires qui avaient vite compris le parti qu’ils pouvaient tirer de la loi de 1873. Ils acquéraient une partie infinitésimale de la propriété et demandaient la licitation. Et comme il arrivait souvent que ces immeubles, soit par suite de leur configuration, soit à cause du grand nombre d’intéressés, n’étaient point partageables en nature, on voyait s’ouvrir, contre des centaines d’ayants droit, d’interminables et coûteuses procédures, qui absorbaient intégralement, ou à peu près, la valeur de l’immeuble, et jetaient dans la plus profonde misère ceux qui, la veille, vivaient à l’aise sur la propriété commune ». Il cite comme exemple le cas, relevé par Burdeau trois ans plus tôt, d’une tribu des environs de Mostaganem dont les 513 membres se sont vus expropriés de leur domaine de 292 ha suite à la licitation demandée par le chaouch d’un avocat-défenseur européen, lequel avait acheté une part du domaine pour 20 francs. Le domaine fut ensuite vendu aux enchères pour 80 francs, et la tribu se retrouva frappée de 11 000 francs de frais de procédure. Les Arabes furent chassés de leur terre et réduits à la misère, peut-être au brigandage et au vol ! », conclut Franck Chauveau44. Même des juristes français en Algérie s’accordent à reconnaître les effets dévastateurs de l’article 815 du code civil sur la société autochtone. L’indigène meurt de l’application de la loi française de ce point de vue », avoue le président de la cour d’Appel d’Alger dans sa déposition devant une nouvelle commission parlementaire en juin 190045. 46 Séance du 1er décembre 1877, in Conseil supérieur du gouvernement, 1877, p. 317. 47 Annexe n° 1437, Rapport fait au nom de la commission chargée d’examiner la proposition de loi, ad ... 48 Commission de la protection de la propriété indigène, 1899, p. 3 et 8. 20Là où la loi du 22 avril 1887 visait plutôt à réduire le coût des licitations, conçues – selon le directeur des Finances à Alger – comme un moyen privilégié de permettre à l’Européen de pénétrer […] dans cette propriété indivise qui, en l’état actuel, est immobilisée entre les mains de la famille arabe »46, celle du 16 février 1897 répond plus directement à ses détracteurs. Le grand problème de la loi Warnier, déclare le radical Pourquery de Boisserin dans son rapport sur le projet de loi, est de créer [consolider plutôt] une indivision extrême dans la constitution de la propriété indigène » en reconnaissant les droits d’un trop grand nombre de copropriétaires sur des parcelles indivises. De là des licitations scandaleusement ruineuses, dont la chambre s’est plusieurs fois émue. »47 La loi de 1897 prescrit alors art. 17 le partage en nature en cas de demande de licitation d’immeubles ruraux dont la moitié appartient à des indigènes musulmans ». Si l’immeuble ne peut pas être convenablement partagé, un ayant-droit ne peut plus en exiger la vente comme le voudrait l’article 827 du code civil. Dans ce cas, la valeur de la part du demandeur est établie par le tribunal, et les autres copropriétaires condamnés à payer cette somme à celui qui cherche à sortir de l’indivision. Cette modification, finalement, ne résolut pas le problème, et l’année suivante, une nouvelle commission, dite de la Protection de la propriété indigène », est chargée par le gouvernement général d’enquêter sur la tendance constatée parmi les autochtones de se défaire de leurs terres, pour les vendre à des Européens ». L’objectif est alors de rechercher des moyens pour éviter qu’une vente les oblige à se dépouiller de leurs terres »48. 49 Roussel C., 1894, p. 170. 50 Napoléon III, 1865, p. 8. 51 Lettre de Sa Majesté l’Empereur à Son Excellence le maréchal duc de Malakoff, gouverneur général ... 52 Guignard D., 2010a, p. 83. 21S’il y a indéniablement un côté humanitaire dans les critiques de la licitation en Algérie, considérée par certains comme un système ruineux et inhumain »49, ces débats mettent aussi en relief une contradiction de plus en plus évidente dans les discours légitimant la colonisation de peuplement en Algérie. Celle-ci, selon ses promoteurs, était censée établir une société nouvelle de l’autre côté de la Méditerranée. Dotée des meilleures qualités de la nation française, dépourvue de ses principaux défauts, elle saurait ainsi transmettre ses valeurs aux indigènes. Dans ce discours, les colons européens et le régime politique qui les appuie devaient jouer un rôle moteur, au nom de la mission civilisatrice en Algérie. Même la fameuse politique du Royaume arabe » de Napoléon III voyait dans les colons un pôle civilisateur qui conjuguerait ses intérêts avec ceux des Arabes les Européens doivent servir de guides et d’initiateurs aux indigènes pour répandre chez eux les idées de morale et de justice, leur apprendre à écouler ou transformer les produits, réunir les capitaux, étendre le commerce, exploiter les forêts et les mines, opérer les desséchements, faire les grands travaux d’irrigation, introduire les cultures perfectionnées, etc. »50 Les transactions foncières entre indigènes et colons, facilitées par la consolidation » de la propriété indigène, amènerait des rapports journaliers, plus efficaces, pour les amener à notre civilisation, que toutes les mesures coercitives »51. Après la chute de l’Empire, la politique d’assimilation, traduite par le régime des rattachements, prônait aussi l’influence bénéfique des colons et du régime foncier français sur les indigènes. Comme Didier Guignard le constate, l’objectif des bonapartistes d’inspiration saint-simonienne et celui des républicains de gouvernement demeurent essentiellement le même introduire partout la propriété individuelle de droit français, permettre à des colons européens de se mêler aux exploitants autochtones en contribuant, par leur seul exemple, à la modernisation des campagnes »52. Or, la licitation, dont les conséquences dramatiques apparaissaient comme abusives – même dans un cadre légal –, démolit ce discours et menace la sécurité, autant idéologique que réelle, associée à cette vision du peuplement civilisateur en Algérie. 53 Sur la moralisation de la spéculation en situation coloniale, voir Limerick P., 1987, p. 67-69 ; We ... 54 Annexe n° 121, Rapport fait au nom de la commission chargée d’examiner les modifications à introd ... 22Les rapports parlementaires, les exposés des motifs pour chacune des lois, ou bien les commentaires de juristes et de journalistes indigénophiles », reconnaissent l’impact social et moral de la dépossession pour les Algériens la misère, le vagabondage, l’indignité de ne plus être propriétaire et d’être obligé de travailler comme journalier sur son ancien terrain. Mais l’attention se porte également sur la conduite indigne des Européens, ses conséquences éventuelles pour la colonisation française en Algérie, ses effets sur les individus concernés. L’épithète la plus souvent appliquée à ceux qui pratiquent les licitations considérées comme abusives est celle de spéculateur », un qualificatif qui porte, comme dans presque toutes les sociétés de peuplement du xixe siècle où la spéculation foncière est endémique, de fortes connotations morales53. Pour ne citer qu’un exemple, prenons le rapport de Franck Chauveau. Celui-ci attribue les licitations abusives » à des spéculateurs qui [profitent] de l’imprévoyance indigène » et dénonce leurs procédés non seulement parce qu’ils sont scandaleux et abominables », mais aussi dangereux au premier chef pour notre domination et pour la sécurité de la colonie ». Ils sont susceptibles en effet de réveiller les haines qui mèneraient à l’insurrection. Pointant de plus les frais excessifs de procédure que provoque une licitation, il poursuit Si nous ne voulons pas dépouiller les indigènes, pas plus par des moyens détournés que par la violence, il faut nous garder de les soumettre à des lois, à une procédure dont ils ignorent les périls, et qui, dans les mains de spéculateurs cupides ou d’hommes d’affaires retors, peut devenir contre eux un véritable instrument de spoliation et de ruine »54. 55 Sur l'image du spéculateur, voir Sessions J., 2011, p. 240-245. 56 Ferry J., 1892, p. 59 ; Premier rapport de M. Didier au nom de la commission de l’Assemblée légis ... 57 Ferry J., 1892, p. 60. 23Dans ces critiques, nous trouvons la clé de la campagne de dénigrement » menée contre Marc Jenoudet la capacité de la licitation à subvertir l’idéologie de la mission civilisatrice, la seule qui légitime la colonisation française en Algérie. La figure du spéculateur européen avait hanté l’imaginaire colonial français dès les premières années de la conquête algérienne, parce qu’il démentait l’idée selon laquelle la propriété individuelle était nécessaire à l’amour et à la mise en valeur du sol. La domination française, surtout par l’introduction de la loi française, était censée avoir une influence civilisatrice » sur les populations autochtones de l’Algérie55. Or la figure déshonorante du spéculateur » qui refait surface dans les débats autour de la licitation semble renaître de la loi elle-même. Qu’y eut-il jamais de mieux intentionné que la loi du 22 juillet 1873 », demande Jules Ferry en 1892, destinée à introduire dans le monde arabe la propriété individuelle, ce véhicule de la civilisation française ? Elle devait avoir promptement raison du collectivisme oriental, libérer l’homme et le sol, briser la famille et la tribu », ces dernières considérées à l’époque comme le levier de toute résistance à notre domination »56. Malheureusement, du code civil, la famille arabe n’a retenu, pour son malheur, que l’article [827], la licitation obligatoire, qui régularise, au profit des spéculateurs, la spoliation des indigènes »57. 58 Séance du 16 février 1894, Annales du Sénat. Débats parlementaires, t. 39, p. 175-176. 59 Sur la sacralisation de la loi dans l’imaginaire républicaine, voir Ribner J., 1993. 60 Burdeau A., 1892, p. 183. 61 Séance du 15 février 1894, Annales du Sénat. Débats parlementaires, t. 39, p. 161. 24Deux ans plus tard, parlant en faveur du projet qui allait devenir la loi de 1897, le sénateur algérois Paul Gérente dénonce l’approbation implicite offerte par la loi Warnier à certaines calamités, jusqu’ici presque légales, presque licites en apparence, mais en vérité révoltantes ». C’était sous son couvert […] [que] certains agents d’affaires peu scrupuleux, […] [hommes de loi] infidèles à l’esprit même de la loi, à l’esprit de justice et d’honnêteté, […] hommes malfaisants », ou bien, citant une brochure du député antijuif Charles Marchal, hommes de proie », ont exploité » la loi pour exproprier et spolier indignement de malheureux ignorants ». En bâtissant leurs propres fortunes sur la misère des indigènes, ces hommes ont ainsi déshonoré l’administration française » et fait de la loi française un merveilleux et monstrueux outil de spoliation ». N’y a-t-il pas là un vol qui s’abrite sous la légalité ? »58 Une telle exploitation de la loi, incarnation du génie républicain de la France59, par des spéculateurs malhonnêtes sape la légitimité de la mission civilisatrice qui légitime à son tour la colonisation française en Algérie. Ce n’est pas pour faciliter de pareils abus que la France a introduit dans la colonie ses magistrats et ses institutions judiciaires », martèle Auguste Burdeau en 189160. Franck Chauveau pose le problème encore plus directement quelques années plus tard Eh bien, que voulez-vous que ces indigènes ainsi scandaleusement dépouillés pensent de la loi qui permet d’aussi monstrueux abus et de la civilisation qui les tolère ? »61 Conclusion 62 ANOM F80 1690, télégramme de Marc Jenoudet à Charles Marchal, 23 mai 1901. 25Pourtant, les pourfendeurs de la licitation ne renoncent point à la colonisation, pas plus qu’ils ne réussissent à mettre fin aux facilités offertes aux Européens par le droit colonial d’acquérir les terres algériennes à des prix très avantageux. Des enquêtes et commissions sur la propriété indigène en Algérie continueront à signaler les abus sans y mettre fin, au moins jusqu’à la Grande Guerre. Mais les arguments qu’ils avancent dans les dernières décennies du xixe siècle nous donnent à voir les contradictions qui s’élèvent au cœur des discours soutenant la colonisation de peuplement en Algérie pendant cette période. Entre une vision de la civilisation » des populations autochtones par la transformation des mœurs, des coutumes et des pratiques de la terre, et celle assumée des colonistes », que traduit Marc Jenoudet en butte aux premières interpellations dans ce télégramme envoyé au député antijuif Marchal, le 23 mai 1901 Je ne redoute pas la lumière. Suis fier de mes actes. Souhaite Algérie reçoive nombreux colons comme moi »62. Bibliographie Ageron Charles-Robert, 1968, Les Algériens musulmans et la France 1871-1919, Paris, PUF, 2 volumes. Ageron Charles-Robert, 1979, L’Histoire de l’Algérie contemporaine, t. 2, De l’insurrection de 1871 au déclenchement de la guerre de libération 1954, Paris, PUF. Belich James, 2009, Replenishing the Earth The Settler Revolution and the Rise of the Anglo-World, 1783-1939, Oxford, Oxford University Press. Burdeau Auguste, 1892, L’Algérie en 1891. Rapport et discours, Paris, Hachette. 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Wolfe Patrick, 2006, Settler colonialism and the elimination of the native », Journal of Genocide Research, 8, n° 4, p. 387-409. Notes 1 Sur les évènements de Margueritte et leurs suites, voir Phéline C., 2012 ; Ageron 1968, t. 1, p. 606-08, t. 2, p. 965-974 ; Ageron 1979, p. 67-68. 2 Archives nationales d’outre-mer ANOM à Aix-en-Provence, ALG 4M 309, télégramme du ministre de l'Intérieur, cité par le gouverneur général dans son télégramme au préfet d'Alger, 28 avril 1901 ; ANOM F80 1690, télégramme du secrétaire général du gouvernement général au ministre de l'Intérieur, 29 avril 1901. 3 Wolfe P., 2006, p. 388. 4 Osterhammel J., 2005, p. 7. 5 Peyerimhoff H. 1906, t. 1, p. 56-65 ; décret portant règlement du mode de concession des terres domaniales affectées à la colonisation en Algérie, 30 septembre 1878. Cf. Duvergier J., 1878, p. 522-528. 6 ANOM GGA 26L 75, rapport de la commission des centres de Miliana, 15 juillet 1878. 7 Peyerimhoff H., 1906, t. 2, p. 73-74 ; ANOM GGA 26L 75, gouverneur général au préfet d’Alger, 8 et 10 septembre 1884. 8 Peyerimhoff H., 1906, t. 2, p. 74. 9 Une charrue » équivaut à la surface labourée par un attelage en une saison, soit environ 10 ha. 10 Peyerimhoff H., 1906, t. 2, p. 74. 11 Je tiens à remercier Christian Phéline et Jean-Marie Gasser d’avoir généreusement partagé avec moi des documents concernant la vie de Marc Jenoudet. Cf. Phéline C., 2013. 12 Service historique de la Défense SHD à Vincennes, 1H 261, lettres du général Neveu au général Bugeaud, 31 mai 1844, 21 octobre 1844 et 22 avril 1845. L'état civil de Miliana ANOM constate la présence de Jean-Louis Massias aubergiste, demeurant sur la route de Miliana aux Eaux-Chaudes », lors de la naissance de sa fille Thérèse, le 2 août 1846. 13 ANOM GGA 90I 21, Charles Clerc, Procès-verbal de reconnaissance Tribu des Righas, terrain sur lequel ont été installé les sieurs Massias et Durand », 13 juillet 1855. 14 ANOM GGA 90I 11, inspecteur, chef du service des Domaines d’Alger, au général de division commandant la division d’Alger, 2 juillet 1867. 15 Grangaud I., 2009. 16 ANOM ALGER 4M 309, acte transactionnel de 8 mars 1884 entre l’État et Marc Jenoudet, vu et ratifié en conseil de préfecture le 3 avril 1884. 17 ANOM ALGER 4M 309, sous-préfet de Miliana au préfet d’Alger, 10 juin 1880. 18 Sur ces négociations, voir ANOM ALGER 4M 309, sous-préfet de Miliana au préfet d’Alger, 14 août 1880. 19 ANOM F80 1690, Jean-Dominique Luciani, directeur des Affaires indigènes du gouvernement général de l’Algérie, Rapport sur les causes du soulèvement de Margueritte », 13 mai 1901 ; lettre de Marc Jenoudet publiée dans Le Petit Milianais, 2 octobre 1893. Le détail des licitations se trouve dans les annonces légales publiées dans Le Tell Blida, les 7 mai 1881 et 16 août 1882. 20 Phéline C., 2013. 21 ANOM ALGER 4M 309, note non signée probablement du chef du bureau de colonisation, sur papier à en-tête de la préfecture d’Alger, non datée [vers août 1880]. 22 ANOM ALGER 4M 309, Marc Jenoudet au gouverneur général, 28 décembre 1880. 23 Sur ces négociations, voir les dossiers les concernant in ANOM GGA 20L 63, GGA 26L 75, et ALGER 4M 309. 24 ANOM GGA 20L 63, préfet d’Alger au gouverneur général, 26 mars 1881. 25 ANOM GGA 26L 75, directeur des Domaines Alger au préfet d’Alger, 25 juin 1883. 26 ANOM GGA 20L 63, préfet d’Alger au gouverneur général, 28 août 1883. 27 ANOM GGA 5L 28, circulaire du gouverneur général, 7 avril 1876. 28 ANOM F80 1690, télégramme du secrétaire général du gouvernement général de l’Algérie au ministre de l’Intérieur et au gouverneur général, 29 avril 1901. 29 Le Temps, 2 mai 1901 ; L'Autorité, 22 mai 1901 ; Le Turco, 7 février 1903, cité par Christian Phéline, 2012, p. 58. 30 ANOM F80 1690, télégramme à Albin Rozet, 29 mai 1901. 31 Peyerimhoff H., 1906, t. 2, p. 74. 32 ANOM GGA M58, ministre de la Guerre, rapport sur l’histoire de la tribu, 21 septembre 1868 ; Tableau de la situation des établissements français en Algérie TEFA 1843-44, p. 51 et 106 ; TEFA 1844-45, p. 162-163 ; ANOM GGA 1HH 75, Statistique », 1854 ; TEFA 1867-72, p. 8 et 314. 33 Projet du sénatus-consulte, in ministère de la Guerre, 1863, p. 35. Voir aussi Surkis J., 2010, p. 36-37 ; Guignard D., 2010a, p. 85-86. 34 Duturc G., 1855, p. 1. Sur la loi Warnier, voir Sainte-Marie A., 1979. 35 Rapport à l’Assemblée nationale, 4 avril 1873, in Estoublon R. et Lefébure A., 1896, p. 396 et 400. 36 Meynier G., 1981, p. 120-121. 37 Roussel C., 1894, p. 170. 38 Loi du 16 juin 1851, in Estoublon R. et Lefébure A., 1896, p. 141. 39 Procès-verbal de la séance de la commission provinciale du 15 juillet 1868, in ministère de l’Agriculture, du Commerce et des Travaux publics, 1870, p. 20. 40 Dépositions de MM. Bou Mad Amar Ben El Hadj Kaddour et al., séance du 10 juin 1900, in Pourquery de Boisserin, 1901, p. 190. 41 Ageron 1968, t. 1, p. 100-101 ; Loi ayant pour objet de modifier et de compléter la loi du 26 juillet 1873, sur l’établissement et la conservation de la propriété en Algérie », in Estoublon R., 1896, p. 727-742. Cette première révision de 1887 répond aux plaintes des colons qui reprochent à la loi Warnier de ne pas avoir rendu obligatoire le partage des biens indivis. Saisi par les représentants des colons, le Conseil supérieur du gouvernement à Alger charge une commission d’examiner la question en 1880, et la loi d’avril 1887 est calquée sur ses conclusions. Voir Estoublon R. et Lefébure A., 1896, p. 729-731. 42 Séance du 26 février 1891, Annales du Sénat. Débats parlementaires, t. 30, p. 121. Pour les grandes lignes de ces débats, voir Ageron 1968, t. 1, chapitres 16-17. 43 Guignard D., 2010b. 44 Séance du 15 février 1894, Annales du Sénat. Débats parlementaires, t. 39, p. 160-161. Voir également Burdeau A., 1892, p. 183. 45 Déposition de M. Ducroux, séance du 2 juin 1900, Alger, in Pourquery de Boisserin, 1901, p. 3. 46 Séance du 1er décembre 1877, in Conseil supérieur du gouvernement, 1877, p. 317. 47 Annexe n° 1437, Rapport fait au nom de la commission chargée d’examiner la proposition de loi, adoptée par le Sénat, sur la propriété foncière en Algérie », 4 juillet 1895, Annales de la Chambre des Députés. Documents parlementaires, t. 47, p. 1586. 48 Commission de la protection de la propriété indigène, 1899, p. 3 et 8. 49 Roussel C., 1894, p. 170. 50 Napoléon III, 1865, p. 8. 51 Lettre de Sa Majesté l’Empereur à Son Excellence le maréchal duc de Malakoff, gouverneur général de l’Algérie », 6 février 1863, in Statistique et documents relatifs au sénatus-consulte sur la propriété arabe, 1863, Paris, Imprimerie nationale, p. 10. 52 Guignard D., 2010a, p. 83. 53 Sur la moralisation de la spéculation en situation coloniale, voir Limerick P., 1987, p. 67-69 ; Weaver J., 2003 ; Belich J., 2009, p. 202-206. 54 Annexe n° 121, Rapport fait au nom de la commission chargée d’examiner les modifications à introduire dans la législation et dans l’organisation des divers services de l’Algérie Propriété foncière en Algérie, par M. Franck Chauveau, sénateur », 29 mars 1894, Annales du Sénat. Documents parlementaires, t. 39, p. 273. 55 Sur l'image du spéculateur, voir Sessions J., 2011, p. 240-245. 56 Ferry J., 1892, p. 59 ; Premier rapport de M. Didier au nom de la commission de l’Assemblée législative », 9 juillet 1851, in Robe E., 1854, p. 263. 57 Ferry J., 1892, p. 60. 58 Séance du 16 février 1894, Annales du Sénat. Débats parlementaires, t. 39, p. 175-176. 59 Sur la sacralisation de la loi dans l’imaginaire républicaine, voir Ribner J., 1993. 60 Burdeau A., 1892, p. 183. 61 Séance du 15 février 1894, Annales du Sénat. Débats parlementaires, t. 39, p. 161. 62 ANOM F80 1690, télégramme de Marc Jenoudet à Charles Marchal, 23 mai 1901.
Le19 mars 1962, le président de la République française, le général Charles de Gaulle, signe les accords d’Évian qui encadrent le processus d’indépendance de l’Algérie.Résumé Index Plan Texte Bibliographie Annexe Notes Citation Auteur Résumés Dans cet article, on tentera de revisiter les thèses du démantèlement tribal en Algérie, pour en souligner les réalités mais aussi les limites, puis on prendra le cas des mesures prises par les autorités coloniales à l’égard de deux tribus appartenant à l’annexe d’Ain Sefra les cAmûr et les Awlâd Sid Ahmad Majdûb. Notre propos n’est donc pas de faire l’histoire sociale de ces tribus, mais de comparer les mesures prises par les autorités coloniales à l’égard de la question tribale selon qu’il s’agit des départements civils du Nord ou des territoires du Sud. This paper aims to revisit the theses of tribal dismantling in Algeria, in order to underline its reality but also its limits. The author examines the case of the policy of colonial authorities with regard to two tribes belonging to the territory of Ain Sefra cAmûr and Awlâd Sid Ahmad Majdûb. The purpose is not so much to write a social history of these tribes, but to compare the decisions taken by the colonial authorities with regard to the tribal question in the civil departments of the Nord and in the Southern de page Entrées d’index Haut de page Texte intégral 1 L’un des journaux francophones algériens les plus lus, Liberté, a consacré un dossier spécial à ce ... 2 Le journal algérien El Moujahid, journal rangé du côté du pouvoir, soulignait par exemple à propos ... 3 La confédération des cAmûr de la région d’Ain Sefra se serait constituée progressivement entre le ... 4 Sid Ahmad Majdûb, l’ancêtre fondateur de la tribu, serait né approximativement entre 1490 et 1493 ... 5 Pour une analyse du concept de tribu, cf. Jacques Berque, Qu’est-ce qu’une tribu nord-africaine ... 1La question tribale est réapparue en Algérie depuis les révoltes survenues en Kabylie en avril 2001. Celles-ci ont mis au devant de la scène publique un nouvel interlocuteur étatique la coordination des arouch, dairas et communes – le terme arouch carûsh étant généralement employé en Algérie pour désigner les tribus sing. carsh. Suite à ces événements, de nombreux articles journalistiques sont parus au sujet de la tribu1, et depuis lors, on assiste tout au moins dans la presse à une mise en exergue et peut-être à une survalorisation du fait tribal dans ce pays2. Parmi les questions que pose ce regain d’intérêt pour la tribu, il en est une qui nous intéresse particulièrement celle concernant le démantèlement tribal. Celle-ci se pose avec acuité d’autant plus qu’il était admis jusque récemment que le régime colonial avait détruit purement et simplement les tribus en Algérie. Or, si la déstructuration tribale fut, durant la période coloniale, une mesure voulue pour les départements civils du Nord, il apparaît qu’il n’en fut pas de même pour les territoires du Sud. L’organisation en tribus y fut en effet maintenue et les clivages tribaux y furent exacerbés. Dans cet article, on tentera de revisiter les thèses du démantèlement tribal en Algérie, pour en souligner les réalités mais aussi les limites, puis on prendra le cas des mesures prises par les autorités coloniales à l’égard de deux tribus appartenant à l’annexe d’Ain Sefra les cAmûr3 et les Awlâd Sid Ahmad Majdûb4. On comprendra donc que notre propos n’est pas de faire l’histoire sociale de ces tribus5, mais de comparer les mesures prises par les autorités coloniales à l’égard de la question tribale selon qu’il s’agit des départements civils du Nord ou des territoires du Sud. À propos du démantèlement tribal en Algérie thèses et nuances 2Le démantèlement de l’ordre tribal, qui s’effectue en Algérie entre 1830 et la Première Guerre mondiale environ, est une réalité qu’on ne peut nier mais qu’on se doit de nuancer. Celui-ci s’est effectué de plusieurs manières par destruction physique, par dépossession foncière, en discréditant les structures d’autorité traditionnelles et en imposant de nouvelles normes culturelles aux populations autochtones. Destructions physiques 6 En parlant de système, j’ai à l’esprit l’ensemble des relations liant les tribus entre elles, qu’i ... 7 Smaïl Aouli, Ramdane Redjala et Philippe Zoummeroff, Abd el-Kader, Paris, Fayard, 1994. 3En dépit des conflits internes notamment ceux entre tribus makhzen et tribus raya ou siba, ou simplement entre tribus proches, le monde tribal de l’Algérie ottomane avait une certaine cohérence et pouvait être vu comme un système assez complexe et fonctionnel6. Cet ordre tribal fut bouleversé par les transformations induites par le régime colonial et en premier lieu par son avant-bras l’armée. Celle-ci prit les premières mesures d’une politique qui, à moyen terme, devait inéluctablement déstabiliser l’organisation antérieure. Elle le fit en combattant les tribus hostiles à la présence française en Algérie, mais elle le fit aussi en permettant et/ou en suscitant l’accentuation des divisions et des conflits inter et intra-tribaux. Par exemple, la résistance menée par l’émir Abd el-Kader, à la tête des tribus Hasham, Bani cAmr et Gharaba, fut anéantie en moins de quinze ans, de 1832 à 1847, du fait d’affrontements directs avec l’armée française, mais aussi en raison des conflits entre tribus – notamment ceux opposant l’armée constituée par l’émir Abd el-Kader et les tribus makhzen makhzan des Dûayr et des Zmala7. 8 Radouane Ainad Tabet, Histoire d’Algérie, Sidi Bel Abbés de la colonisation à la guerre de libér ... 9 Ibid., p. 53-63. 10 Ibid., p. 61. 4Dans l’Ouest algérien, les tribus qui opposèrent une résistance furent par ailleurs prises en tenaille entre l’armée française et celle du sultan du Maroc, le sultan Abd Al Rahman. Ainsi, le sultanat du Maroc participa au démantèlement tribal en taillant en pièces » les Bani cAmr8. L’historien Redouane Ainad Tabet9 dresse, en effet, un tableau du devenir pathétique de cette grande tribu. Auparavant si puissante dans l’Ouest algérien plus précisément dans la région de Sidi Bel Abbés, cette tribu devait subir de plein fouet les répercussions de son engagement aux côtés de l’émir Abd el-Kader. Celles-ci sont si effroyables que, pour reprendre les propos de l’auteur, au lendemain de la reddition de l’émir, en 1847, La “verte tribu” n’est plus que l’ombre d’elle même10. » D’autres actes de résistance, les soulèvements des Awlâd Sidi Shaykh à partir de 1863, la révolte d’El Mokrani 1871 notamment, furent mis en échec par l’armée française. On comprendra, dans ces conditions, les répercussions des pertes humaines résultant de ces batailles sur les différentes tribus certaines disparurent, d’autres furent complètement déstabilisées. Ces défaites n’aidaient en rien la cohésion tribale parce qu’elles avaient pour conséquence de diminuer l’autorité des personnes et familles leaders. La tribu comme groupe politique subissait de la sorte un fâcheux contrecoup. 5Toutefois, jusqu’à un certain point, les guerres ne furent pas les causes décisives du démantèlement tribal. Elles modifièrent les rapports de forces entre tribus, en affaiblissant certaines et en renforçant d’autres, mais ne changèrent pas pour l’essentiel l’organisation tribale car elles ne lui substituèrent aucune autre organisation sociale. En fait, les changements survenus dans le domaine de la propriété foncière – sénatus-consulte de 1863, loi Warnier de 1873 visant la liquidation de la propriété communautaire des tribus et le processus de dépossession foncière – eurent beaucoup plus d’impacts que les guerres. Sénatus-consulte et dépossession foncière 6Les lois foncières furent en effet autrement efficaces. Il est intéressant de lire à ce propos le témoignage du capitaine Vayssière. En tournée chez les Namamsha, tribu de l’Est algérien, pour évaluer les conséquences du sénatus-consulte, il rapporte le fait suivant Les cheikhs et les kebars sont tous venus me trouver, commentant et déplorant la nouvelle. La consternation peinte sur leurs visages, plusieurs versaient des larmes. Ils m’ont dit “Les Français nous ont battus, ils ont tué nos jeunes hommes et nous ont imposé des contributions de guerre. Tout cela n’était rien, on guérit de ses blessures. Mais la constitution de la propriété individuelle et l’autorisation donnée à chacun de vendre ses terres qui lui seraient échues en partage, c’est l’arrêt de mort de la tribu.” » 7Il conclut ainsi 11 Repris du journal algérien Liberté du 6 août 2001, dossier spécial sur la tribu en Algérie. Le sénatus-consulte de 1863 est, en effet, la machine de guerre la plus efficace qu’on ait pu imaginer contre l’état social indigène et l’instrument le plus puissant et le plus fécond qui ait pu être mis aux mains de nos colons. Grâce à lui, nos idées et nos mœurs s’infiltreront peu à peu dans les mœurs indigènes, réfractaires à notre civilisation, et l’immense domaine algérien, à peu près fermé jusqu’ici, en dépit des saisies domaniales, s’ouvrira devant nos pionniers11. » 12 Jean-Claude Vatin, L’Algérie politique, Histoire et Société, Paris, Presses de la Fondation nation ... 8À partir du sénatus-consulte de 1863, un ensemble de lois fut en effet mis en place en Algérie pour favoriser la propriété individuelle, principalement au profit des colons et des grandes sociétés capitalistes. Jean-Claude Vatin12 remarque, en reprenant le bilan dressé par Charles Robert Ageron qu’ entre 1871 et 1919 près d’un million d’hectares 897 000 ont été livrés aux colons. […] Les musulmans avaient perdu, en 1919, 7 millions et demi d’hectares, que l’État et les particuliers, les grandes sociétés capitalistes, s’étaient partagés. » 13 Karl Marx, Le système foncier en Algérie », dans Sur les sociétés précapitalistes extraits du c ... 14 Karl Marx dit à ce propos que l’institution de la propriété foncière était aux yeux du bourgeoi ... 15 Augustin Berque, Écrits sur l’Algérie, Aix-en-Provence, Édisud, 1986, p. 28. 9Karl Marx avait analysé vers 1879 le processus de dépossession foncière mis en œuvre en Algérie. Il considérait à ce propos que les terres des plateaux nord-africains étaient auparavant la possession indivise des tribus nomades qui les parcouraient, que la propriété tribale y était transmise de génération en génération et qu’elle ne se modifia qu’à la suite des changements suivants 1. fractionnement graduel de la tribu en plusieurs branches ; 2. inclusion de membres appartenant à des tribus étrangères13 ». Il montre ensuite comment, particulièrement à partir de la loi Warnier, la spoliation des terres tribales s’effectue, avec notamment la confiscation et la mise en vente des terres des tribus suspectées de rébellion. Ces lois avaient un double objectif instituer la propriété privée14, mais aussi détruire les pouvoirs des tribus. Augustin Berque, dans un article datant de 1919, dira du sénatus-consulte de 1863 qu’il visait comme but politique l’amoindrissement des grandes familles indigènes et la dislocation de la tribu15 ». 16 Lahouari Addi, De l’Algérie précoloniale à l’Algérie coloniale, Alger, OPU, 1985, p. 21-22. 17 D. Daumas, Les populations indigènes et la terre collective de tribu en Tunisie, Tunis, 1912. 18 Henry de Montéty, Une loi agraire en Tunisie, Cahors, 1927, p. 30. 10La question du statut des terres que parcouraient les tribus nomades a fait l’objet de diverses analyses. Karl Marx estimait qu’elles étaient les possessions indivises des tribus nomades qui les parcouraient. Lahouari Addi avance quant à lui que, bien que la terre de la tribu soit un terrain collectif, la propriété privée des biens et des terres a existé de manière prédominante dans les montagnes où les terres communales étaient réduites et, dans les plaines, où les troupeaux étaient possédés privativement16. Certaines études menées à propos du système foncier tribal en Tunisie, avant le régime du Protectorat, attestent que les terres collectives » appartenaient bien souvent aux tribus sous la forme de propriétés indivises. Certaines d’entre elles possédaient même des titres de propriétés17. Celles-ci avaient donc bien des propriétaires reconnus mais elles étaient juridiquement impartageables et elles furent à tort considérées comme des terres de jouissance collective appartenant à l’État18. On peut considérer que ces conclusions sont applicables au système foncier des tribus d’Algérie qui, par ailleurs, subissait, comme en Tunisie, l’influence de la régence ottomane. 19 Sur ce point cf. notamment la partie Le marché autorégulateur et les marchandises fictives tra ... 11Outre ce fait, l’assignation d’un caractère marchand de la terre semblait poser des problèmes bien plus cruciaux aux membres des tribus. C’est en effet la constitution de la propriété individuelle et l’autorisation donnée à chacun de vendre ses terres » qui effraient réellement les cheikhs et les kebars » et non pas tant le fait qu’elles soient partagées. En fait, et il me semble qu’il s’agit là d’une des particularités du statut de la terre en milieu tribal celle-ci n’a pas de caractère marchand. Bien qu’elle ait des propriétaires reconnus, du fait notamment du droit de propriété lié à l’usage – on sait que telle terre appartient à telle tribu, à tel segment et en fin de compte à telle famille notamment parce qu’il ou elle en fait usage – , elle ne peut toutefois être vendue ou achetée. C’est d’ailleurs une invention du capitalisme que de poser la terre comme une catégorie marchande19. Les shaykh et les kbar le savaient mais ne purent cependant peser sur le cours de la politique coloniale et le processus de dépossession foncière. 20 Pour un point de vue rapide du phénomène de dislocation du nomadisme, lire M’Hamed Boukhobza, L’ag ... 12La politique de dépossession foncière eut par ailleurs un impact sans précédent sur l’activité économique traditionnellement et peut-être trop schématiquement liée au monde tribal le nomadisme pastoral. Dans un ouvrage au sous-titre évocateur De l’ordre tribal au désordre colonial, M’Hamed Boukhobza nous montre en effet comment le nomadisme activité économique et genre de vie et avec lui le mode de vie tribal traditionnel » furent complètement altérés par les mesures coloniales et notamment par la politique de dépossession foncière20. Selon cet auteur, les personnes vivant sous la tente à la veille de la colonisation représentaient près des deux tiers de la population totale 67%, alors qu’elles ne représentaient plus, dans les années soixante/soixante-dix, qu’environ 500 000 personnes sur une population totale de près de 20 millionsd’âmes, soit 2,5%. En même temps que s’effectue la dépossession foncière, c’est toute l’économie tribale qui semble péricliter. Ainsi, les tribus qui auparavant vivaient des produits de l’agro-pastoralisme, et plus particulièrement du pastoralisme, se voient dans l’incapacité de reproduire les bases matérielles de leur propre existence. M’Hamed Boukhobza montre aussi comment les pratiques de l’cachaba mouvement d’estivage sud-nord et de l’cazaba mouvement d’hivernage nord-sud, véritables socles de l’économie nomade et tribale, ne peuvent plus se perpétuer du fait des mesures prises par le gouvernement colonial. 21 Jacques Berque, Le Maghreb entre deux guerres, Paris, Seuil, 1962, p. 121-136. 13Vingt ans plus tôt, Jacques Berque remarquait aussi que la disparition de la tribu résultait des politiques empêchant la reproduction de leur système économique. Même lorsque certaines tribus n’étaient pas atteintes directement, elles en subissaient inéluctablement les contrecoups en raison de la nature extensive et complexe de leur activité économique21. Ce sont en définitive toutes les conditions matérielles d’existence des tribus qui tendaient à disparaître. Face à la paupérisation qu’entraînent ces réformes, de nombreux individus se voient contraints de quitter leur tente, leur village et surtout leur tribu pour trouver du travail en ville. Ce faisant, génération après génération, la tribu devient un lointain souvenir. Discrédit des instances d’autorité traditionnelles et affrontements culturels 22 Augustin Berque, Écrits sur l’Algérie, Aix-en-Provence, Édisud, 1986. 14Dans ce processus de démantèlement des tribus, quelle a été la politique de déstructuration des instances d’autorité tribale ? L’idéologie coloniale faite au nom du progrès » tendait en effet à remettre en cause les pratiques dites traditionalistes » des populations autochtones. Augustin Berque22 explique à ce propos comment les structures traditionnelles de l’autorité tribale furent de plus en plus discréditées du fait des mesures prises par le gouvernement colonial. En même temps qu’il opérait la dislocation de la propriété tribale, le gouvernement colonial tendait à transformer les tribus, selon le principe de diviser pour mieux régner », de manière à les rendre moins efficientes. Il énumère en outre les différentes mesures réduisant l’influence des chefs et détruisant les anciennes structures d’autorités. Par exemple, l’autorité coloniale bureaux arabes puis gouvernement civil discrédita l’organisation tribale en réorganisant les tribus et en désignant de nouveaux chefs qui n’avaient pas forcément d’autorité suffisante et qui même parfois étaient complètement étrangers à la tribu. Elle le fit aussi en limitant leurs droits à percevoir les taxes que les chefs tribaux récoltaient auparavant, ainsi qu’en restreignant leurs pouvoirs respectifs. En outre, avec l’extension du territoire civil, les chefs de tribus devenaient peu à peu de simples agents administratifs. En discréditant les structures d’autorité tribale et en refaçonnant selon son bon vouloir les différentes tribus, le régime colonial détruisait les fondements de l’ordre et de la cohésion propre aux différentes tribus. Cela fonctionna tellement bien, qu’à la fin du xixe siècle, les tribus djûad tribus aristocratiques et guerrières avaient complètement disparu. Cette situation donna, pendant un certain temps, plus de poids aux fractions maraboutiques, avant que celles-ci ne fussent à leur tour affaiblies. 23 Yvonne Turin, Affrontements culturels dans l’Algérie coloniale écoles, médecines, religion, 1830 ... 15Pendant près d’un siècle, et particulièrement depuis la mise en place du gouvernement civil, s’est effectué un vrai travail de fond tendant à transformer la société algérienne. Ces affrontements culturels », pour reprendre l’intitulé de l’ouvrage d’Yvonne Turin23, étaient dictés par des objectifs idéologiques et politiques d’un côté le gouvernement essayant d’imposer de nouvelles valeurs pour asseoir son autorité, de l’autre les structures locales tentant de préserver un minimum d’autonomie vis-à-vis du gouvernement colonial. L’objectif de ces affrontements était de soustraire l’indigène » à sa tribu et, par la suite, de l’insérer dans cette nouvelle société faite au nom du progrès. Les politiques menées dépossession foncière, discrédit des structures traditionnelles et affrontements culturels ont globalement réussi dans la mesure où l’organisation tribale semble de nos jours avoir disparu en Algérie, alors que pendant des siècles elle était la base de la société. Les grandes tribus du Nord et du Tell ont disparu. Les Bani cAmr, les Hasham, les Dûayr et autres grandes tribus n’existent plus. Ce qu’il en reste maintenant, c’est un lointain souvenir. Il ne faut pas penser pour autant que l’histoire soit univoque et en y regardant de plus près les thèses présentées doivent être nuancées. Les limites des thèses de la déstructuration tribale 16La dépossession foncière s’est certes principalement effectuée au Nord et dans le Tell, mais dans les territoires du Sud, sous administration militaire, les tribus arabophones ou berbérophones ont été assez préservées de ces transformations. Ainsi, dans sa Monographie du Territoire d’Ain Sefra, le capitaine Mesnier, chef du bureau de comptabilité des oasis sahariennes, affirme que 24 Capitaine Mesnier, Monographie du territoire d’Ain Sefra, Oran, Imprimerie L. Fouque, 1914 biblio ... Le sénatus-consulte […] n’a été appliqué qu’exceptionnellement en territoire militaire […] La propriété individuelle n’a pas été constituée en territoire militaire car le sol propre au pâturage seulement ne comporte qu’une jouissance collective ; s’il était partagé entre les indigènes, il s’élèverait constamment entre eux des contestations24. » 25 Lahouari Addi, De l’Algérie…, p. 57. 17En effet, la dépossession foncière n’a pas ou presque pas eu lieu dans les territoires du Sud, du fait notamment de l’aridité de la terre, et bien qu’en 1926, une loi ait abrogé la distinction entre territoire du Sud et territoire du Nord dans le régime de la propriété foncière25, celle-ci ne concerna en pratique que les territoires à vocation agricole notamment les jardins des oasis et non pas les zones à vocation pastorale. 26 C’est le cas des approches de Jacques Berque, M’Hamed Boukhobza, Lahouari Addi et Ali Merad Boudia ... 27 Maurice Godelier, L’idéel et le matériel, Paris, Fayard, 1984. 28 Augustin Bernard et Napoléon Lacroix, L’évolution du nomadisme en Algérie, Alger, Adolphe Jourdan, ... 18Par ailleurs, la désorganisation du système économique qu’est le pastoralisme est souvent analysée comme s’il s’agissait de la déstructuration des organisations tribales26. Or, d’une part, il me semble que la tribu ne se réduit pas à un système économique bien que celui-ci soit important. Analyser la tribu du seul point de vue de son système économique, c’est en effet oublier la part de l’idéel, et c’est tomber dans une lecture sommaire de Karl Marx que penser l’organisation sociale découlant stricto sensu de l’infrastructure27. Actuellement, dans le Hautes Plaines et au Sahara, les clivages tribaux se retrouvent en milieu urbain et les solidarités tribales ne suivent plus forcément les spécialisations professionnelles. La tribu comme mode d’organisation sociale n’est pas strictement le corrélat d’un mode de production ou d’un système économique spécifique. D’autre part, la capacité d’adaptation du pastoralisme, dans les Hautes Plaines notamment, a été sous estimée ou du moins a-t-on pensé que celui-ci ne pouvait que décliner. C’est oublier que, durant la période coloniale, il existait, tout au moins dans les rapports portant sur le nomadisme et la colonisation, une volonté de laisser les steppes des Hautes Plaines aux pasteurs et de favoriser l’agriculture seulement dans le Tell28. Par ailleurs, les stratégies pastorales se sont adaptées aux diverses conjonctures et se sont transformées en raison des nouvelles techniques et moyens mis à disposition des éleveurs. Par exemple, l’introduction en masse, à partir des années soixante-dix, de véhicules de transports de cheptel les fameux GAK notamment a modifié les pratiques des éleveurs sans pour autant mettre fin au pastoralisme, ni aux liens de solidarité tribale. Bien au contraire, ceux-ci sont souvent utilisés dans le cadre de ces nouvelles pratiques. 19L’association tribu/pastoralisme/nomadisme présuppose, en outre, une conception évolutionniste de la tribu, considérée comme relevant d’un stade particulier de l’évolution humaine, intermédiaire entre la bande stade du paléolithique et la société étatique sédentaire. Selon cette vision, la tribu correspondrait au stade du néolithique et plus largement aux sociétés qui ont une économie essentiellement agricole et pastorale. Cette conception est évidemment fallacieuse car elle ne rend pas compte de la persistance actuelle de liens tribaux, à travers le monde, et dans des sociétés qui ne sont ni nomades ni pastorales. 20En fait, si cette volonté de briser la cohésion tribale fut vraie au Nord, notamment compte tenu de la politique de dépossession foncière, elle ne fut pas généralisée à toute l’Algérie. Dans certains endroits des Hautes Plaines et du Sahara, les tribus et les divisions tribales ont été maintenues, voire exacerbées de manière à permettre à l’administration militaire de mieux contrôler la population locale. C’est le cas pour le Haut Sud-Ouest, mais aussi pour les régions du Sahara, tel le Tidikelt. Louis Voinot, capitaine de l’armée française, nous explique en effet les mesures prises, suite à la Conquête des Oasis » ayant eu lieu au début du xxe siècle, pour établir l’ordre dans cette région. Il est fort explicite à ce propos 29 Louis Voinot, Le Tidikelt étude sur la géographie, l’histoire, les mœurs du Pays, Éditions J. Ga ... Au bout de quelques temps, il faut songer à organiser le Tidikelt pour établir l’ordre à la place de l’anarchie d’antan. Les gens de même origine sont groupés autant que possible en des commandements distincts. Cette répartition est délicate car on doit éviter de mettre en contact des intérêts opposés, ce qui réveillerait les anciennes haines ; les kebars [représentants des tribus] sont choisis parmi les familles influentes29. » 21Cette politique eut des répercussions telles qu’aujourd’hui encore on constate de grands clivages dans la répartition spatiale des tribus du Tidikelt. 30 Robert Capot-Rey indique que le nombre des Européens vivant au Sahara a toujours été faible. Dan ... 31 Fanny Colonna et Henri Tawfik, Au Gourara, une pré-enquête », dans Fanny Colonna, Savants Paysan ... 22La thèse de l’affrontement culturel doit par ailleurs être nuancée en ce qui concerne les tribus évoluant dans les territoires des Hautes Plaines et du Sahara algérien. Les civils français y étaient peu nombreux et de ce fait l’imposition des valeurs et des institutions émanant de l’idéologie coloniale ne s’est pas effectuée avec la même ampleur au Sud que dans le Nord30. Compte tenu des politiques différenciées entre le Nord et le Sud, les populations du Sud ont pu, plus que celles du Nord, s’opposer au phénomène d’acculturation et ainsi refuser certaines valeurs émanant de la France. Un travail effectué dans le courant des années soixante-dix par Fanny Colonna et Henri Tawfik31 a montré quels étaient les comportements, vis-à-vis de l’éducation et de la médecine, des populations des zones rurales du Gourara région saharienne. Ce qui est intéressant pour notre propos, ce sont les deux faits suivants d’une part, cette enquête montre la persistance des valeurs traditionnelles » – plus exactement s’inspirant des coutumes locales – qui nous semblent inséparables d’une organisation sociale du même type ; d’autre part, elle insiste sur l’importance actuelle des lignages mrabtin lignages descendant de saints. 32 C’est notamment le parti que prend Nico Kielstra dans son étude des mutations de l’organisation tr ... 23En somme, l’analyse de la déstructuration tribale repose sur trois axiomes discutables et qui ne peuvent rendre compte de la pluralité des situations concernant le fait tribal en Algérie. La première remarque que l’on fera est toute simple la dépossession foncière si fatale aux tribus du Tell, du Nord, n’a pas été appliqué aux tribus du Sud étant donné l’aridité de la terre et le fait que les territoires du Sud étaient en grande partie sous administration militaire. La deuxième remarque est que le nomadisme pastoral est bien souvent considéré comme la condition sine qua non de l’existence tribale. Bien entendu, il s’agit là d’un stéréotype qui associe la tribu à un mode d’organisation économique et de fait à un stade d’évolution particulier. Ce stéréotype est d’autant plus fâcheux qu’il empêche de rendre compte de la complexité et de la diversité des liens sociaux à l’intérieur des tribus et entre les tribus. Enfin, penser que le discrédit des autorités tribales puisse être une mesure majeure dans le processus de démantèlement tribal présuppose l’idée que les chefs et plus largement les chefferies sont des éléments primordiaux des organisations tribales32. Cet axiome est largement réfutable. Enfin, il faut ajouter que le régime administratif dans les territoires du Sud était bien différent de celui des départements civils du Nord. Organisation des territoires du Sud 33 Les subdivisions des territoires du Sud devinrent néanmoins des départements quelques années plus ... 34 Camille Sabatier, La question du Sud-Ouest, Alger, Éditions Adolphe Jourdan, 1881, p. 67-68. 24Contrairement aux départements civils du Nord, les territoires du Sud qui succédaient aux territoires de commandement demeuraient, du moins jusqu’en 194733, sous administration militaire. Les rapports de l’État colonial avec les tribus n’étaient donc pas les mêmes en Algérie, selon qu’il s’agissait des territoires du Sud ou de ceux du Nord. Dans les territoires du Sud, en dehors des éléments en rébellion, les autorités françaises ne furent pas opposées aux systèmes tribaux, bien au contraire. Elles se souciaient plus des confréries et lignages religieux qui du fait de leur aura et de leurs réseaux auraient pu organiser une résistance plus efficace à l’occupation34. Les zawiyas et confréries sahariennes ont de fait souvent été la hantise des autorités coloniales qui essayèrent de les supprimer ou tout au moins les contrôler, alors que la dislocation de la tribu ne fut pas une politique voulue pour les territoires du Sud. Les territoires du Sud étaient par ailleurs soumis à une organisation et une législation bien distincte de celles des départements civils du Nord. 35 Note du 3 avril 1922 Archives affaires indigènes militaires, repris de René-Victor Vâlet, Le Sah ... Entre l’Algérie du Nord dont l’organisation est coulée dans le moule français et les protectorats voisins de Tunisie et du Maroc où l’administration française se double d’une administration indigène, les Territoires du Sud présentent une troisième forme qui leur est propre. Leurs bureaux d’affaires indigènes, composés d’un personnel militaire spécialisé et hiérarchisé dans ses fonctions, occupent une place intermédiaire entre le régime d’administration directe à la mode métropolitaine et le régime de contrôle qui caractérise les protectorats ; ils ne s’affranchissent pas du cadre social indigène, usent d’avantage de l’autorité traditionnelle du chef de tribu, et de la sorte, permettent à des populations à mentalité féodale d’évoluer sans heurt au contact de la civilisation moderne35. » 36 Ibid., p. 84. 37 Ibid., p. 86. 38 Ibid., p. 98-99. 39 Ibid., p. 131-132. 40 Ibid., p. 182 et suiv. 41 Il s’agit du recours d’un indigène s’estimant lésé à un officier qu’il considère comme son chef. C ... 42 Ibid., p. 211-212. 43 Jacques Frémeaux, Pertinence… », p. 261-262. 25Le rôle des militaires y était beaucoup plus important que dans le Nord et le statut des indigènes bien distinct également. Les maires des communes mixtes étaient les commandants des cercles ou les chefs des annexes36. Les commissions municipales se composaient de membres français élus et de membres indigènes nommés. Le décret du 6 février 1919 n’était pas applicable aux territoires du Sud et les indigènes musulmans ne pouvaient être électeurs, ni éligibles, contrairement à ce qui se faisait dans le Nord37. Cette situation semble s’être perpétuée au moins jusqu’en 1947. La tribu avait une existence juridique. Elle constituait une section de commune. Les membres des assemblées tribales, des djemaa – jamaca appelés kbars, les grands étaient nommés pour une période de trois ans par les commandants des cercles ou les chefs des annexes, puis par le gouverneur sur avis des commandants et des chefs. Ces procédés, toujours en vigueur dans les territoires du Sud, n’étaient plus appliqués au Nord depuis le décret du 6 février 1919. Les djemaa étaient par ailleurs présidés de droit par les caïds des tribus, nommés par les autorités, et administraient essentiellement les biens des douars et les terres collectives38. Le système d’imposition était aussi différent. Alors que les impôts arabes avaient été supprimés dans le Nord par le décret du 1er décembre 1918, ils demeuraient encore appliqués dans les territoires du Sud où ils constituaient la source la plus considérable du budget39. Le système judiciaire, et en particulier la justice répressive, étaient aussi distincts dans les territoires du Sud. Les commandants militaires et le gouverneur d’Algérie avaient en effet des pouvoirs plus importants que dans les départements civils40. Le système de la chekaïa demeurait encore appliqué41, augmentant ainsi le pouvoir des commandants de cercle ou des chefs d’annexe qui, bien qu’arbitres, pouvaient toutefois user de leurs pouvoirs disciplinaires42. Le système des bureaux arabes appliqué pour le Nord dans les premiers temps de la conquête, puis abandonné pour une organisation civile, était de fait appliqué pour les territoires du Sud. Cette organisation supposait la préservation du cadre social indigène, et donc tribal, et la nomination, l’appui et l’instrumentalisation de l’autorité traditionnelle des chefs de tribus. De fait, comme le remarque Jacques Frémeaux43, les territoires militaires du Sud apparaissaient dans les années trente comme le conservatoire des populations bédouines, partiellement administrées par les derniers bureaux arabes. 44 Colette Establet se posait ainsi la question de la réification tribale Faut-il se fier à la ré ... 26On voit donc bien que la thèse du démantèlement tribal durant la période coloniale doit être nuancée. Ce qui est vrai pour les ex-départements civils du Nord doit être revisité à l’aune de l’histoire des territoires du Sud algérien, laquelle reste largement à écrire. L’analyse des mesures prises par les autorités coloniales dans ces régions contribuerait à expliquer en partie pourquoi les identités tribales y sont encore assez vivaces, comme on le montrera à partir du traitement de la question tribale dans le Haut Sud-Ouest algérien. En effet, les tribus du Haut Sud-Ouest, et probablement de l’ensemble des territoires du Sud, ont été préservées de toute destruction volontaire, mais elles ont été en même temps remaniées pour diverses raisons, notamment administratives. Plus encore, on remarquera par la suite que les tribus des cAmûr et des Awlâd Sid Ahmad Majdûb ont été réifiées par les mesures prises durant la période coloniale44. Dire cela ne nous permet pas de conclure à la mort de la tribu, mais simplement que la tribu dans le Haut Sud-Ouest est une réalité sociale largement redéfinie par l’État colonial. Ces tribus remaniées n’avaient certes plus la même dimension ni la même modalité d’organisation qu’avant la colonisation. Mais ces tribus, juste avant la colonisation, n’étaient pas non plus celles du xvie, xviie ou xviiie siècle, de sorte qu’il est exagéré d’avancer que les modifications amenées par l’entreprise coloniale auraient été fatales aux tribus. Plus que de détruire les tribus, les autorités des territoires du Sud se sont évertuées à les préserver tout en les contrôlant par le biais des caïds et des bachagas. Les tribus du Haut Sud-Ouest avant la création du cercle d’Ain Sefra Les cAmûr 27À la veille de la colonisation, les cAmûr, ainsi que les Awlâd Sid Ahmad Majdûb vivaient essentiellement sous la tente. Certaines familles disposaient de jardins et de palmiers dans les ksour qsûr de la région, en particulier celui d’Asla pour les Awlâd Sid Ahmad Majdûb, et ceux de Sfissifa, Tiout, Moghrar, Ich et Figuig pour les cAmûr les deux derniers ksour se trouvent sur l’actuel territoire marocain. 28Contrairement aux Awlâd Sid Ahmad Majdûb, l’évolution de la confédération des cAmûr fut en partie liée à la question de leur statut et des tumultes liés au tracé de la frontière algéro-marocaine au sud du Taniet Sassi. Devaient-ils être en effet des sujets de la France ou de la monarchie marocaine ? Cette question ne fut résolue que tardivement. Le traité de 1845 définissait le partage des territoires français et marocains au nord du Taniet Sassi, mais omettait de définir clairement le statut des territoires au Sud de ce point. C’est en profitant de cette imprécision que la France établira sa politique de conquête des territoires du Sud. En 1847, une colonne française, sous la conduite du général Cavaignac, prit ainsi possession des ksour déclarés français. 45 N. Lacroix et H. M. P. de La Martinière, Documents pour servir à l’étude du Nord Ouest africain, t ... 46 D’après les notes sur la tribu des Amour du commandant Colonieu, datées de 1859, dans un document ... 29Le principe des ksour relevant des autorités françaises étant acquis, celles-ci se trouvaient confrontées à la question du statut des cAmûr qui nomadisaient dans la région des monts des Ksour. Le traité de 1845 ne stipulait rien de précis à ce propos. En 1855, la majorité des tribus composant les cAmûr avait fait acte de soumission à la France et les autorités françaises leur donnèrent une organisation régulière en trois caïdats45. Ceux-ci comptaient en 1859 environ 520 tentes voir tableau 146. Tableau 1. Nombre de tentes des cAmûr en 1859. Les Awlâd Sid Ahmad Majdûb 47 Les Awlâd Sidi Shaykh étaient divisés en deux ligues opposées çoffs ou leffs les Awlâd Sidi Sh ... 30Au mois d’avril 1847, lorsque les Awlâd Sidi Shaykh firent leur soumission à la France, les Awlâd Sid Ahmad Majdûb passèrent en entier sous les ordres de Si Hamza, qui dirigeait à cette époque la tribu des Awlâd Sidi Shaykh. Jusqu’en 1848, ils paient leurs impôts avec la branche aînée, campent avec elle et, avec elle aussi, s’approvisionnent dans le Tell. En 1849, les Awlâd Sid Ahmad Majdûb abandonnèrent Si Hamza chef des Awlâd Sidi Shaykh Charraga et se rallièrent à Sidi Shaykh Ban Tayab chef des Awlâd Sidi Shaykh Gharaba47 qui refusait l’occupation française. 48 Territoire sous gestion d’un bachaga. 31En 1863, le soulèvement des Awlâd Sidi Shaykh provoque l’arrêt de l’expansion militaire française dans le Sud oranais. Les Awlâd Sid Ahmad Majdûb, ayant participé aux soulèvements des Awlâd Sidi Shaykh et après avoir obtenu le pardon l’aman, furent placés dans le cercle de Sebdou, où ils restèrent jusqu’en 1878. Ils furent détachés du cercle de Sebdou parce qu’ils avaient leurs intérêts du côté d’Asla, de Chellala et de Bousemghoun, et par décision du 4 novembre 1878, ils furent rattachés au cercle de Geryville actuel El Bayadh. Les Awlâd Sid Ahmad Majdûb formèrent alors un caïdat indépendant et bien que de même origine que les Awlâd Sidi Shaykh, ils restèrent en dehors du bachagalik48 de ces derniers. La tribu comprenait à cette époque six douars, selon les autorités coloniales. 49 Ross E. Dunn, Resistance in the Desert, Moroccan Responses to French Imperialism 1881-1912, New Yo ... 50 Comme nous l’avons indiqué plus haut, le soulèvement des Awlâd Sidi Shaykh provoque l’arrêt de l ... 32En 1881, de nombreux Awlâd Sid Ahmad Majdûb et cAmûr participèrent à l’insurrection menée par Sidi Abû cAmama, marabout originaire des Awlâd Sidi Tadj. Celle-ci s’inscrit dans la continuité des actes de rébellion menés par les Awlâd Sidi Shaykh. Ces insurrections résultèrent en grande partie de la situation liée à la crise foncière en particulier à propos des terrains de parcours générée par la politique de dépossession des terres tribales. Les tribus des plaines du Nord, disloquées et privées de leurs terres, furent en effet forcées de migrer vers les terres des autres tribus, plus au Sud, provoquant ainsi une grave crise qui suscita ces actes continus de rébellion49. En 1881, suite à l’insurrection menée par Sidi Abû cAmama, les autorités françaises décidèrent d’occuper Ain Sefra et d’y créer un poste militaire50. La création du cercle d’Ain Sefra 51 Anonymes et Schmidt, Histoire du cercle d’Ain Sefra », document remis par le père Communardi d’A ... 33Le 20 mars 1882, date de la création par arrêté gouvernemental du cercle d’Ain Sefra, les cAmûr se voient appliquer une nouvelle organisation. Les événements insurrectionnels de 1881 avaient poussé les autorités françaises à occuper d’une façon permanente la région des ksour et, par la suite, elles donnèrent à cette confédération une organisation régulière en trois tribus Awlâd Salim, Awlâd Bûbkar et Swala. Celle-ci fut modifiée une première fois en 1885, un an après le départ des Lamdabih au Maroc. Les Awlâd Bûbkar furent partagés en deux caïdats Awlâd cAbdallah et Awlâd Gtayb. Puis en 1889, on procéda à la réorganisation des tribus des Awlâd Salim fractions des Mrinat et des Awlâd Shahmi et des Swala fractions des Awlâd cAmr et des Awlâd Sliman. En 1898, on organisa les cAmûr en quatre caïdats Awlâd Bûbkar, Swala, Awlâd Shahmi et Mrinat. Les Shwarâb formèrent une fraction rattachée pour le commandement à la tribu de Moghrar Fougani, laquelle comprenait en fait les habitants du ksar qsar de Moghrar Fougani et les éléments restants de la tribu des Awlâd Sidi Tadj une grande partie s’était enfuie au Maroc51. 52 Documents microfilmés des archives d’Outre-Mer, référence 66miom/108/2. 34Malgré l’occupation d’Ain Sefra et la création du cercle portant le même nom, la question du statut des cAmûr demeure non réglée. Fin mars 1887, le gouvernement chérifien demande aux autorités françaises qu’elles facilitent le retour au Maroc d’un millier de tentes des cAmûr », installées dans la subdivision de Mascara division militaire à laquelle est attachée le Haut Sud-Ouest52. Dans une correspondance adressée au général commandant la subdivision de Mascara datée du 1er avril 1887, le lieutenant-colonel Marmet, commandant supérieur du cercle d’Ain Sefra, indique que 53 Correspondance n° 177, du 11 avril 1887, documents microfilmés des archives d’Outre-Mer, référence ... Les tribus des Amour du cercle d’Ain Sefra ne comprennent en totalité que 683 tentes. Par suite, mille chefs de tente n’ont donc pu demander à aller se fixer au Maroc. J’ajoute même que pas un seul chef de tente n’a fait une semblable demande. [Se référant aux analyses du commandant Rinn concernant le statut des cAmur, il avança qu’il existe] des Amour algérien, de même qu’il y a des Amour marocains. Ces derniers […] sont les Medabiah environ 70 tentes qui sont toujours campés avec les Beni Guill. […] il y a une petite fraction marocaine des Oulad Abdallah une quarantaines de tentes53. » 54 Ibid. 55 Correspondance n°4419, du 7 août 1888, du gouverneur général de l’Algérie à Monsieur le général co ... 35Ce dilemme concernant le statut des cAmur poussera certains d’entre eux à trouver refuge dans le massif frontalier de Beni Smir. En 1888, il est question d’exécuter un coup de main » dans cette région pour punir et ramener les tentes des cAmur refusant l’autorité française. Ce coup de main » est arrêté en raison des problèmes qu’il aurait pu occasionner avec le Maroc. À la même époque un dignitaire marocain, cÛmar Sûsi, arrive à Figuig et essaie de regagner les cAmur en tant que sujets marocains54. Ces derniersse trouvent donc pris entre la France et le Maroc qui les revendiquent en tant que sujets. Le 7 août 1888, le gouverneur général d’Algérie, suite à la décision du conseil du gouvernement, stipulera que les cAmur du cercle d’Ain Sefra devront être traités comme des sujets algériens55. 56 Une partie importante du cheptel périra lors de ce déplacement qui dura plusieurs mois. Sur cette ... 36Refusant l’occupation française, de nombreuses tentes s’enfuirent encore au Maroc. Pour contrer ce phénomène de fuites vers le Maroc, les autorités françaises décideront l’augmentation de la cavalerie et des spahis dans le cercle d’Ain Sefra, mais aussi feront migrer un grand nombre de tentes 343 des cAmur vers l’Est, à destination de l’annexe d’Aflou. Cette migration et le cantonnement des cAmur dans l’annexe d’Aflou débuteront en septembre 188856. La décision des autorités françaises précipitera au contraire la fuite de certaines tentes des cAmur restées dans le cercle d’Ain Sefra, vers l’Ouest, vers le Maroc, de peur de l’internement dans l’annexe d’Aflou. Du fait du cantonnement dans l’annexe d’Aflou et des fuites vers le Maroc, en novembre 1888, sur 697 tentes appartenant aux cAmur, seulement 95 se trouveront effectivement dans l’annexe d’Ain Sefra. La majorité des tentes se trouvera dans l’annexe d’Aflou 346, puis au Maroc 251 cf. tableau 2. 57 État joint à la correspondance du général de brigade, commandant de la subdivision de Mascara O’N ... Tableau 2. Novembre 1888, état des tentes des cAmûr57 Tribus À Aflou Au Maroc À Ain Sefra Territoire algérien autre qu’Ain Sefra et Aflou Total Souala 114 64 16 0 194 Ouled Selim 96 130 48 3 277 Ouled Gottib 88 11 19 2 120 Ouled Abdallah 48 46 12 0 106 Total 346 251 95 5 697 58 Correspondances dans les documents microfilmés des archives d’Outre-Mer, référence 66miom/109/3. 37À partir de 1892, les cAmur cantonnés à l’Est rentreront progressivement dans le cercle d’Ain Sefra58. En 1894, la subdivision militaire d’Ain Sefra est créée. 59 Correspondances dans les documents microfilmés des archives d’Outre-Mer, référence 66miom/109/4. 38Dans une correspondance datée du 5 avril 1898 et adressée à Monsieur le général commandant la division d’Oran, le général Gaillard de Saint-Germain, commandant la subdivision d’Ain Sefra, proposera une nouvelle organisation du cercle d’Ain Sefra, du fait des fuites et retours des tentes59. Il indique qu’en 1898, les cAmûr forment 6 tribus Awlâd Sliman, Awlâd cAmr, Awlâd Shahmi, Awlâd cAbdallah, Awlâd Gtayb et Mrinat. Il demande de les réduire à quatre, qui prendraient les dénominations de Swala, Awlâd Bûbkar, Awlâd Salim et Mrinat. Il les présente ainsi 1. Tribu des Souala environ 150 tentes. Elle comprendrait les tribus actuelles des Oulad Sliman et des Oulad Ameur, auxquelles on ajouterait les Oulad Alyat récemment rentrés de l’Ouest et placés sous le commandement du caid de Tyout […]. 2. Tribu des Oulad Boubekeur environ 80 tentes. Elle comprendrait les deux tribus actuelles des Oulad Abdallah et des Oulad Gottib auxquelles on joindrait les Medabiah nouvellement rentrés et actuellement placés sous les ordres du caïd du Ksar de Sfissifa […]. 3. Tribu des Oulad Selim. Elle comprendrait la tribu actuelle des Oulad Chahmi à laquelle on joindrait la tribu actuelle des Oulad Bou Chareb […]. 4. Les Merinat environ 100 tentes continueraient à former à eux seuls une tribu unique ». 60 Correspondance du gouverneur général d’Algérie à Monsieur le général commandant la division d’Oran ... 39Il indique par ailleurs que, mise à part la tribu des Mrinat, qui compte une centaine de tentes et à laquelle, pour cette raison, il ne touchera pas, les autres tribus du cercle d’Ain Sefra en comprennent entre 15 à 50 et qu’elles formeraient en d’autres régions de simples douars. Il estime aussi que le groupement des cAmûr en un nombre restreint de caïdats a été, de 1884 à 1888, l’une des causes du départ en dissidence de la plus grande partie de ces indigènes ». Par la suite, dans sa correspondance du 21 octobre 1898, le général Gaillard de Saint-Germain inclura les Mrinat dans la tribu des Awlâd Salim, soit 3 tribus Swala, Awlâd Salim, Awlâd Bûbkar. Le 6 septembre 1898, le gouverneur général d’Algérie accepte la nouvelle organisation à donner aux cAmûr et propose de nommer Si Moulay Ben Miloud, un des marabouts de Tiout, au titre de caïd des caïds60. 40En fait, avec cette nouvelle organisation, on en revient à la première, celle de 1855 laquelle s’appuyait sur la réalité locale, directement observable, c’est-à-dire en trois tribus Swala, Awlâd Salim et Awlâd Bûbkar. Toutefois celles-ci ne sont plus composées de la même manière. Les Lamdabih par exemple ont migré en masse au Maroc et, de fait, la tribu des Awlâd Bûbkar ne comprend plus cette fraction. Par ailleurs, ce nouvel agencement des tribus n’arrêta ni les fuites, ni les résistances à l’occupation. La création du territoire militaire d’Ain Sefra et l’organisation des tribus 61 Capitaine Mesnier, Monographie… 62 En 1885, l’annexe créée à Mecheria dépendait du cercle d’Ain Sefra mais au moment de la réorganisa ... 63 Il s’agit de l’actuelle El Bayadh. 64 Il s’agit de l’actuelle Bechar. 65 René-Victor Vâlet indique concernant les territoires du Sud que les communes mixtes ne diffèrent ... 66 Les titres de bachaga et d’agha étaient repris de l’administration ottomane. Ils désignaient les g ... 67 Capitaine Mesnier, Monographie…, p. 75. 41En 1905, le territoire militaire d’Ain Sefra fut créé. Ce territoire qui remplaça la subdivision décret du 12 décembre 1905 était placé sous l’autorité d’un général de brigade qui dépendait directement, au point de vue administratif, du gouverneur général de l’Algérie et, au point de vue militaire du général commandant le 19e corps d’armée61. Il était divisé en trois cercles Mecheria62, Geryville63 et Colomb et deux annexes Ain Sefra et Beni Ounif et comprenait trois communes mixtes Ain Sefra, Mecheria, Geryville et deux communes indigènes Colomb64 et Timimoun65. Les communes mixtes étaient administrées par une commission municipale composée du commandant supérieur du cercle ou du chef de l’annexe il en était le président, du chef du bureau des Affaires indigènes ou de l’officier du bureau venant immédiatement après lui il en était l’adjoint, d’un adjoint spécial français, des conseillers municipaux élus, des caïds. Le bachaga de Geryville et l’agha des cAmûr et des Ksour faisaient partie de la commission qui siégeait à Geryville et Ain Sefra66. La commune mixte d’Ain Sefra fut créée par arrêté du 4 juin 1885. Elle était composée au début de deux sections celle d’Ain Sefra et celle de Mecheria. Plus tard la section de Mecheria fut rattachée au cercle de même nom. En 1904, Ain Sefra à elle seule devint commune mixte. En 1914, elle comprenait deux sections le centre d’Ain Sefra, avec les tribus des cAmûr et les Ksour de la région 1ère section et le centre de population de Beni Ounif et l’annexe du même nom 2e section67. 68 La section de commune normale » n’a pas de représentation spéciale. René-Victor Vâlet, Le Sahara ... 42L’annexe d’Ain Sefra comprend par ailleurs un maghzen soldé avec un chef de maghzen et quatre-vingt-quatre cavaliers, cinq tribus nomades, six ksour et le douar maghzen. Chaque tribu nomade et chaque ksar est commandé par un caïd qui est assisté d’une assemblée djemaa ou jamaca composée de notables tribaux. La tribu a bel et bien, comme dans l’ensemble des territoires du Sud, une existence institutionnelle et juridique. Elle constitue en fait une section de commune privilégiée, possédant un conseil permanent, la jamaca, chargée d’administrer ses biens et de défendre ses intérêts68. 69 Anonymes et Schmidt, Histoire... », p. 4. 70 Il y eut de nombreux abus de la part des administrateurs dans l’attribution des noms, en témoignen ... 43Les caïds des tribus ou ksour de l’annexe sont placés sous l’autorité de l’agha des cAmûr et des ksour d’Ain Sefra, Si Moulay Ould Si Mohammed ben Miloud Si Mûlay Awlâd Si Muhammad ban Milûd. Celui-ci, investi des fonctions de caïd des caïds le 27 septembre 1898, fut nommé agha le 3 février 190069. En 1934, la tribu des Swala est rattachée au ksar de Tiout, celle des Awlâd Bûbkar au ksar de Sfissifa. À cette même époque, le régime de l’État civil est mis en place. On donne aux membres des tribus des noms patronymiques et dans les registres est indiquée, outre les caractéristiques personnelles nom, prénom, date de naissance…, l’appartenance tribale70. Alors qu’ailleurs les états civils contribuent à définir et à rendre tangibles les identités et appartenances nationales, dans les territoires du Sud, elles participent à préserver ou à fabriquer des identités et des clivages tribaux et/ou ethniques entre nomades arabes et gens des qsûr berbères. 71 Ces fractions firent valoir que tous leurs intérêts étaient du côté de l’annexe d’Ain Sefra dont ... 72 Territoire sous gestion d’un agha. 73 Anonymes et Schmidt, Histoire... », p. 27-28. 44Parallèlement, suite à la demande des membres de deux fractions des Awlâd Sid Ahmad Majdûb, les Awlâd Sidi Muhammad et les Awlâd Sidi Abû al Anwar, le gouverneur général d’Algérie prononce, le 5 mai 1904, leur mutation dans l’annexe d’Ain Sefra71, en spécifiant que cette nouvelle tribu sera indépendante de l’agha des cAmûr et des ksour, comme les Awlâd Sid Ahmad Majdûb sont indépendants du bachaga des Awlâd Sidi Shaykh. Par la suite, le 1er septembre 1904, le gouverneur général d’Algérie prononce le rattachement de la tribu nouvellement formée des Awlâd Sidi Muhammad et Awlâd Sidi Abû al Anwar à l’aghalik72 des cAmûr. En 1910, la question de la fusion des Awlâd Sidi Muhammad et Awlâd Sidi Abû al Anwar dépendants d’Ain Sefra et des Awlâd Sid Ahmad Majdûb dépendants de Geryville est étudiée. Par décision du 10 décembre 1914, le gouverneur général d’Algérie décide la fusion des Awlâd Sidi Muhammad et Awlâd Sidi Abû al Anwar avec les Awlâd Sid Ahmad Majdûb. Cette nouvelle tribu dénommée Awlâd Sid Ahmad Majdûb et Abû al Anwar, puis simplement Awlâd Sid Ahmad Majdûb est rattachée à l’annexe d’Ain Sefra. En 1934, on fusionne le ksar d’Asla à la tribu des Awlâd Sid Ahmad Majdûb pour n’en former qu’une seule, appelée tribu des Awlâd Sid Ahmad Majdûb et Asla, avec un seul caïd Si Muhammad Mûstafa ban Si Mûlay, d’origine shûrfa73. Conclusions 45Les réorganisations de la confédération des cAmûr et de la tribu des Awlâd Sid Ahmad Majdûb donnèrent un caractère plus formel aux tribus, avec une organisation bien précise, faisant d’elles, en définitive, des entités encore plus cohérentes. La volonté des autorités françaises était de garder cette organisation en tribus, qui leur semblait plus contrôlable. L’exemple de la tribu de Moghrar Fougani l’atteste. Alors qu’une grande partie des Awlâd Sidi Tadj avait fui au Maroc, les autorités essayèrent de constituer de toute pièce une tribu en organisant sous le même caïdat les quelques Awlâd Sidi Tadj restants, les habitants du ksar de Moghrar Fougani et la fraction des Shwarab qui nomadisait aux environs. 74 Isabelle Eberhardt raconte que certains des membres de cette tribu se retrouvèrent rattachés au ca ... 46S’il y a eu des modifications durant cette période, celles-ci ne remettent donc pas en cause la tribu en tant que système spécifique d’organisation sociale. Certaines tribus se retrouvent, certes amoindries, sur le territoire du Haut Sud-Ouest parce que beaucoup de leurs membres sont morts au combat ou ont fui au Maroc. C’est notamment le cas de la tribu des Awlâd Sidi Tadj74, à laquelle appartenait Sidi Abû cAmama. Mais l’organisation en tribus n’est pas fondamentalement remise en cause. Par ailleurs, les rapports entre les tribus et la population française demeurent assez faibles en dehors des centres urbains de Mecheria et d’Ain Sefra. 47Moins en contact avec la population française, les membres des cAmûr et plus encore des Awlâd Sid Ahmad Majdûb, plus éloignés du centre de commandement d’Ain Sefra, inquiètent cependant toujours les autorités parce que, du fait même de leur mode de vie nomade, ils apparaissent comme moins contrôlables et en cas de rébellion, ils ont un avantage non négligeable ils connaissent mieux que quiconque le territoire du Haut Sud-Ouest. Le rattachement des tribus aux ksour fut donc une mesure pour tenter de contrôler les tribus nomades de la région. Elle eut pour conséquence d’exacerber les antagonismes entre les tribus nomades d’ascendance arabe » et les habitants des ksour d’ascendance berbère ». 48Dans le Haut Sud-Ouest, les autorités françaises tentèrent ainsi de maîtriser les tribus notamment en nommant leurs caïds et en contrôlant les déplacements des éléments nomades. Cette dernière mission incombait en partie au makhzen, un bataillon formé d’indigènes payés par les autorités françaises et supervisés par l’armée. 75 Cette politique du contrôle militaire des tribus et de la nomination de caïds des caïds, de grands ... 76 Nous devons ces informations à Hadj Sassi. Il est l’une des rares personnes, encore vivante, à avo ... 49Outre ce fait, la mise en place d’un caïd des caïds septembre 1898, le bachagha Si Moulay, atteste de la volonté des autorités françaises de préserver un ordre politique de type traditionnel et d’organiser les tribus selon les coutumes locales75. La désignation de Si Moulay à ce poste n’est pas fortuite. Celui-ci est en effet reconnu comme descendant d’un des marabouts les plus influents et les plus renommés de l’Ouest algérien, le sharif Sid Ahmad Ban Yûsaf de Miliana. L’autorité de Si Moulay, en tant que sharif du fait de cette ascendance supposée, est donc largement acceptée par les tribus de la région. Il eut pour adjoint son fils, Si Khaladi. Ce dernier faisait partie des nouvelles générations, celles formées par l’école française. Il aurait aboli, dans la région d’Ain Sefra, les corvées qui consistaient à nourrir de force les sections de militaires spahis en patrouille, aux frais des populations déjà misérables. Il tenta en outre d’abolir les amendes collectives des tribus76. Suite au décès de son père, Si Khaladi fut nommé chef indigène, bachagha, de 1932 à 1956. 50Lorsque les autorités nommèrent Si Khaladi, suite au décès de Si Moulay, elles ne firent que perpétuer un principe important dans le monde tribal, celui de la filiation ou plus exactement de l’unifiliation. La désignation de Si Khaladi à la succession de Si Moulay était donc normale compte tenu du contexte tribal. Selon le principe de l’unifiliation, les droits et devoirs attribués à son père lui incombaient naturellement ». En outre, chaque tribu payait collectivement les amendes imposées par les autorités françaises suite aux infractions de l’un ou de plusieurs de ses membres. La pratique de l’amende collective illustre le fait que les autorités reconnaissaient en fait la responsabilité de la tribu, du groupe, sur ses éléments. En cela, elles ne firent encore qu’appliquer un autre principe important du monde tribal celui de la solidarité intratribale. Elles estimaient que les membres des tribus formaient, autre caractéristique essentielle de la tribu, des corporate groups, des groupes faisant corps », et se devaient donc d’être solidaires et responsables collectivement. Haut de page Bibliographie Livres Lahouari Addi, De l’Algérie précoloniale à l’Algérie coloniale, Alger, OPU, 1985. Radouane Ainad Tabet, Histoire d’Algérie, Sidi Bel Abbés de la colonisation à la guerre de libération en zone 5, wilaya V 1830-1962, Alger, ENAG Éditions, 1999, p. 60-61. Anonymes et Schmidt, Histoire du cercle d’Ain Sefra », document remis par le père Communardi d’Ain Sefra, 1949. Smaïl Aouli, Ramdane Redjala et Philippe Zoummeroff, Abd el-Kader, Paris, Fayard, 1994. 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Centres des archives d’Outre Mer Aix-en-Provence Documents microfilmés, références ALG 300, E. 126 66miom/108/1, 66miom/108/2, 66miom/108/3, 66miom/108/4, 66miom/109/4 Haut de page Annexe Organisation des territoires du Sud77 Haut de page Notes 1 L’un des journaux francophones algériens les plus lus, Liberté, a consacré un dossier spécial à ce sujet les 5, 6 et 7 août 2001. 2 Le journal algérien El Moujahid, journal rangé du côté du pouvoir, soulignait par exemple à propos d’une visite du président Bouteflika que les représentants des différentes tribus de la région de Naama ne se sont point empêchés […] de manifester leur sentiment de fidélité et réitérer leur engagement à accompagner le président [Bouteflika] dans ses efforts de redressement, de relance et de croissance », suggérant ainsi que les choses allaient pour le mieux car les tribus supportaient le pouvoir. La légende au présent », El Moujahid, 8 septembre 2003, p. 5. Le journal Le Quotidien d’Oran titrait, en février 2004, que les tribus du Tidikelt soutenaient Bouteflika. À en croire ces journaux, la tribu serait un acteur politique réel et surtout bien légitime. Les tribus du Tidikelt soutiennent Bouteflika », Le Quotidien d’Oran, 16 février 2004. 3 La confédération des cAmûr de la région d’Ain Sefra se serait constituée progressivement entre le milieu du xvie et la fin du xviiie siècle, à partir de familles provenant d’une tribu hilalienne à laquelle se sont agrégés d’autres éléments d’origines diverses. On trouve des cAmûr dans la région d’Aflou mais la confédération que nous étudions celle du Haut Sud-Ouest est largement autonome par rapport aux groupes issus de la tribu hilalienne et installés dans le Zab de Constantine et la région du Djebel Amour. Elle constituait, à l’aube de la colonisation, une entité indépendante avec son propre territoire qui, par ailleurs, est assez distant du Djebel Amour plus de 300 km. La confédération des cAmûr pratiquait un nomadisme altitudinale d’est en ouest le long des monts des Ksour. 4 Sid Ahmad Majdûb, l’ancêtre fondateur de la tribu, serait né approximativement entre 1490 et 1493 de l’ère chrétienne, et serait mort en 1571. Il est l’oncle paternel de Sidi Shaykh, ancêtre de la grande tribu des Awlâd Sidi Shaykh. En raison de son ascendance censée remonter à un saint, la tribu des Awlâd Sid Ahmad Majdûb est localement qualifiée de mrabtin, de maraboutique. On trouvera dans la thèse d’Ahmed Ben Naoum des éléments d’hagiographie sur Sid Ahmad Majdûb et sur Sidi Shaykh Ahmed Ben Naoum, Uled Sidi Esh Sheykh, essai sur les représentations hagiographiques de l’espace au sud-ouest de l’Algérie, thèse de doctorat d’État en lettres et sciences humaines, université de Provence centre d’Aix, 1993. 5 Pour une analyse du concept de tribu, cf. Jacques Berque, Qu’est-ce qu’une tribu nord-africaine ? », dans Éventail de l’histoire vivante, Hommage à Lucien Febvre, Paris, Armand Colin, 1954, p. 261-271, aussi dans Jacques Berque, Maghreb, histoire et sociétés, Alger, SNED, 1974 et Pierre Bonte, Édouard Conte, Constant Hamès et al., Al ansab, la quête des origines, Anthropologie historique de la tribu arabe, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1991. 6 En parlant de système, j’ai à l’esprit l’ensemble des relations liant les tribus entre elles, qu’il s’agisse à la fois des relations de tribu à tribu économiques dans le cas des échanges de produits et des arrangements territoriaux ; religieuses dans le cas de culte commun d’un saint ; politiques dans le cas d’alliance ; matrimoniales dans le cas d’exogamie tribale… ou des relations en réseaux via notamment les différentes confréries. 7 Smaïl Aouli, Ramdane Redjala et Philippe Zoummeroff, Abd el-Kader, Paris, Fayard, 1994. 8 Radouane Ainad Tabet, Histoire d’Algérie, Sidi Bel Abbés de la colonisation à la guerre de libération en zone 5, wilaya V 1830-1962, Alger, ENAG Éditions, 1999, p. 60-61. 9 Ibid., p. 53-63. 10 Ibid., p. 61. 11 Repris du journal algérien Liberté du 6 août 2001, dossier spécial sur la tribu en Algérie. 12 Jean-Claude Vatin, L’Algérie politique, Histoire et Société, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1983, p. 125. En outre, Jean-Claude Vatin indique qu’il existait 100 000 hectares de terres européennes en 1850, 2 700 000 un siècle plus tard » p. 319. 13 Karl Marx, Le système foncier en Algérie », dans Sur les sociétés précapitalistes extraits du cahier de notes datant de 1879 environ, Paris, Éditions sociales, col. Cahiers du CERM », 1970, p. 384. 14 Karl Marx dit à ce propos que l’institution de la propriété foncière était aux yeux du bourgeois français la condition indispensable de tout progrès dans les domaines politique et social ». Ibid., p. 391. 15 Augustin Berque, Écrits sur l’Algérie, Aix-en-Provence, Édisud, 1986, p. 28. 16 Lahouari Addi, De l’Algérie précoloniale à l’Algérie coloniale, Alger, OPU, 1985, p. 21-22. 17 D. Daumas, Les populations indigènes et la terre collective de tribu en Tunisie, Tunis, 1912. 18 Henry de Montéty, Une loi agraire en Tunisie, Cahors, 1927, p. 30. 19 Sur ce point cf. notamment la partie Le marché autorégulateur et les marchandises fictives travail, terre et monnaie », dans Karl Polanyi, La Grande Transformation, Paris, Gallimard première parution en anglais en 1944, 1983, p. 102-112. 20 Pour un point de vue rapide du phénomène de dislocation du nomadisme, lire M’Hamed Boukhobza, L’agro-pastoralisme traditionnel en Algérie, de l’ordre tribal au désordre colonial, Alger, Office des publications universitaires, 1982, p. 20-23. 21 Jacques Berque, Le Maghreb entre deux guerres, Paris, Seuil, 1962, p. 121-136. 22 Augustin Berque, Écrits sur l’Algérie, Aix-en-Provence, Édisud, 1986. 23 Yvonne Turin, Affrontements culturels dans l’Algérie coloniale écoles, médecines, religion, 1830-1880, Paris, Maspero, 1971. 24 Capitaine Mesnier, Monographie du territoire d’Ain Sefra, Oran, Imprimerie L. Fouque, 1914 bibliothèque du territoire d’Ain Sefra – cote AOM B//4093, p. 48. En 1914, année de la publication de la monographie, le territoire d’Ain Sefra comprenait entre autre le cercle de Mecheria, l’annexe d’Ain Sefra, l’annexe de Beni Ounif, le cercle de Colomb Bechar et les postes de Taghit et Talzaza, l’annexe de Beni Abbes et le cercle de Geryville. 25 Lahouari Addi, De l’Algérie…, p. 57. 26 C’est le cas des approches de Jacques Berque, M’Hamed Boukhobza, Lahouari Addi et Ali Merad Boudia notamment. 27 Maurice Godelier, L’idéel et le matériel, Paris, Fayard, 1984. 28 Augustin Bernard et Napoléon Lacroix, L’évolution du nomadisme en Algérie, Alger, Adolphe Jourdan, 1906. Léon Joseph Lehuraux, Le nomadisme et la colonisation dans les Hauts Plateaux de l’Algérie, Paris, Éditions du comité de l’Afrique française, 1931. 29 Louis Voinot, Le Tidikelt étude sur la géographie, l’histoire, les mœurs du Pays, Éditions J. Gandini, 1995. Extrait du Bulletin de la Société de géographie et d’archéologie de la province d’Oran, tome XXIX – fascicules CXXIX, CXXX, CXXXI, 1909. 30 Robert Capot-Rey indique que le nombre des Européens vivant au Sahara a toujours été faible. Dans les territoires du Sud algériens, qui comprennent plus du tiers du Sahara français, on comptait, en 1948, Européens. La proportion des Européens aux indigènes, qui est à peu près de 1 à 8 dans les territoires du Nord, est de 1 à 100 dans les territoires du Sud. » Robert Capot-Rey, Le Sahara français, Paris, PUF, 1953. Certaines régions montagneuses du Nord, telles que la Kabylie ou l’Aurès, semblent aussi avoir été relativement préservées. Alain Mahé rend compte par exemple de la manière dont les assemblées villageoises de Kabylie tajmats ont su s’adapter et se transformer compte tenu de l’instauration d’un ordre politique étatique français, puis algérien. Alain Mahé, La révolte des anciens et des modernes. De la tribu à la commune dans la Kabylie contemporaine », dans Hosham Dawod dir., Tribus et pouvoirs en terre d’Islam, Paris, Armand Colin, 2004, p. 201-235. 31 Fanny Colonna et Henri Tawfik, Au Gourara, une pré-enquête », dans Fanny Colonna, Savants Paysans, éléments d’histoires sociales sur l’Algérie rurale, Alger, OPU, 1987, p. 37-66. 32 C’est notamment le parti que prend Nico Kielstra dans son étude des mutations de l’organisation tribale dans le Souf Sud-Est algérien. Cet auteur articule toute l’évolution de l’organisation tribale à celle des chefferies – fait qui peut s’expliquer par l’importance historique des chefferies dans la région – et tend malheureusement à avoir une vision linéaire. De fait, il conclut au déclin de l’organisation tribale et cela sans nous montrer en quoi les chefferies étaient nécessaires à la structure tribale et sans présager des possibilités d’adaptation de ces organisations tribales. Nico Kielstra, The decline of tribal organization in the Souf S. E. Algeria », Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, n° 45, 1987, p. 11-24. 33 Les subdivisions des territoires du Sud devinrent néanmoins des départements quelques années plus tard, au lendemain de la guerre d’Algérie. Bien que n’ayant plus d’existence juridique les territoires du Sud ont perduré jusqu’au milieu des années cinquante Jacques Frémeaux, Pertinence et fonctions de la frontière Tell-Sahara 1830-1960 », Revue d’histoire maghrébine, n° 81-82, juin 1986, p. 251-265. Voir le tableau de l’organisation des territoires du Sud en fin d’article. 34 Camille Sabatier, La question du Sud-Ouest, Alger, Éditions Adolphe Jourdan, 1881, p. 67-68. 35 Note du 3 avril 1922 Archives affaires indigènes militaires, repris de René-Victor Vâlet, Le Sahara Algérien. Étude de l’organisation administrative, financière et judiciaire des Territoires du Sud, Alger, La Typo-Litho, 1927, p. 41-42. 36 Ibid., p. 84. 37 Ibid., p. 86. 38 Ibid., p. 98-99. 39 Ibid., p. 131-132. 40 Ibid., p. 182 et suiv. 41 Il s’agit du recours d’un indigène s’estimant lésé à un officier qu’il considère comme son chef. Ce dernier fait office d’arbitre entre les deux parties. 42 Ibid., p. 211-212. 43 Jacques Frémeaux, Pertinence… », p. 261-262. 44 Colette Establet se posait ainsi la question de la réification tribale Faut-il se fier à la réalité sociale de ces groupements si bien emboîtés ? Des groupements qui correspondent à une telle réalité sociale qu’ils auraient pu être facilement adaptés à des fins d’organisation administrative le caïd dans la tribu, le cheikh dans la ferqa, le kebir dans son douar ? Les caïds font-ils, de leurs tribus, une sociologie spontanée ? Ou obéissent-ils, dans leur description, à la volonté classificatrice, rationalisante, voire géométrique de la France divisée en départements, eux-mêmes divisés en arrondissements, puis en communes, la France organiserait ainsi, à l’image de l’administration rationnelle issue de la révolution française, une pyramide administrative permettant de placer chaque homme à l’intérieur d’un réseau de tribu, de fractions et de douars qui quadrillent le territoire, et auquel on ne peut échapper. » Colette Establet, 1991, Être caïd dans l’Algérie coloniale, Paris, Éditions du CNRS, p. 217-218. 45 N. Lacroix et H. M. P. de La Martinière, Documents pour servir à l’étude du Nord Ouest africain, tome 2, Lille, L. Danel, 1896, p. 260 et 261n. 46 D’après les notes sur la tribu des Amour du commandant Colonieu, datées de 1859, dans un document microfilmé, référence 66miom/108/1. Les deux dernières fractions n’apparaissent dans aucun autre document et n’ont pas été citées lors des reconstitutions des généalogies. 47 Les Awlâd Sidi Shaykh étaient divisés en deux ligues opposées çoffs ou leffs les Awlâd Sidi Shaykh Gharaba de l’Ouest et les Awlâd Sidi Shaykh Charraga de l’Est. 48 Territoire sous gestion d’un bachaga. 49 Ross E. Dunn, Resistance in the Desert, Moroccan Responses to French Imperialism 1881-1912, New York, University of Wisconsin Press, 1977, p. 141-146. 50 Comme nous l’avons indiqué plus haut, le soulèvement des Awlâd Sidi Shaykh provoque l’arrêt de l’expansion militaire française dans le Sud oranais », c’est donc qu’il y avait bien un projet colonial. Toutefois, contrairement à El Bayadh Geryville et Béchar, Ain Sefra ne faisait pas partie – avant le soulèvement d’Abû cAmama – de points stratégiques pour l’expansion militaire. 51 Anonymes et Schmidt, Histoire du cercle d’Ain Sefra », document remis par le père Communardi d’Ain Sefra, 1949, p. 2. 52 Documents microfilmés des archives d’Outre-Mer, référence 66miom/108/2. 53 Correspondance n° 177, du 11 avril 1887, documents microfilmés des archives d’Outre-Mer, référence 66miom/108/2. 54 Ibid. 55 Correspondance n°4419, du 7 août 1888, du gouverneur général de l’Algérie à Monsieur le général commandant la division d’Oran, documents microfilmés des archives d’Outre-Mer, référence 66miom/108/3. 56 Une partie importante du cheptel périra lors de ce déplacement qui dura plusieurs mois. Sur cette épisode de la migration, voir les correspondances dans les documents microfilmés des archives d’Outre-Mer, référence 66miom/108/3. 57 État joint à la correspondance du général de brigade, commandant de la subdivision de Mascara O’Neill, à Monsieur le général commandant la division d’Oran, 22 novembre 1888, documents microfilmés des archives d’Outre-Mer, référence 66miom/108/4. 58 Correspondances dans les documents microfilmés des archives d’Outre-Mer, référence 66miom/109/3. 59 Correspondances dans les documents microfilmés des archives d’Outre-Mer, référence 66miom/109/4. 60 Correspondance du gouverneur général d’Algérie à Monsieur le général commandant la division d’Oran, du 6 septembre 1898, documents microfilmés des archives d’Outre-Mer, référence 66miom/109/4. 61 Capitaine Mesnier, Monographie… 62 En 1885, l’annexe créée à Mecheria dépendait du cercle d’Ain Sefra mais au moment de la réorganisation du territoire en 1904, elle fut transformée en cercle indépendant tandis que le cercle d’Ain Sefra devenait une simple annexe. Capitaine Mesnier, Monographie…, p. 74. 63 Il s’agit de l’actuelle El Bayadh. 64 Il s’agit de l’actuelle Bechar. 65 René-Victor Vâlet indique concernant les territoires du Sud que les communes mixtes ne diffèrent des communes indigènes, indépendamment de leur organisation administrative, que par la proportion des Européens dans la population locale. Si le nombre de ceux-ci est suffisant pour que leurs intérêts méritent d’être défendus et représentés, on crée une commune mixte ; sinon on établit une commune indigène ». René-Victor Vâlet, Le Sahara…, p. 37. 66 Les titres de bachaga et d’agha étaient repris de l’administration ottomane. Ils désignaient les gouverneurs locaux. 67 Capitaine Mesnier, Monographie…, p. 75. 68 La section de commune normale » n’a pas de représentation spéciale. René-Victor Vâlet, Le Sahara…, p. 97. 69 Anonymes et Schmidt, Histoire... », p. 4. 70 Il y eut de nombreux abus de la part des administrateurs dans l’attribution des noms, en témoignent certains d’entre eux assez courants dans la région Bouzerouata l’homme à la canne, Boumaaza l’homme à la chèvre… 71 Ces fractions firent valoir que tous leurs intérêts étaient du côté de l’annexe d’Ain Sefra dont ils fréquentaient le marché et où se trouvait leur territoire de pacage. 72 Territoire sous gestion d’un agha. 73 Anonymes et Schmidt, Histoire... », p. 27-28. 74 Isabelle Eberhardt raconte que certains des membres de cette tribu se retrouvèrent rattachés au caïdat de Béni Ounif. Le caïd, désigné par les autorités françaises, était un ancien esclave et lui-même se trouvait gêné devant les membres de cette tribu mrabtin. Isabelle Eberhardt, Sud Oranais, Paris, Éditions Joëlle Losfeld, 2003, p. 36-37. 75 Cette politique du contrôle militaire des tribus et de la nomination de caïds des caïds, de grands caïds, sera par ailleurs utilisée sous des formes encore plus poussées au Maroc et même en Syrie dans les zones tribales et/ou bédouines. Pour la Syrie, voir notamment Christian Velud, Syrie tribus, mouvement national et État mandataire 1920-1936 », Monde Arabe, Maghreb Marchrek, n° 147 intitulé Tribus, tribalismes et États au Moyen-Orient », sous la direction de R. Bocco et C. Velud, janvier-mars 1995, p. 48-71. 76 Nous devons ces informations à Hadj Sassi. Il est l’une des rares personnes, encore vivante, à avoir travaillé dans l’administration de la commune d’Ain Sefra, durant la période coloniale. 77 D’après le tableau des commandements et unités administratives formant les territoires du Sud, gouvernement général de l’Algérie, Commissariat général du centenaire, Les Territoires du Sud de l’Algérie, 2e partie, l’œuvre accomplie, Alger, P & G Soubiron, 1930, p. de page Pour citer cet article Référence papier Yazid Ben Hounet, Des tribus en Algérie ? », Cahiers de la Méditerranée, 75 2007, 150-171. Référence électronique Yazid Ben Hounet, Des tribus en Algérie ? », Cahiers de la Méditerranée [En ligne], 75 2007, mis en ligne le 21 juillet 2008, consulté le 17 août 2022. URL ; DOI Haut de page Auteur Yazid Ben Hounet Université de Paris 8Yazid Ben Hounet est Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche à l’Université de Paris 8. Il a soutenu à l’EHESS en 2006 une thèse d’anthropologie sur L’Algérie des tribus. Le fait tribal dans le Haut Sud-Ouest algérien contemporain. Il a publié en 2007 - La tribu en pratique le rituel de la mûdâwala chez les Awlâd Sid Ahmad Majdûb », Alfa, revue de l’Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain, p. La restauration des ksour. Institutions du patrimoine et enjeux de mémoire » avec S. Guinand, Espaces et Sociétés, n°128-129, avril/mai, p. de pageLAlgérie célèbre le 60e anniversaire du recouvrement de la souveraineté nationale en présence de plusieurs chefs d’État et de personnalités politiques.Le proconsulat du Général Bugeaud. Le 31 octobre 1838, les termes possessions françaises dans le Nord de l’Afrique » sont supprimés au profit du nom de Algérie ». La nomination de Bugeaud au Gouvernement Général d’Alger n’est pas du goût de tout le monde, parmi les Français installés en Algérie. De vieux griefs contre lui remontent à la surface, des pétitions circulent, jusqu’à Paris. Bugeaud est attaqué avec virulence. Le comte de Franclieu délégué des colons algériens », fait le bilan de l’action de Bugeaud, très controversée. Il s’empresse de préciser qu’il n’attaque pas l’homme, mais l’administration Bugeaud ». Monsieur Bugeaud personnifie en lui toutes les tendances funestes dont nous nous plaignons il règne en Algérie plus que le roi de France ; il est l’âme, l’instigateur, l’agent direct de la plupart des mesures désastreuses qui nous accablent… Si j’en viens à blâmer son administration, son amour de l’absolutisme, sa soif insatiable de pouvoir, et l’acharnement qu’il apporte à faire triompher ses folles utopies, il est bien entendu que ce n'est pas à l’homme que je m’attaque et que l’homme public seul peut être mis en cause. Cette critique particulièrement sévère contre Bugeaud avait comme destination l’opinion publique du moment, en dénonçant les effets funestes » de la politique de Bugeaud. Delpech de Saint-Guilhem est encore plus explicite, il publie en 1847 une brochure où il émet le vœu, comme Français et colon », de participer aux débats et d’apporter le concours de leur expérience, reprochant à Bugeaud d’avoir mis l’Algérie sous tutelle » [ militaire ]. Pour le duc de Valmy1 et Berthier de Sauvigny, Intendant d’Oran, il faut donner à l’expédition d’Afrique le caractère d’un intérêt général ». Il s’agit pour Berthier, de développer le port de Mers El Kébir, en lui accordant une importance stratégique et commerciale supérieure à celle de Gibraltar, [ le Détroit étant tenu par les Anglais ]. Il demande d’appliquer une franchise générale pour tous les ports d’Alger ». Il émet l’hypothèse que sa solution serait bien plus bénéfique que toutes les soumissions, razzias, guerres ruineuses et cruelles ». Il faut aussi assumer la sauvegarde d’Oran, le déclarer port franc, sans pour autant trop attirer les regards de l’Angleterre ». Contruire à Oran un port marchand en modifiant les plans du Génie militaire sur Mers El Kébir, en particulier affecter au commerce les emplacements et bâtiments du port qui relèvent de l’autorité militaire ». Berthier de Sauvigny dénonce l’impuissance des autorités algériennes devant les projets énoncés. Les hommes qui les composent, n’ont aucune idée politique ; habitués à un despotisme bureaucratique de bas-étage ; noyés dans les minutieux détails des écritures… employés, commis, n’ayant ni valeur, ni énergie qui convienne à un pays nouveau, on ne peut leur laisser une direction qui demande des mesures habiles, vigoureuses et surtout promptes... ». Berthier de Sauvigny souhaite qu’Oran acquière une certaine autonomie, pour toute démarche administrative, sans avoir à passer nécessairement par Alger et ses filières paperassières ». Son but faire d’Oran un des ports les plus importants de la France en Méditerranée. Bugeaud contrairement à l’image véhiculée par les Historiens du XXe siècle, fut un député anti-coloniste, déclaré. Rosey écrivait de lui Le général Bugeaud est parmi nous depuis trois jours… L’air qu’il a respiré en Afrique, semble avoir décuplé son antipathie pour notre pauvre colonie… il n’a vu que sables, rochers et broussailles Ses allégations… n’en sont pas moins, en ce qui touche le sol, notoirement fausses. Il affirme que l’olivier même ne croît en Algérie qu’au moyen d’irrigations. Il va demain visiter la Mitidja. Les oliviers d’un à cinq pieds de diamètre qu’il rencontrera en multitudes sur les hauteurs du massif qu’il traversera, la plupart assis sur le roc recouvert de terre végétale et les terres productives qu’il parcourra dans sa course lui feront, nous n’en doutons pas, modifier son opinion… La Quotidienne », journal légitimiste, le 3 janvier 1841, l’attaque bille en tête. Le nom de Bugeaud est le dernier qui devrait venir à la pensée des ministres… Politique sans intelligence, général sans renommée, diplomate en sabot, il ne s’est donné quelques consistance dans les partis, que par des discours de fier à bras, par des airs de matamore, par des harangues de paysan limousin et par un certain mélange de patois dynastique et de popularité gasconne... » Bugeaud n’en a pas fini d’être la cible de critiques sévères. Mais de son côté, il défend ses prérogatives avec forces. Le moment viendra où la population européenne pourra et devra être régie par les institutions de la France, mais ce moment n’est pas venu ». Baudicour prend en considération la nuance de ces propos. Il propose une véritable refonte des institutions algériennes, tout en favorisant l’implantation. Baudicour propose la séparation des pouvoirs » du Gouverneur Général et du Commandement militaire. Une réorganisation provinciale pourrait remettre de l’ordre dans le gouvernement de l’Algérie, selon Baudicour. Il faut pallier les effets des conflits par la double centralisation parisienne et algérienne ». En un mot que l’Algérie atteigne une autonomie. Une quatrième province est envisagée, il s’agit de la Kabylie. Baudicour y pense depuis quelques temps et permettrait une décentralisation poussée qui prendrait le contrepied des mesures de Bugeaud. Le gouvernement songe au Général Daumas. Qui est Melchior-Joseph-Etienne Daumas 1803 – 1871 Grand connaisseur du monde musulman, parent de l’Orientaliste Slane, traducteur d’Ibn-Khaldoun, il paraît bien plus qualifié pour diriger les affaires de l’Algérie. L’action de Bugeaud étant jugée néfaste car trop centralisée sur Alger et paralysante pour l’agriculture et le commerce. Le Maréchal Soult, le 7 février 1841 place un administrateur civil à côté du gouverneur. Selon Baudicour, cette mesure aggrave la situation entre civils et militaires. Le poste d’intendant civil n’est pas rétabli devant l’échec, et en 1845, on instaure un poste de Directeur Général des Affaires Civiles aux attributions bien plus modestes. Mais on nomme en parallèle, un Directeur de l’Intérieur aux pouvoirs considérables. Saint-Guilhem appelle de ses vœux une implantation civile », décentralisation de toutes les affaires administratives ». Il veut circonscrire le rôle de l’armée à un simple rôle de protection de la population. Réduire l’influence d’Alger et affirmer la personnalité des provinces, d’Oran et de Constantine. L’attribution des terres aux candidats à l’implantation. Le cantonnement des Musulmans. Ce terme à l’origine militaire n’a rien à voir avec un refoulement ». Par contre, le territoire jusque là exclusivement occupé par les Musulmans, va alors se trouver partagé avec les Européens ». Il correspond aux vues de l’administration militaire. Les Musulmans 10 fois plus nombreux que les Européens, le nombre de terres domaniales », proposées aux Européens diminue considérablement. La plupart de ces attributions » sont de surfaces restreintes, car ils ne »peuvent obtenir des Musulmans la part de sol qui leur est nécessaire ». Devant les difficultés qui s’accumulent pour les Européens, l’administration militaire demande au gouvernement de se charger lui-même de la répartition entre les Européens et les Musulmans ». Mais le gouvernement depuis Paris laisse aux colons, la pleine liberté » de traiter avec les Musulmans. Dans ce cas, la distinction entre territoire civil et territoire militaire disparaitrait, ce que l’administration militaire refuse, elle y perdrait trop de son autorité. La question du cantonnement ». Elle s’inscrit dans les relations entre les Européens et les Musulmans. Baudicour oppose à Bugeaud "la méconnaissance des différences fondamentales entre Européens et Musulmans." Des rapports arrivent sur la table de l’administration comme cet exemple, concernant les aménagements agricoles des Européens, extrait. Nos plantations les séduisent si peu qu’ils coupent, pour s’en faire des bâtons de voyage, les arbres dont nous bordons les routes, ils préfèrent le plus souvent à ces routes leurs vieux chemins, si rocailleurs et si dégradés qu’ils soient ». En traitant directement avec les Européens, cela leur permettrait de conserver leurs traditions. La question du cantonnement », ne peut non plus être abordée sans se pencher sur le régime foncier, en vigueur en Algérie, chez les Musulmans. L’acquéreur européen se trouve confronté à des co-indivisaires » co-indivis musulmans répartis dans tout le pays », car l’indivision se fait par couches superposées de générations, c’est la règle générale. » Par exemple, les co-indivisaires » viennent réclamer la reprise de droits indivis vendus à un étranger à l’indivision. A cela s’ajoute dans beaucoup de cas la question des terres habous », c’est-à-dire la propriété religieuse frappée d’inaliénabilité, et dont les dévolutaires ne possèdent que la jouissance. En conséquence, devant la complexité des lois notariales musulmanes, et les imbroglio en découlant, dans certaines régions, l’administration fait interdire les transactions immobilières entre Européens et Musulmans. De plus, en 1858, une réunion a lieu entre administrateurs civils, fins connaisseurs de l’Algérie pour examiner les aspects humains, techniques et matériels ». Ils constatent un tout petit nombre de terres allouées ou achetées aux Musulmans. » Les arrivants attendent des mois, voire des années à la porte des bureaux. Devant les lenteurs administratives, les primo-arrivants retraversent la Méditerranée, à bout de patience et de ressources ». Pourtant des petites propriétés se créent, qui voisinent avec de plus grosses, Musulmans et Européens. Baudicour plaide pour une cohabitation entre les deux communautés sur la même terre. Si l’idée du cantonnement de Bugeaud était appliquée, nous assisterions à un véritable partage entre Chrétiens et Musulmans, ce qui serait une très mauvaise chose... Le fait de cantonner séparément les Arabes, aboutirait à former deux camps ennemis en présence l’un de l’autre », pense Baudicour. "L’honneur de la France est de leur assurer des moyens d’existence ». Baudicour dénonce également les lourdeurs militaires. Chez les Légitimistes, comme chez les autres, les méthodes Bugeaud sont fortement dénoncées. Son désir d’administrer et de créer des colonies militaires, sans admettre qu’aucune barrière ne vienne enfermer son autorité lui aliène de nombreux colons ». .../... NB Les extraits de texte que j’emprunte pour les besoins de cet article, ainsi que pour les articles précédents, à Charles-André Julien – professeur à la Sorbonne, Histoire de l’Afrique du Nord – Tunisie – Algérie – Maroc – de la conquête arabe à 1830 » - Éditions Payot Paris – 1952 » sont retranscrits en italique, ou entre guillemets. Tous les extraits de texte empruntés avec son aimable autorisation à la thèse de Pierre Gourinard, historien, professeur docteur en Histoire-Géographie, sont retranscrits pour les besoins de l’article, en italique ou entre guillemets. Idem pour les autres sources. 1Duc de Valmy 1802-1868, petit-fils du général Kellerman. 2Souligné par Rosey.Leprésident de la République a nommé, jeudi, les membres du nouveau gouvernement, conduit par le Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, a indiqué un communiqué de la présidence de la République, dont voici le imprimer Facebook Twitter Le consulat n’est pas compétent pour entreprendre des recherches généalogiques. publié le 14/06/2022 haut de la page
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Ils’agit essentiellement, dans le cas de l’Algérie à la période coloniale, des archives du gouvernement général ainsi que de celles
Fils d'un couple d'instituteurs, né dans le Cantal, il incarne l’élévation par le mérite chère au modèle républicain français. Il étudie d'abord à Toulouse puis au lycée Louis-le-Grand à Paris. En 1931, il intègre l'École normale supérieure puis est reçu premier à l'agrégation de lettres. Il débute alors une carrière de professeur de français, latin et grec au collège à Marseille, puis en hypokhâgne à Paris au lycée Henri-IV. De 1944 à 1946, il est chargé de mission au cabinet du général de Gaulle dont il devient progressivement l'homme de confiance. Il est ensuite maître des requêtes au Conseil d’Etat. Il quitte ce poste pour être directeur général de la banque Rothschild. Après l'élection présidentielle de Charles de Gaulle en 1958, il est nommé directeur de cabinet de ce dernier. En mars 1959, il est nommé au Conseil constitutionnel où il siège jusqu'en 1962. Discours de politique générale, 24 avril 1962 D’emblée, Georges Pompidou souligne qu’il n’est pas un parlementaire. Son discours est amplement consacré à la question algérienne. Il met en cause l’Organisation de l’Armée Secrète organisation subversive qui, sous prétexte de défendre l'Algérie française, finira par rendre impossible la présence de Français en Algérie, qui, sous couleur de défendre l'intégrité du territoire, a failli briser l'unité nationale et déchaîner la guerre civile ». Il ne demeure toutefois pas sur cette clôture de l’époque impériale, et il dessine le nouvel horizon de la France l’aventure européenne En ce siècle où les continents se découvrent une conscience collective, l'Europe qui a dû renoncer à ses empires coloniaux et a cru, comme certains le croient encore, en France, y voir le signe de sa décadence, est en train de découvrir sa propre existence et ses capacités ». L’un des thèmes forts est la jeunesse, le Premier ministre prenant acte de l’effet du baby-boom. Il y voit un instrument de la prospérité, tout comme l’est la politique de stabilité du franc, et l’ensemble des moyens d’intervention de l’Etat représentés au premier chef par le commissariat au Plan qu’il vient de rattacher à ses services. Il s’agit de mettre en place une voie française de coopération intérieure Le gouvernement se propose d'associer le Parlement à la définition des objectifs du plan, de resserrer la collaboration avec les organisations professionnelles et syndicales, d'associer enfin à l'exécution du plan des collectivités locales et les comités d'expansion de telle manière que le planisme français garde et accentue sa caractéristique originale qui est d'unir la souplesse à l'efficacité. » La question d’une politique d’égalité des territoires complète cette conception coopératiste. Une pratique constitutionnelle réajustée La nomination d’un proche du chef de l’Etat, étranger à la politique et aux arcanes de la négociation parlementaire, marque la présidentialisation du régime. Le Premier ministre coordonne l’action des ministres, mais il le fait sous la responsabilité du président de la République, qui dirige l’exécutif sans partage », expliquera le général de Gaulle. Tout au long de son destin politique, Georges Pompidou défend la prééminence du président. Les conseils de cabinet que réunissait Michel Debré à Matignon sont laissés de côté, et le président convoque de plus en plus fréquemment à l’Elysée des conseils restreints auxquels participent plusieurs ministres et hauts fonctionnaires. Dans une France marquée par les derniers soubresauts de la guerre d’Algérie, après l’échec de l’attentat du Petit-Clamart, le général de Gaulle propose aux Français un référendum sur l’élection du président de la République au suffrage universel. L’Assemblée vote une motion de censure contre le gouvernement. Mais le général maintient celui-ci et dissout l’Assemblée. Le 28 octobre 1962, les Français approuvent largement la réforme constitutionnelle, à 61,75 %. Un mois plus tard, ils donnent un score historique de 32 % à l’UNR gaulliste. Engagé avec force dans le dossier du référendum, Georges Pompidou a changé de stature s’imposant, à l’Assemblée, comme un débatteur redoutable. A la télévision, sa ténacité et sa pugnacité ont impressionné les Français. Moderniser l’appareil productif français Convaincu que le niveau de vie des Français est lié à la modernisation de l’appareil de production et à sa compétitivité, il entreprend la rénovation de l’industrie française. Celle-ci est son grand œuvre. Il met sur pied la politique d’aménagement du territoire de la France, avec l’organisation de la Délégation d’aménagement du territoire Datar confiée à Olivier Guichard, et la création du Fonds d’intervention pour l’aménagement du territoire. Bientôt, Georges Pompidou est considéré comme l’héritier naturel du fondateur du régime. Après la mise en ballottage du Général, en 1965, le Premier ministre est reconnu comme le véritable organisateur de la campagne du second tour. Au premier rang face à la crise de mai 1968 Le quatrième gouvernement Pompidou est marqué par les événements de mai 1968. D'abord lancé par les étudiants, le mouvement s'étend aux ouvriers qui se mettent en grève. A la mi-mai, sept millions de grévistes paralysent le pays sur une population active de 20 millions 440 000 personnes, soit un taux jamais vu de 34 % des travailleurs. Devant la crise de mai 1968, c’est le Premier ministre qui semble un temps prendre la main. Cherchant à tout prix à éviter un raidissement, il annonce la réouverture de la Sorbonne. Tous les matins, il préside une réunion de crise à Matignon. Le principal acteur des Accords de GrenelleLe Premier ministre est à l’origine des Accords de Grenelle, qui aboutissent à une augmentation de 35 % du Smig et de 10 % en moyenne des salaires réels. Ils prévoient aussi la création de la section syndicale d’entreprise, marquant une rupture décisive dans l’histoire sociale du pays. Après la dissolution de l’Assemblée, l’immense succès du parti gaulliste aux élections apparaît comme celui du Premier ministre. L’UNR détient la majorité absolue. Georges Pompidou bénéficie désormais d'un poids politique inédit pour un Premier ministre, difficilement compatible avec l’interprétation gaulliste de la Constitution de la Ve République. De Gaulle l’invite publiquement à se tenir prêt pour tout mandat que la nation pourrait un jour lui confier ». Un an après, la victoire des non » au référendum sur la réforme du Sénat et la régionalisation provoque le départ immédiat du général de Gaulle. Le 15 juin 1969, Georges Pompidou est élu président de la République avec plus de 58 % des suffrages face à Alain Poher. Il nomme Jacques Chaban-Delmas au poste de Premier ministre. Le dernier hommage de la République à l’un des siens Selon Michel Debré, le professeur Robert Debré son père, diagnostiqua en 1969 que Georges Pompidou souffrait de la maladie de Waldenström. Gravement malade, le président Pompidou décéda le 2 avril 1974 au cours de son mandat. Il souhaita être inhumé à Orvilliers Yvelines, sans discours ni gerbe, en parfaite simplicité. Lui fut rendu hommage par une journée de deuil national et une cérémonie eut lieu à Notre-Dame de Paris, devant près d’une cinquantaine de chefs d’Etat et de gouvernement. Parmi ceux-ci, le président Léopold Senghor, vieil ami personnel de Georges Pompidou, ne cachait pas son émotion. Plusieurs milliers de personnes s’étaient rassemblées autour de la cathédrale.
Legouvernement algérien a annoncé un changement de rôles entre les différents départements de renseignement, entretenant l'instabilité de sa direction. Dans un communiqué publié par le ministère de la Défense, Alger a annoncé que, par décret présidentiel, les directeurs de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et de la Direction générale de la
Le SGG, dont l’histoire est naturellement liée à l’évolution de la fonction de chef du Gouvernement, est né en 1935 alors qu’apparaissait la nécessité pour le président du Conseil de disposer de services permanents pour l’assister dans son rôle d’arbitrage entre les ministres. Mais à l’inverse des institutions dont il organise les relations mutuelles, les fonctions du SGG ne sont pas définies dans la constitution, ni même dans une loi. Placé sous la responsabilité du Secrétaire général du Gouvernement, il relève du Premier ministre et travaille en étroite association avec le cabinet de celui-ci. C’est une structure légère, aux effectifs réduits, qui oeuvre dans les coulisses » de l’appareil d’Etat. Les premières tentatives sous la IIIe République La première tentative de doter le Gouvernement d’un instrument de travail collectif, dont le besoin se faisait particulièrement sentir en période de crise s’est produite à l’époque de Ribot et de Painlevé en 1917, pendant la Première Guerre mondiale, à un moment où l’on voulait coordonner l’action gouvernementale pour mener la guerre. Cet organisme, qui s’appelait Section administrative » et qui n’a été qu’éphémère, disparut à la fin de la guerre, puis réapparut en 1924 avec Edouard Herriot qui a recréé un secrétariat général des services administratifs de la présidence du Conseil, qu’il a confié d’abord au sénateur Israël, puis, en 1925, à un sous-secrétaire d’État. Par mesure d’économie en 1926, Poincaré supprime la section administrative ». Mais en 1934, Gaston Doumergue, alors président du Conseil, en préconise la reconstitution et en définit l’esprit d’une manière qui préfigurait un peu ce que devait être le Secrétariat général du Gouvernement que nous connaissons La présidence du Conseil doit être dotée de services et d’un personnel sélectionné permanent et peu nombreux, détaché des grandes administrations publiques. Avec ces services, le président du Conseil doit suivre attentivement l’action de chaque département, veiller à ce que l’un ne gêne pas l’autre et à ce que travaux, initiatives et efforts soient coordonnés en vue du bien général. » C’est sur cette base que le successeur de Gaston Doumergue, Flandin, fait voter dans la loi de finances de 1935 les crédits qui permettent l’institution d’un certain nombre de chargés de mission qui sont à l’origine du Secrétariat général du Gouvernement actuel. Bien que les débats reflètent une certaine réticence à l’égard de la création d’un tel organisme, la loi de finances est finalement votée ; le service est institué avec dix fonctionnaires titulaires d’un grade moyen et quinze chargés de mission recrutés parmi les fonctionnaires de rang élevé des administrations et dont l’un prend le titre de secrétaire général du Gouvernement. Voilà le secrétariat général créé avec vingt-cinq personnes. Ces chargés de mission forment une équipe dont le rôle est de documenter le président du Conseil, de lui fournir les éléments de décision et de suivre les travaux législatifs. A l’origine, la distinction n’est pas très nette entre cet organisme et le cabinet du président du Conseil. Flandin l’avait d’ailleurs dit C’est un cabinet politique un peu étendu » . L’institution ne progresse, au début, que modestement et assez lentement. Au moment du débat, certains parlementaires avaient contesté la régularité de la création de services administratifs du président du Conseil, qui n’était pas du tout prévue par la Constitution de la IIIe République. Les premiers secrétaires généraux » restaient très peu de temps en fonction. Sous le ministère Flandin, pendant une année, ce fut Léon Noël, qui devait être ensuite ambassadeur à Varsovie en 1939, puis qui devint président du Conseil constitutionnel après la guerre ; ensuite, sous le ministère Laval, Georges Dayras. Un an après, sous Léon Blum, ce fut Jules Moch ; puis Yves Chataigneau, plus connu comme gouverneur général de l’Algérie. C’est à l’époque de Jules Moch que Léon Blum, qui s’intéressait beaucoup au Secrétariat général du Gouvernement en lequel il voyait l’un des éléments de la réforme gouvernementale, a décidé que désormais le secrétaire général du Gouvernement assisterait aux conseils de cabinet et aux Conseils des ministres. Cela est devenu une tradition qui est demeurée depuis. Léon Blum et Jules Moch définissent les tâches des chargés de mission constituer les dossiers des affaires traitées par le président du Conseil et son cabinet et débrouiller » les affaires. Mais les tentatives des secrétaires généraux successifs pour assurer la coordination des ministres se heurtent à beaucoup de résistance de la part des administrations. A ce moment - c’est, de 1936 à 1938, la période des conférences Matignon » - l’activité principale de ces secrétaires généraux du Gouvernement a été d’aider le président du Conseil à trancher les nombreux arbitrages sociaux. Le secrétaire général du Gouvernement est maintenant imposé et va subsister pendant la guerre et, curieusement, tant à Vichy et Paris qu’à Alger. C’est Louis Joxe, futur ambassadeur et ministre, et premier secrétaire général du Comité de libération nationale constitué à Alger en 1943 qui fut, à la Libération, le premier secrétaire général du Gouvernement dans la France libérée. Le Conseil des ministres du 3 février 1947 adopte un document appelé Règlement intérieur des travaux du Gouvernement » qui fixe le rôle du secrétaire général du Gouvernement en matière d’organisation des travaux du Conseil des ministres, des conseils de cabinet, des réunions interministérielles en matière de procédure législative. Ce règlement intérieur est, finalement, le seul texte qui définisse - et encore pour une toute petite partie - les missions du secrétariat général du Gouvernement. La loi de finances de 1936, qui l’avait créé, s’était bornée à prévoir l’effectif des chargés de mission sans dire un mot de ce qu’était le rôle de l’organisme. Il faut donc se référer, pour le comprendre, à la fois aux intentions de ses créateurs et à ce que la pratique et la tradition en ont fait. L’institution actuelle A partir de la IVe République, l’institution a donc pris son caractère définitif. Dans les premiers temps, on ne savait pas bien si elle était un cabinet politique étendu » ou un organisme administratif ». Elle devient un organisme administratif, comme l’établit avec netteté la permanence de André Segalat, qui succède à Louis Joxe en 1947 et sera secrétaire général du Gouvernement du 15 septembre 1946 au 23 janvier 1958 pendant 12 ans il aura vu se succéder 21 présidents du Conseil, 21 ministères. C’est un record qui traduit bien la mutation qui s’est produite le secrétariat général est devenu un organisme charnière entre le Gouvernement et l’administration, mais un organisme administratif. Les successeurs de André Segalat, sous la IVe et la Ve Républiques, maintiennent cette tradition. A André Segalat succède R. Belin qui exercera ses fonctions pendant six ans, de 1958 à 1964 ; ensuite, Jean Donnedieu de Vabres sera secrétaire général du Gouvernement de 1964 à 1974. C’est à lui que succède Marceau Long en 1975, conseiller d’État après six mois d’intérim de Jacques Larché. Puis, se sont succédé Jacques Fournier en 1982, Renaud Denoix de Saint Marc en 1986, Jean-Marc Sauvé en 1995, et Serge Lasvignes en 2006, et Marc Guillaume, en 2015. Au conseil des ministres du 15 juillet 2020, Mme Claire Landais est nommée Secrétaire général du gouvernement.Cest même à lui que le directeur de la sûreté du gouvernement source de confusions. Le premier récit de l’affaire Kobus a été publié Le 14 juin 1830, les troupes françaises débarquent près d'Alger en vue d'une petite expédition punitive destinée à restaurer le prestige du gouvernement. Dérisoire imbroglio La ville et le territoire de l'Algérie actuelle * sont alors sous la suzeraineté théorique du sultan d'Istamboul depuis trois siècles sous le nom de Régence d'Alger». Dans les faits, l'intérieur du pays est livré à l'abandon, insoumis et réticent à l'islamisation. Le territoire compte environ trois millions d'habitants contre 36 millions pour la France de la même époque. La conquête française, si lourde de conséquences pour la France comme pour l'Algérie, résulte d'un imbroglio dérisoire. En 1798, le gouvernement du Directoire achète du blé à laRégence d'Alger pour les besoins de l'expédition du général Bonaparte en Égypte. Le blé est financé par un emprunt de la France auprès de familles juives d'Alger. Celles-ci demandent une garantie du dey qui gouverne la ville. En 1827, le dey d'Alger, Hussein, frappe du manche de son chasse-mouches» le consul de France Deval, un affairiste qui refuse non sans insolence de s'engager sur le remboursement du prêt. Le président du ministère français, Villèle, demande réparation au dey pour l'offense faite à son consul mais n'obtient aucun semblant d'excuse. Une affaire intérieure Confronté deux ans plus tard à la fronde des députés, le roi Charles X éprouve le besoin de restaurer au plus vite son image. C'est ainsi que, le 3 mars 1830, dans le discours du trône, il évoque pour la première fois l'idée d'une expédition punitive destinée à obtenir réparation de la dette ainsi qu'à détruire le repaire de corsaires installé dans la régence d'Alger et mettre fin à l'esclavage ! Le comte Louis de Bourmont, ministre de la Guerre dans le gouvernement Polignac, est nommé Commandant en chef de l'expédition en Afrique» Les journaux de l'opposition multiplient les critiques à l'égard de ce militaire sans envergure. M. de Bourmont veut être maréchal il mérite le bâton !» écrit Le Figaro en définitive, il aura bien le bâton de maréchal à l'issue de l'expédition d'Alger !. Mais la flotte n'appareille pas moins de Toulon le 25 mai 1830 avec 453 navires, 83 pièces de siège, marins et soldats. Prise d'Alger Les troupes françaises débarquent sur la plage de Sidi Ferruch, à 25 km d'Alger. Pendant ce temps, la flotte bombarde les défenses de la ville, en particulier la citadelle de Fort-l'Empereur, ainsi nommée en souvenir de Charles Quint ! Le dey capitule enfin le 5 juillet, après plusieurs jours de difficiles combats contre les troupes turques qui font 415 tués et 2160 blessés dans le corps expéditionnaire. 48 millions de francs prélevés dans son trésor permettent de couvrir les frais de l'expédition. Les soldats français se livrent quant à eux à une mise à sac de la ville qui ternit leur victoire. [cliquez sur la frise et suivez les événements de la conquête] Publié ou mis à jour le 2021-02-09 145337
AhmedAboul Gheit, secrétaire général de la Ligue, a présenté ses condoléances au président de la République, Abdelmadjid Tebboune, ainsi qu’au peuple et au gouvernement algériens à la suite des feux de forêt qui ont fait plusieurs victimes dans l’est du pays. Dans un tweet, le secrétaire général de la Ligue arabe a souhaité
Le JORA, Journal officiel de la République algérienne الجريدة الرسمية Journal officiel de la République Algérienne Démocratique et Populaire et dictamocratique الجريدة الرسمية... lire plus, Commentaires facebook sur l'Algérie et sur le journal officiel! Vous pouvez consulter le site du journal officiel d'Algérie الجريدة الرسمية sur Journal officiel d'Algérie Le JORA Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire est le moyen par lequel le gouvernement rend public l’ensemble de ses textes juridiques et réglementaires. Il contient les constitutions consécutives, les lois, les ordonnances, les codes, les décrets, les arrêtés, et les décisions de nominations. Il est publié officiellement en arabe. La version française en est la traduction. C’est donc la version arabe qui fait autorité. Au lendemain de l’indépendance nationale, l’Algérie a publié son premier journal officiel en date du six juillet mil neuf cent soixante-deux, soit vingt-quatre heures après la date officielle de l’Indépendance de l’Algérie. Son nom à l’époque était le JOEA, le Journal Officiel de l’Etat Algérien. Trois mois plus tard, le vingt-six Octobre de la même année, il change de dénomination pour devenir le JORADP, le Journal Officiel de la République Algérienne Démocratique et Populaire, plus connu sous l’acronyme de JORA. Auparavant, les textes officiels de l’Algérie sous domination française étaient publiés au Bulletin Officiel du Gouvernement Général de l’Algérie », créé en mil huit cents soixante-treize. » Baziz Algérie mon amour. La périodicité du JORA est irrégulière. Le journal officiel parait en fonction de la disponibilité de la matière. L’un des plus importants numéros de l’année est celui contenant le texte de la loi des finances de l’année à venir, ainsi que les éventuelles lois des Finances Complémentaires. Le JORA a été placé sous la responsabilité du Secrétariat Général du Gouvernement, le SGG. Ce dernier publie la version électronique sur son site ou bien rendant la publication gratuite. Seule la version imprimée reste commercialisable, presque exclusivement sur abonnement. La version française ne peut être vendue qu’accompagnée de la version dite originale ». Sur le site web du JORA, il est possible d’effectuer des recherches selon plusieurs types de critères Type de texte loi, décret, … Numéro du journal, sa date, où encore sur le texte intégral d’une collection concernant un secteur, un ministère,… Une fois la recherche terminée, il est donné au chercheur la possibilité de consulter le texte online ou encore de le télécharger au format PDF. Le site offre la possibilité de télécharger tout un ensemble de codes, tels le Code du Commerce, ou celui de la Famille, ainsi qu’un certain nombre de rapports d’activités du SGG, difficilement accessible autrement. Même si le site est utile, il rencontre encore un certain nombre de problèmes techniques. Parfois, il est tout simplement inaccessible. Son moteur de recherche manque de souplesse, et ses critères de recherche ne sont pas toujours évidents à saisir. » Algérie un documentaire exceptionel sur l'Algérie. Le JORA est la principale publication officielle de l’Etat algérien. Mais il existe d’autres journaux faisant autorité, mais que l’Etat a placé sous des tutelles moins élevées dans la hiérarchie administrative de l’Etat. Il s’agit entre autres, du BOAL, Bulletin Officiel des Annonces Légales, dans lequel sont publiées toutes les annonces officielles concernant la création et la dissolution d’entreprises, émanant des études notariales, ainsi que leurs comptes sociaux officiels. Il a été créé en mil neuf cents soixante-cinq et il est publié par le Centre National du Registre de Commerce. Un autre journal légal publié par l’Agence Nationale de l’Edition et de la Publicité est le BOMOP, Bulletin Officiel des Opérateurs Publics, dans lequel passent les appels d’offres des marchés publics, depuis 1984. pour le journal info Algerieinfo, Presse d'Algérie, Presse dz Liens Externes Page Wikipedia sur Journal officiel d'Algérie Page Wikipedia sur l'Algérie Chaine Youtube du journal Journal officiel d'Algérie Page Facebook sur l'Algérie Votre avis facebook sur le Journal officiel d'Algérie et sur l'actualité! Si vous aimez le Journal officiel d'Algérie, merci de cliquer sur J'AIME! Donnez votre avic sur le Journal officiel d'Algérie, ce journal officiel de la république algérienne, et partagez le contenu de la page avec vos amis Facebook. “Le journal info votre site de la presse algérienne, original depuis 2013!
tivevoulue par le Secrétariat général de la Défense et la Sécurité nationale (SGDSN) a cherché à l’imposer. En effet, bien qu’Emmanuel Macron avait demandé, en rendant visite à Josette Audin en septembre2018, l’ouverture des archives sur tous les disparus de la guerre d’Algérie, ce n’est pas ce qui s’est produit. Les
AbstractInventaire d'une série d'archives Série H H. La série H H contient les régistres des services de correspondance du Service central des Affaires musulmanes. On peut y saisir le cheminement de la politique, - des politiques 'arabes'-, de la France en Algérie, pour les années 1850-1850 environ. Index.
Ilsdevront s’engager sur l’honneur à n’exercer en France aucune activité professionnelle soumise à autorisation. Les conditions de délivrance de ce titre de séjour sont prévues à l’ article L. 313-6 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et l’article 7 a) de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.
De 1954 à 1962, ce sont près de huit ans d’une guerre terrible qui secouent l’Algérie. Appelée guerre d’Algérie » ou guerre d’indépendance algérienne » selon les terminologies officielles des gouvernements français et algérien, elle renvoie à des années d’une violence terrible marquées par la torture, les massacres et les attentats perpétrés par les partisans des deux camps. Nonobstant, cette guerre d’indépendance se révèle rapidement comme une guerre des idées partagée entre une presse et une littérature engagées. C’est à travers des points de vues journalistiques et littéraires que nous tâcherons d’appréhender ce conflit majeur de la deuxième moitié du XXe siècle. Dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954 éclatent une série d’attentats sur le sol algérien. Ils sont revendiqués par une nouvelle organisation, le Front de Libération nationale FLN qui combat pour l’indépendance de l’Algérie. Le lendemain, le quotidien algérois Journal d’Alger, crée en 1946, consacre une partie de sa une pour évoquer ces événements. Dans une allocution radiophonique, François Mitterrand alors ministre de l’Intérieur, déclare le 7 novembre 1954 L’Algérie, c’est la France et la France ne reconnaîtra pas chez elle d’autre autorité que la sienne. » En 1954, que ce soit le gouvernement français, la presse ou les intellectuels français, personne ne conçoit la possibilité d’une indépendance pour ce territoire colonisé sous la Monarchie de Juillet depuis les années 1830. L’Algérie est alors constituée de trois départements faisant partie intégrante de la France. En 1954, personne ne se rend compte de l’ampleur de ce qui vient de commencer. Il est intéressant d’étudier dans quelle mesure, le temps du conflit algérien, l’engagement de la presse et de la littérature est changeant. Il peut représenter le reflet de la politique gouvernementale française ou celui d’un mal-être grandissant dans la population face à cette guerre qui ne dit pas son nom. Enfin, cela peut aussi être le reflet de l’injustice dénoncée par les intellectuels français. 1954-1956 la minimisation du conflit algérien par la presse Dans les années 1950, lorsque qu’éclate la guerre d’Algérie, la presse est le moyen d’information principal devant la radio et la télévision. Celle-ci a été particulièrement fructueuse durant le second conflit mondial et sa place reste incontestée. On distingue dans la presse écrite, la presse d’information ou d’opinion parmi lesquels de grands quotidiens comme France-Soir, Le Parisien libéré, L’Aurore ou encore Le Monde, mais aussi les journaux reliés aux partis politiques comme L’Humanité, qui connaît cependant un fort déclin après la Seconde Guerre mondiale. Enfin, on retrouve les hebdomadaires, qui commencent à se tailler la grosse part du marché et vont contribuer à garder le débat sur le conflit algérien toujours vivace. Parmi eux, à la gauche de l’échiquier politique, on retrouve France Observateur, L’Express ou encore Témoignage chrétien, et à l’extrême-droite, Carrefour et Rivarol. Aux prémices des évènements qui ébranlent l’Algérie, le sujet est loin de faire la une des journaux français. Pour beaucoup de Français métropolitains, les nouvelles d’Algérie ne sont pas pertinentes. Aussi, ce n’est pas la première fois que des revendications politiques secouent ce territoire depuis sa colonisation. D’abord, la presse ne sait pas réellement comment couvrir un conflit qui ne dit pas son nom. On parle alors d’événements » face à un gouvernement français qui ne veut pas se reconnaître en guerre. Pour l’historien Benjamin Stora, Nommer la guerre, ce serait reconnaître une existence séparée de l’Algérie, ce serait admettre une autre histoire ». » Car finalement à cette époque, autant pour le gouvernement français que pour l’opinion publique, les troubles en Algérie ne sont pas faits pour durer et l’idée d’une indépendance est impensable pour tous les partis politiques en place. Le constat est clair l’Algérie est française et restera française et les événements qui secouent l’Algérie ne sont que l’œuvre d’une bande de rebelles. Cela se traduit alors par une faible place laissée aux actualités s’y déroulant dans les journaux métropolitains. L’historien Michel Winock constate qu’il y a alors peu de voix discordantes ». L’ordre du jour étant de rassurer la population sur ce conflit qui n’est pas fait pour durer. À partir de 1955, la donne change lorsque l’Assemblée des Nations Unies inscrit le problème algérien à l’ordre du jour de sa session ordinaire. Cela marque l’internationalisation du conflit. L’Algérie s’immisce au cœur des débats politiques et ainsi de la presse d’opinion et d’information. Le conflit algérien s’enlise. Sous le gouvernement Edgar Faure est adoptée la loi du 3 avril 1955 créant l’état d’urgence. Ce dernier constitue un régime d’exception qui donne de plus grandes prérogatives de restriction des libertés aux autorités administratives. Il est établi sur le territoire algérien pour une durée de six mois. Cet état de faits montre que le conflit grandit de jour en jour malgré la volonté des journaux de minimiser la gravité de celui-ci de par les termes prudents employés comme pacification » ou encore maintien de l’ordre ». Finalement, comme le fait remarquer Michel Winock, l’hebdomadaire illustré Paris Match crée en 1949 est celui qui révèle à travers ses photos aux yeux de l’opinion publique que la France mène bien une guerre et pas seulement des opérations de maintien de l’ordre ». Ainsi, le discours officiel du gouvernement tient difficilement la route face aux images et aux nouvelles qui viennent d’Algérie. Albert Camus, écrivain et journaliste engagé pendant la guerre d’Algérie Suite aux élections du 2 janvier 1956, le président René Coty désigne le socialiste Guy Mollet pour former un gouvernement. Ce dernier décide l’envoi du contingent. Des jeunes hommes entre 18 et 22 ans sont ainsi appelés pour aller combattre en Algérie. Cette décision marque un tournant symbolique dans le conflit algérien puisque pour certains Français qui percevaient alors l’Algérie comme une terre lointaine pour laquelle ils n’avaient aucun attachement, voient leurs fils et frères partir et parfois y mourir. Albert Camus lisant le journal, Agence France-Presse. Pour d’autres, comme les Français d’Algérie, l’attachement à leur terre est viscéral. C’est le cas d’Albert Camus, né en 1913 à Bône actuelle Annaba en Algérie. L’écrivain, issu du quartier populaire de Belcourt à Alger, s’intéresse jeune aux injustices qui règnent en Algérie. À 22 ans, il s’engage au Parti communiste algérien pendant deux ans, de 1935 à 1937, sur les conseils de son professeur de philosophie, Jean Grenier. Après cette première expérience, il fait ses armes politiques dans le monde journalistique où il apprend à dénoncer, à combattre, à proposer et à apaiser. Il débute dans le journalisme en 1938 à Alger républicain, un quotidien algérois qui milite notamment pour des réformes du régime colonial et lutte contre le fascisme et l’hitlérisme. Dans les années 1930 en Algérie, la presse colonialiste, comme L’Écho d’Oran et Le Journal d’Alger, brille par ses silences complices. Journal indépendant, Alger républicain fait véritablement figure d’exception parmi la presse algérienne. Il y rédige en 1939 un célèbre reportage journalistique sur la Misère en Kabylie » où il dénonce les conditions de vie désastreuses du peuple kabyle accusant par là même le gouvernement qu’il juge responsable de cette situation. Plus tard, le 21 août 1944, après la Libération, Camus entre dans l’organe de presse du mouvement de résistance Combat où il devient rédacteur en chef. Il y écrit près de 165 articles éclairant l’actualité politique de son temps et notamment les réformes qu’il souhaite voir advenir en Algérie. Dans une série d’articles, il condamne les massacres de Sétif et de Guelma de mai 1945. Il est alors une des seules voix en France à s’indigner contre le régime colonial. Ainsi la guerre d’Algérie se révèle aussi comme une guerre des intellectuels. Et les milieux littéraires portent nombre de débats politiques, de Paris à Alger. Albert Camus s’engage donc dans le conflit algérien par la plume. Pour les intellectuels, la presse est perçue comme la tribune idéale pour exprimer ses opinions. Albert Camus l’a compris lorsqu’il s’engage dans le journal de Jean-Jacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud, L’Express. Il confie à Jean Daniel, collaborateur du journal … le journalisme m’est toujours apparu comme la forme la plus agréable pour moi de l’engagement, à la condition toutefois de tout dire. » La ligne éditoriale du journal se veut de centre-gauche, anti-gaulliste et surtout porte-parole du président du Conseil Pierre Mendès-France. Camus, qui souhaite soutenir le gouvernement Front républicain de Mendès-France aux élections législatives de janvier 1956, rédige trente-cinq éditoriaux évoquant principalement la tragédie algérienne. Il espère un dialogue et une solution pacifique en Algérie. Il engage son propos dans l’article L’Absente » du 15 octobre 1955 où il déplore que l’Algérie ne soit pas une priorité dans les débats au Parlement Mais qui pense au drame des rappelés, à la solitude des Français d’Algérie, à l’angoisse du peuple arabe? L’Algérie n’est pas la France, elle n’est même pas l’Algérie, elle est cette terre ignorée, perdue au loin, avec ses indigènes incompréhensibles, ses soldats gênants et ses Français exotiques, dans un brouillard de sang. » Au travers des pages du journal, l’écrivain dénonce inlassablement l’incapacité du gouvernement à mener et à comprendre cette guerre. Au fil de ses contestations, il développe l’idée d’une trêve civile, une occasion du moins une dernière chance d’apporter un dialogue entre les deux communautés, les Algériens musulmans et les Français d’Algérie, avant qu’un trop grand fossé ne se forme entre elles. Il préconise donc un arrêt des massacres de civils pour établir une discussion entre les protagonistes du conflit algérien. Cette fenêtre d’espoir aboutit le 22 janvier 1956 lorsque Camus lance à Alger son Appel à la Trêve civile entouré par les Libéraux » d’Algérie. Ils constituent une minorité d’Européens qui cherchent à apaiser le conflit et dénoncer les abus coloniaux. L’Appel est un échec puisque le gouvernement de Guy Mollet n’y donne pas suite. En 1956, les camps se forment entre les partisans de l’Algérie française, représentés par les journaux de droite et d’extrême-droite, et les partisans d’une possible indépendance algérienne, incarnée en France par les hebdomadaires de gauche à l’instar de L’Express ou France Observateur et les revues politico-littéraires comme Les Temps modernes fondée en 1945 par Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. Albert Camus lui, homme de gauche, se place hors de l’échiquier politique traditionnel ne prônant ni l’indépendance algérienne qu’il pense inconcevable, ni le maintien d’une Algérie française injuste et inégalitaire. Albert Camus détonne par son positionnement singulier, atypique, qui n’est pas l’illustration d’un manichéisme prédominant dans le contexte de la Guerre froide. L’écrivain choisit alors de se résoudre au silence », ce qui est très mal reçu dans la sphère intellectuelle française de l’époque à l’heure de l’intellectuel engagé » prôné par Jean-Paul Sartre. L’exemple d’Albert Camus est intéressant dans la mesure où il montre l’engagement journalistique et littéraire d’un intellectuel pour une cause qu’il défend. Bien que l’écrivain a un discours en marge, qui n’est pas mis en relation avec le discours dominant porté par les intellectuels de gauche sartrienne », il est une de ces voix discordantes pendant la guerre d’Algérie. 1956-1958 l’Algérie, au cœur du débat public En 1956, autant la télévision, la radio, toutes deux contrôlées par l’État, que la grande presse continuent à relayer l’idée d’une armée de pacification » qui ne fait pas la guerre. Nonobstant, l’opinion métropolitaine n’est plus dupe en voyant ses fils mourir au combat. Elle prend réellement conscience du drame algérien. La presse rattachée au pouvoir se couvre d’un voile invisible quant aux événements en Algérie. Paris Match arrête de montrer des photos de morts ou de blessés. La guerre n’est plus visible dans l’espace public métropolitain. Le gouvernement contrôle les médias en cherchant toujours à rassurer et à persuader l’opinion française de l’efficacité et la force de son armée. Pendant ce temps, la réalité du conflit algérien est incarnée par la prolongation de la durée de service des appelés mais aussi le renforcement des effectifs. Le 12 mars 1956 est votée la loi sur les pouvoirs spéciaux, ce qui donne au gouvernement Mollet de plus larges prérogatives, notamment dans les domaines juridiques, économiques et administratifs. Concrètement, cela se traduit par l’attribution aux militaires de pouvoirs de police, la législation des camps d’internement et la création d’une procédure de justice où un individu peut être traduit sans instruction. Ces nouvelles mesures marquent un point de non-retour. À ce moment du conflit, et malgré la propagande officielle voulue par le gouvernement à travers les médias, certaines voix commencent à s’élever pour protester. Ces contestations passent principalement par l’écrit, dans les journaux, les revues, les livres et les tracts, la télévision et la radio étant monopoles d’État. La presse dite de gauche s’éloigne du gouvernement socialiste au pouvoir qui assume la guerre. Le Parti communiste français qui alors cherchait à faire un front unique » avec le gouvernement, s’éloigne aussi de leur politique et cela s’en ressent dans les journaux affiliés comme L’Humanité. Cette opposition à la guerre d’Algérie s’incarne surtout à travers quatre hebdomadaires de gauche non-communiste. Tout d’abord l’hebdomadaire politique L’Express, fondé en 1953, qui compte parmi ses collaborateurs de grandes plumes comme François Mauriac, André Malraux ou encore Jean-Paul Sartre. À partir de 1956, il s’écarte de la politique socialiste de Guy Mollet et penche en faveur de l’indépendance algérienne. Plus à gauche que L’Express, France Observateur, né en 1950, est le premier hebdomadaire à parler de guerre d’Algérie ». Sur une ligne plus modérée, on retrouve Témoignage chrétien, hebdomadaire catholique de gauche crée en 1941 pendant l’Occupation. Enfin, de par son audience considérable en France comme à l’étranger, Le Monde, se distingue par un ton plus mesuré mais tout aussi engagé. Il dépasse les 200 000 exemplaires vendus en 1957. Il devient rapidement la cible des gouvernements successifs de la IVe République dans la mesure où il touche une audience plus élitiste et étendue que les autres journaux. De surcroît, d’autres titres s’engagent dans la contestation de cette guerre comme l’hebdomadaire satirique Le Canard Enchaîné ou encore La Croix, qui voient leurs ventes augmenter pendant ces années de guerre. Parmi les grands combats de ces journaux un fait figure d’exemple la question de la torture. Une ordonnance de Robert Lacoste, ministre résident et gouverneur général de l’Algérie, en date du 7 janvier 1957 confie au général Massu les pleins pouvoirs de police afin d’enrayer le terrorisme dans la zone d’Alger. Cela permet à Massu de contrôler près de 800 000 habitants avec ses 6 000 parachutistes. Afin de parvenir à l’extorsion de renseignements chez les suspects, ses hommes recourent à plusieurs méthodes dont la torture. Dès 1955, la question de l’utilisation de la torture par l’armée française se fait connaître du grand public notamment à travers l’article fondateur de François Mauriac dans L’Express daté du 15 janvier 1955. Dans La Question », il rapporte un témoignage sous la forme d’un dialogue. Il se prend à répondre à la question suivante La torture peut-elle être considérée comme un mal nécessaire à la lutte contre le terrorisme ? À la suite de ce premier article, les témoignages vont se succéder dans les années suivantes. La question de la torture émeut l’opinion française et internationale. En mars 1957, le général Jacques Pâris de Bollardière demande à être relevé de son commandement ne cautionnant pas l’usage de la torture. Comme lui, certains vont jusqu’à oser aller à l’encontre des devoirs du soldat. Ce général représente l’archétype du refus. Selon l’historien Jean-Charles Jauffret, c’est sa conscience d’officier chrétien mais aussi d’ancien de la France libre qui l’empêche de tolérer tout emploi de la torture. Le journal L’Express publie le 27 mars une lettre du général à Jean-Jacques Servan-Schreiber, alors inculpé d’atteinte au moral de l’armée à cause de certains articles dénonciateurs Je pense qu’il était hautement souhaitable … que vous fassiez votre métier de journaliste en soulignant à l’opinion publique les aspects dramatiques de la guerre révolutionnaire à laquelle nous faisions face, et l’effroyable danger qu’il y aurait pour nous à perdre de vue, sous le prétexte fallacieux de l’efficacité immédiate, les valeurs morales qui seules ont fait jusqu’à maintenant la grandeur de notre civilisation et de notre armée. » La levée du voile sur la torture ouvre la voie à nombre de témoignages. Ils se multiplient dans la presse en 1957. Face à cette déferlante d’articles à propos de la torture qui sont autant d’actes d’engagement dans le conflit algérien, le gouvernement fait le choix de saisir ces journaux. En effet, l’état français ne se reconnaît pas officiellement en guerre et ne peut donc user de la censure, sauf dans le cas de l’état d’urgence. Avouer que la France était en guerre contre l’Algérie aurait été reconnaître un conflit entre deux peuples. Ainsi, le pouvoir utilisait la saisie des journaux pour empêcher que certains articles ou dossiers ne soient publiés. La technique de saisies des journaux se révèle peu efficace et donne même l’effet contraire. Michel Winock nous dit que les deux objectifs des saisies sont à la fois d’intimider les journalistes mais aussi d’atteindre les finances du journal. Dans le cas de la guerre du pouvoir contre l’hebdomadaire L’Express, les saisies offrent même une plus grande visibilité au journal. Le journal La Croix, en Algérie, a été saisi 40 fois de 1957 à 1960. Les journaux qui osent parler de la torture sont ainsi systématiquement saisis. Côté littérature, nous pourrions citer le pamphlet de l’écrivain et critique littéraire Pierre-Henri Simon, Contre la torture, publié au Seuil en 1957, qui lui vaut des poursuites par le gouvernement français. Cependant, il est un témoignage qui marque particulièrement les consciences, celui d’Henri Alleg. Ce Français d’Algérie alors membre du Parti communiste français fait publier aux éditions de Minuit, La Question, en 1958. Dans ce livre autobiographique, il raconte sa séquestration à El-Biar par la 10e division parachutiste et la torture qu’il y subit. À partir de son propre témoignage, il ouvre son propos sur la dénonciation de la torture des civils pendant la guerre d’Algérie. Dès sa publication, l’ouvrage est immédiatement censuré. L’éditeur Nils Andersson le réédite en Suisse. Ce livre a un grand impact puisqu’il contribue à révéler le phénomène de la torture et surtout à montrer qu’elle ne touche pas que les rebelles algériens, mais aussi des civils français. Affiche annonçant la sortie du livre La Question d’Henri Alleg en 1958. Keystone-France. En plus des témoignages sur la torture qui sont les sources premières pour dénoncer ce phénomène, d’autres intellectuels s’attèlent à la dénoncer par l’intermédiaire de travaux universitaires. Pierre Vidal-Naquet réalise tout un travail d’historien à partir de 1957 pour défendre la thèse de l’assassinat du militant communiste Maurice Audin par l’armée française en Algérie. La thèse officielle maintient alors que Maurice Audin a disparu suite à une évasion. Ce travail historique réalisé à l’initiative du comité Audin, permet de rendre justice et surtout de faire la lumière sur cette affaire. La question de la torture constitue l’un des principaux combats des intellectuels. L’existence de ce phénomène et d’autres exactions commises par l’armée française contribuent à renforcer la position de beaucoup d’intellectuels en faveur d’une indépendance algérienne. Notons toutefois que la méthode de la torture a aussi été utilisée par l’ALN/FLN et qu’elle n’est pas l’apanage de l’armée française. Les intellectuels Colette et Francis Jeanson affirment leur position en faveur des combattants algériens dès 1955 dans L’Algérie hors la loi. Et même à droite de l’échiquier politique, Raymond Aron argumente en 1957 dans son livre La Tragédie algérienne sur le caractère inévitable de cette indépendance. 1958-1962 l’acmé de l’engagement du monde journalistique et littéraire dans la guerre d’Algérie Le retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958 amorce un changement fondamental dans le conflit algérien. C’est en partie la presse qui a contribué à son retour. L’Express à travers la plume de François Mauriac et Hubert Beuve-Méry dans Le Monde soutiennent le retour de De Gaulle au pouvoir. Charles de Gaulle revient à la tête de l’État en tant que dernier Président du Conseil de la IVe République. L’avènement d’une nouvelle constitution et d’une nouvelle République favorisent une refonte des médias. La radio et la télévision deviennent les instruments de la nouvelle politique gaullienne au détriment de la presse. Michel Winock défend dans son article l’idée que les médias audiovisuels ont épousé l’évolution de sa politique. La propagande médiatique soutient dorénavant l’évolution du statut de l’Algérie au détriment de la revendication du maintien de la France sur le territoire algérien. Le 16 septembre 1958, le Président donne une allocution radiotélévisée dans laquelle il soumet l’idée d’un droit des Algériens à l’autodétermination » remettant totalement en cause son discours du 4 septembre 1958. Il propose ainsi trois options la sécession, la francisation ou l’association. Les partisans d’une Algérie française qui pensaient que De Gaulle était de leur côté, se sentent trahis. Ce discours annonce un tournant majeur dans la politique gaullienne. Dans ce contexte, la presse se divise. D’un côté, on retrouve les journaux pro-Algérie française comme l’Aurore et le Parisien libéré mais aussi les hebdomadaires d’extrême-droite comme Aspects de la France, L’Homme nouveau et Rivarol. De l’autre, Le Figaro, France-Soir ou Paris Match suivent la politique du gouvernement et l’idée d’une Algérie algérienne. Enfin, la presse d’opposition de gauche se maintient dans son soutien à l’indépendance de l’Algérie et se caractérise de plus en plus fortement par un antigaullisme marqué. Les intellectuels français réaffirment aussi leur soutien à la cause indépendantiste algérienne comme Francis Jeanson dans Notre guerre en 1960. L’ouvrage est publié aux éditions de Minuit, qui rappellent dans un avant-propos Vivant sous un régime qui se prévaut de respecter les libertés essentielles des Français, nous sommes heureux d’aider ici un de nos compatriotes à user de la première d’entre elles, la liberté d’expression. » À cette même période, la presse acquiert une nouvelle indépendance grâce à la loi du 10 janvier 1957 qui établit un statut particulier de l’Agence France-Presse. Dans son conseil d’administration, le gouvernement est mis en minorité ce qui lui permet d’avoir une plus grande liberté. Ceci contraste avec la télévision et la radio qui restent des instruments de la politique gouvernementale. Nonobstant, dans l’enquête La République du silence » dans Le Monde du 28 avril au 2 mai 1960, Pierre Viansson-Ponté écrit que la dégradation des libertés publiques se poursuit insensiblement et menace la liberté de la presse ». En effet, au début des années 60, la liberté de la presse reste menacée. Nombre de journaux sont alors interdits en Algérie. De 1960 à 1962, la guerre d’Algérie s’intensifie et entre dans sa phase finale. Le 19 janvier 1960, le général Massu est limogé et muté en métropole. Suite à cela, des activistes menés par Pierre Lagaillarde, avocat et député d’Alger, manifestent dans les rues d’Alger. Le premier jour, des affrontements entre les gendarmes et les activistes mènent à la mort d’une vingtaine de personnes et de plus d’une centaine de blessés. Du 24 janvier au 1er février, le quartier des Facultés à Alger est érigé en barricades. La perspective de l’autodétermination pousse les Français d’Algérie à manifester en faveur d’une Algérie française. Au début mars 1960, le général de Gaulle renouvelle les négociations avec les indépendantistes algériens. Des négociations s’ouvrent ensuite à Melun en juin 1960 entre les membres du GPRA Gouvernement provisoire de la République algérienne et le gouvernement français. Elles n’aboutissent pas. Des manifestations éclatent dans plusieurs villes d’Algérie en décembre 1960 en faveur de l’indépendance algérienne. En soutien au FLN et au GPRA, elles sont particulièrement présentes dans les quartiers populaires d’Alger, démontrant que le sentiment nationaliste reste fort parmi la population algérienne. Le 8 janvier 1961, les Français approuvent par référendum l’autodétermination du peuple algérien à 75 %. C’est une occasion pour De Gaulle d’affirmer sa légitimité en tant que chef de l’État. Dans ce contexte, Pierre Lagaillarde fuit à Madrid et fonde l’OAS Organisation de l’Armée Secrète le 11 février 1961 aux côtés de Jean-Jacques Susini, le général Raoul Salan et Joseph Ortiz. Cette organisation prône le maintien de l’Algérie dans le giron français au travers d’actes terroristes. Cette organisation s’attaque notamment aux journaux en organisant une série de plastiquages contre les immeubles des publications. Le Figaro en est la cible le 25 février 1962, soutenant l’indépendance de l’Algérie et se mettant ainsi à dos une partie de son lectorat. Par là même, la presse d’opposition devient celle qui défend l’Algérie française et justifie les actions de l’OAS. En réaction à la politique du général, les généraux Challe, Jouhaud, Salan et Zeller tentent de s’emparer du pouvoir par un putsch à Alger dans la nuit du 21 au 22 avril 1961. À la suite de cela, le Président de la République réinstitue l’état d’urgence par l’article 16 de la Constitution. Dans un dernier sursaut, la guerre s’étend jusqu’à la métropole. Compte tenu de l’escalade des attentats perpétrés par le FLN, un couvre-feu est instauré à Paris et en région parisienne pour les travailleurs algériens de 20h30 à 5h30 du matin par le préfet de police Maurice Papon. Le 17 octobre 1961, des dizaines de milliers de travailleurs algériens musulmans manifestent pacifiquement contre ce couvre-feu. La manifestation est organisée par la Fédération de France du FLN. Le convoi de manifestants se déplace dans les rues parisiennes. À un moment donné, la police ouvre le feu sous ordre du préfet de Paris. La répression est violente. Certains manifestants sont jetés dans la Seine. On dénombre une dizaine de morts. La presse de droite reste silencieuse sur ces actes. En réalité, peu de journaux ont le courage de dénoncer les violences policières. La réalité est minimisée voire occultée par la grande presse. La presse de gauche, elle, dénonce les violences policières mais n’évoque que peu les victimes. Seule L’Humanité du 18 octobre 1961 dénonce les faits tout en rappelant que le journal ne peut tout dire à cause de la censure gaulliste. En Algérie, les barbouzes », des brigades pour contrer les attentats de l’OAS qui terrorisent l’Algérie, sont mises en place. Une manifestation est organisée le 8 février 1962 en métropole contre les exactions de l’OAS. La répression policière fait 8 morts au métro Charonne. Finalement, à partir du 7 mars s’ouvrent les négociations d’Évian qui aboutissent à la signature des accords le 18 mars 1962. Les accords d’Évian établissent un accord de cessez-le-feu le 19 mars à 12h et organisent un programme commun qui sera soumis à référendum. Dans les faits, les combats continuent. Le quartier de Bab-el-Oued, bastion de l’OAS, est le théâtre d’affrontements avec l’armée. Le 26 mars 1962, 80 manifestants favorables à l’Algérie française trouvent la mort lors de la fusillade de la rue d’Isly. Les accords sont approuvés par référendum à 90 % des voix en métropole le 8 avril et à 99 % en Algérie le 1er juillet. Le 3 juillet 1962, le général de Gaulle reconnaît l’indépendance de l’Algérie. L’indépendance est proclamée le 5 juillet 1962, après huit ans d’un conflit meurtrier et sanglant. L’expression de la presse et de la littérature dans la guerre d’Algérie est très contrastée. D’un côté, la volonté de contrôle des médias par le pouvoir affaiblit la liberté de la presse. Les journaux et livres d’opposition sont saisis et censurés. Les derniers gouvernements de la IVe République abusent des saisies et ce phénomène se répète dans les prémices de la nouvelle République. D’un autre côté, les guerres sont des moments d’engagements politiques importants et la guerre d’Algérie a favorisé l’écriture d’articles dénonciateurs, la publication de livres accusateurs ou encore le développement d’une presse clandestine comme le journal Vérité-Liberté crée en 1960. Une dissonance subsiste entre la constante menace de la liberté d’expression et l’essor d’une presse et d’une littérature plus engagées. La guerre d’Algérie est ainsi aussi une guerre des idées. Le rôle des intellectuels s’y dessine. Ils sont à la fois journalistes et écrivains. Pour s’exprimer au mieux dans le débat public, ils recourent autant à la presse qu’à la littérature, favorisant par là même leur renaissance. Si vous avez aimé cet article, nous vous conseillons également4SChD.