Denombreux verbes français nécessitent une certaine préposition pour que leur sens soit complet. Certains verbes sont suivis de prépositions "à" ou "de" et d'autres d'aucune préposition. Il n'y a pas de règle de grammaire apparente à laquelle les verbes nécessitent une préposition et qui n'en ont pas, c'est donc une bonne idée de mémoriser ceux qui ont une préposition attachée.
Verbe ne pas avoir confiance en quelque chose CodyCross Tout comme vous, nous aimons jouer au jeu CodyCross. On peut bien sûr toujours se confier avec honnêteté auprès d’un autre collègue, mais les commères salissent la vie privée et violent la confidentialité. Le manque de confiance en soi est un obstacle majeur à une vie épanouie, vibrante et entreprenante. Les1Au sens strict du terme, la confiance renvoie à l’idée qu’on peut se fier à quelqu’un ou à quelque chose. Le verbe confier du latin confidere cum, avec » et fidere fier » signifie, en effet, qu’on remet quelque chose de précieux à quelqu’un, en se fiant à lui et en s’abandonnant ainsi à sa bienveillance et à sa bonne foi. L’étymologie du mot montre par ailleurs les liens étroits qui existent entre la confiance, la foi, la fidélité, la confidence, le crédit et la croyance. Depuis la Modernité pourtant – et la fin du modèle théologico-politique qui pensait la confiance en termes de foi en Dieu –, nombreux sont ceux qui préfèrent concevoir la confiance comme un mécanisme de réduction des risques, ou encore comme le fruit d’un calcul rationnel, en laissant de côté ce qui nous paraît être une composante essentielle de notre confiance le fait qu’elle place d’emblée celui qui fait confiance dans un état de vulnérabilité et de dépendance. Il ne s’agit pas de croire que la confiance doive être absolue et aveugle, ou que les autres soient toujours fiables et dignes de confiance. Mais il ne s’agit pas non plus de penser que la seule confiance digne de ce nom soit ce qu’aujourd’hui on appelle couramment la self-estime », une forme d’assurance qui permettrait à ceux qui en sont pourvus de ne dépendre de personne. Certes, sans confiance en soi, rien n’est possible. Ce n’est qu’ensuite qu’on peut aussi s’ouvrir aux autres, construire un espace de partage, bâtir avec autrui un projet commun. Pourtant, la confiance en soi relève aussi de la capacité à créer des liens. Pour cela, il faut pouvoir aussi croire aux autres, leur faire confiance et accepter le risque de la dépendance. C’est pourquoi la confiance – nous allons chercher à le montrer – n’est jamais neutre ». Elle est à la fois fondamentale et dangereuse. Elle est fondamentale car, sans confiance, il serait difficile d’envisager l’existence même des relations humaines – des rapports de travail jusqu’à l’amitié ou bien l’amour. Sans confiance, on ne pourrait même pas envisager l’avenir et chercher à bâtir un projet qui se développe dans le temps. Comme l’expliquent un bon nombre de travaux en sciences sociales, c’est la confiance qui rend possible le développement de la socialité [1] et le fonctionnement de la démocratie [2]. Mais la confiance est aussi dangereuse, car elle implique toujours le risque que le dépositaire de notre confiance ne soit pas à la hauteur de nos attentes ou, pire encore, qu’il trahisse délibérément la confiance que nous lui faisons. Lorsque nous faisons confiance à quelqu’un, il nous arrive de croire en lui, sans savoir exactement pourquoi, ou du moins sans pouvoir expliquer les raisons exactes de notre confiance. Mais comment expliquer ce saut » dans le vide ? N’y a-t-il pas là le risque de glisser dangereusement de la confiance à la crédulité ?Confiance et coopération2D’un certain point de vue, les êtres humains aspirent tous à vivre dans un monde certain et stable, dans un univers où la confiance et la bonne foi déterminent la conduite de ceux qui les entourent ils souhaitent pouvoir compter sur les autres, prévoir leurs comportements et avoir des points de repère. Cela explique qu’ils aient progressivement décidé de régulariser et de formaliser un certain nombre de conduites et d’attitudes, ainsi que d’institutionnaliser les contrats. Conclure une alliance ou promettre quelque chose, en effet, est une manière de rendre prévisible et maîtrisable le futur, soit parce que l’on s’engage envers un tiers à faire quelque chose, soit parce que quelqu’un nous assure de sa parole. D’où l’importance de la confiance réciproque, la confiance étant, comme l’explique Georg Simmel, l’une des forces de synthèse les plus importantes au sein de la société [3] ». S’il n’y avait pas une confiance généralisée entre ses membres, en effet, la société pourrait se désintégrer. C’est ainsi que Hume, analysant la confiance que met en jeu une promesse acceptée ou un contrat, explique déjà qu’être loyal et honorer ses promesses représente une véritable obligation celui qui promet se lie à l’avance et s’engage à répondre de ses actions dans le futur ; en promettant, il accepte implicitement qu’on lui demande des comptes plus tard sur la manière dont il aura réalisé sa promesse ; il donne sa parole à quelqu’un d’autre et contracte, par là, une certaine obligation en autorisant autrui, par la suite, à exiger de lui des actions, des conduites, des prestations. En disant je promets », pour Hume, non seulement j’invite autrui à me faire confiance, mais je l’invite aussi à ruiner ma réputation si je manque à ce que j’ai promis Enquête sur les principes de la morale, III, III, 3. Manquer systématiquement à la parole donnée signifie d’ailleurs mettre en danger l’existence même de la société. Montaigne le dit bien Notre intelligence se conduisant par la seule voye de la parole, celuy qui la fauce, trahit la société publique. C’est le seul util par le moien duquel se communiquent nos volontés et nos pensées, c’est le truchement de notre âme s’il nous faut, nous ne nous tenons plus, nous ne nous entreconnoissons plus. S’il nous trompe, il rompt tout notre commerce et dissoult toutes les liaisons de notre police » Essais, II, 18. Mais peut-on réellement utiliser ce cadre conceptuel lorsqu’on s’interroge sur la nature et la place de la confiance à l’intérieur de relations affectives comme l’amitié et l’amour ? Peut-on réellement parler de règles de l’honneur et de la probité, ou encore d’honnêteté et d’intégrité lorsqu’on sait bien que les sentiments sont toujours soumis aux intermittences du cœur ?De nombreuses études contemporaines sur la confiance se focalisent sur la question de sa rationalité et cherchent ainsi à réduire la confiance à une forme de relation rationnelle entre agents moraux. C’est dans ce cadre que s’inscrivent notamment les travaux de Diego Gambetta et de Russel Hardin [4]. S’appuyant sur la théorie du choix rationnel – qui vise à expliquer la conduite humaine en analysant les motivations en termes d’intérêts personnels – ces auteurs considèrent que l’on ne fait confiance que lorsqu’on attend, en retour, une action avantageuse pour soi. Ce qui revient à dire que la confiance est le résultat d’un calcul rationnel qu’on peut faire à partir du moment où l’on arrive à réunir un certain nombre d’informations concernant le dépositaire éventuel de notre confiance, ainsi que les conséquences probables de notre acte de confiance. La confiance s’en trouve ainsi définie comme un certain niveau de probabilité subjective », ce qui devrait permettre à un individu de croire que l’autre accomplira ce qu’il attend de lui. Faire confiance à quelqu’un signifierait dès lors envisager la possibilité d’une coopération. Ce qui est d’autant plus crédible si l’on cherche à saisir les motivations qui peuvent pousser le destinataire de la confiance à se montrer digne » de la confiance reçue. Pour Hardin, en effet, il faut toujours prendre en compte l’intérêt qu’aurait le bénéficiaire de la confiance à s’en montrer digne. Ce qui amène le sociologue à proposer une théorie de la confiance fondée sur l’idée d’intérêts enchâssés encapsula- ted interests je fais confiance à quelqu’un si j’ai des raisons de croire qu’il sera dans l’intérêt de cette personne de se montrer digne de confiance, de manière appropriée et au moment opportun. Ma confiance repose alors sur le fait que mes propres intérêts sont enchâssés dans les intérêts de l’autre elle dépend du fait que le bénéficiaire de ma confiance conçoit mes intérêts comme étant partiellement les siens [5]. Pour Hardin, un enchâssement de ce genre peut se réaliser pour différentes raisons, en particulier afin de perpétuer la relation existante entre deux ou plusieurs partenaires, comme il arrive dans le cas d’une amitié ou d’une relation amoureuse, ou encore afin de préserver sa propre réputation dans les rapports à autrui. Mais si être digne de confiance est très important dans le cadre d’une amitié ou d’une relation amoureuse, et peut en partie expliquer la confiance qu’on reçoit, sommes-nous réellement sûrs que la confiance qui fonde des relations d’amours ou d’amitié se résume réellement à un simple enchâssement d’intérêt » ? N’y a-t-il pas toujours, dans le cas de l’amour ou de l’amitié, des éléments affectifs qui échappent au calcul risques-bénéfices, et plus généralement aux composantes cognitives de la confiance sur lesquelles insistent des auteurs comme Diego Gambetta et Russel Hardin ? N’y a-t-il pas une différence irréductible entre le fait de se fier à » ou de compter sur » – ce qu’en anglais on désigne par le terme de reliance – et la confiance trust ?Le saut » dans le vide3Le premier à avoir analysé de façon systématique la présence, dans la confiance, d’une composante autre que cognitive est le sociologue Georg Simmel. Pour lui, la confiance est sans aucun doute une forme de savoir sur un être humain », mais ce savoir englobe toujours une part d’ignorance Celui qui sait tout n’a pas besoin de faire confiance, celui qui ne sait rien ne peut raisonnablement même pas faire confiance [6]. » C’est pourquoi on ne peut comprendre la confiance sans imaginer l’existence d’un moment autre » qui accompagne le moment cognitif » On “croit” en une personne, sans que cette foi soit justifiée par les preuves que cette personne en est digne, et même, bien souvent, malgré la preuve du contraire [7]. » Simmel relie ainsi directement le concept de confiance à celui de foi, en soulignant le fait que souvent, dans les relations humaines, on a tendance à croire en quelqu’un » sans savoir exactement pourquoi, ou du moins sans pouvoir expliquer les raisons exactes de cette croyance. Il arrive pourtant que, sans en connaître les motifs, le moi s’abandonne en toute sécurité, sans résistance, à sa représentation d’un être se développant à partir de raisons invocables, qui cependant ne la constituent pas [8] ». Mais pourquoi le moi s’abandonnerait-il en toute sécurité, indépendamment des raisons objectives qui pourraient expliquer la confiance qu’on a en quelqu’un ? Lorsqu’on s’abandonne en toute sécurité n’y a-t-il pas le risque qu’on soit trahi ? Quels liens existent entre confiance et trahison ? 4De nombreuses difficultés inhérentes au concept de confiance dépendent du fait qu’il ne semble pas y avoir une coïncidence entre la confiance trust et le sentiment de pouvoir compter sur quelqu’un reliance, sur une personne dont les propriétés permettent objectivement de dire qu’il s’agit bien d’une personne fiable » reliable. Un individu peut en effet être considéré comme fiable à partir du moment où il possède un certain nombre de compétences techniques et morales. Un médecin, par exemple, est fiable à partir du moment où il semble maîtriser son métier il montre une compétence technique qui le rend capable d’un bon diagnostic ; il sait quel genre d’examens il doit prescrire à son patient ; il connaît les médicaments indiqués pour une infection particulière, etc. Il est aussi fiable lorsqu’il se montre à la hauteur des attentes de ses patients, en étant à leur écoute, en leur laissant la possibilité de se plaindre, en leur proposant des soins sans pour autant les leur imposer, etc. ce qu’on appelle des compétences morales. Est-ce que l’on peut pour autant réduire la confiance au simple constat de toutes ces compétences ? 5En réalité, rien n’est moins sûr. On peut compter sur » ce médecin sans pour autant lui faire véritablement confiance, c’est-à-dire sans être capable de s’abandonner à lui en toute sécurité. Quelqu’un de fiable et sur qui nous pouvons compter peut nous décevoir, notamment lorsqu’il ne remplit pas correctement son rôle et qu’il ne répond pas à nos attentes. Mais il ne peut pas nous trahir. Tout simplement parce que nous ne nous sommes pas rendus vulnérables face à lui. Et vice versa nous pouvons avoir confiance en quelqu’un et nous rendre vulnérables devant lui, en acceptant de dépendre de sa bienveillance, sans que rien ne justifie notre confiance en lui. Il peut toujours arriver que, en dépit de nombreux signes qui indiquent qu’une personne n’est pas tout à fait fiable, on continue à avoir confiance en elle. Il se peut, par exemple, qu’un ami nous ait déjà fait faux bon à plusieurs reprises ; peut-être, à chaque fois, s’est-on juré de ne jamais plus compter sur lui. Pourtant, il peut nous arriver d’oublier ses défaillances et de continuer à avoir confiance en lui ; nous n’arrêtons pas d’espérer que le bien que nous pouvons tirer de cette relation l’emporte sur la crainte du mal possible. 6Certes, il ne s’agit pas, ici, de nier tout lien entre la reliance le fait de compter sur quelqu’un de fiable et la confiance proprement dite trust. Souvent entre le sentiment de confiance, et donc la certitude qu’on a de pouvoir compter sur quelqu’un, et la confiance, il y a continuité. Ce qui amène le philosophe Simon Blackburn à parler de la reliance comme d’une sorte de base austère » de la confiance [9]. La fiabilité de quelqu’un, qu’on peut constater au fur et à mesure qu’on fréquente une personne et qu’on connaît ses qualités et ses compétences, peut alors nous amener progressivement à lui faire confiance. Surtout si l’on arrive à instaurer un vrai dialogue avec cette personne et à lui déclarer qu’on se fie à elle à partir du moment où nous déclarons à quelqu’un notre intention de compter sur lui, cette personne peut elle-même se sentir motivée par nos attentes et s’engager dans un processus au bout duquel la confiance réciproque peut enfin surgir. Pourtant, en dépit de tout, la confiance ne dépend pas directement de notre volonté d’avoir confiance elle n’est pas le fruit d’une connaissance objective ; elle ne se fonde pas sur des standards quantifiables. De même qu’elle ne peut être exigée, la confiance ne se décrète pas. On fait confiance ou non avec des degrés variés de conscience Quand je fais confiance à quelqu’un, je dépends de sa bonne volonté à mon égard, écrit Annette Baier. Je n’ai besoin ni de la reconnaître ni de croire que quelqu’un l’ait sollicitée ou reconnue, car il y a des choses comme la confiance inconsciente, la confiance non voulue, ou encore la confiance dont celui en qui on a confiance n’est pas conscient [10]. »Dans la confiance, il y a toujours une dimension inexplicable qui renvoie à la toute première expérience de confiance qu’on a eue avec ses parents lorsqu’on était enfant. La confiance est liée à la nature même de l’existence humaine, au fait que nous ne sommes jamais complètement indépendants des autres et autosuffisants, même lorsque nous avons la possibilité d’atteindre un certain degré d’autonomie morale. D’où l’importance de ne pas oublier le rôle de la confiance dans les relations entre les parents et les enfants, à un moment de la vie où les adultes reçoivent un appel de confiance absolue de la part de leurs enfants et doivent être capables, pour les rendre autonomes, de recevoir cette confiance sans la trahir. La confiance des enfants est totale, indépendamment de la fiabilité » des adultes. Ce qui explique non seulement leur vulnérabilité absolue, mais aussi la grande responsabilité des parents. Ce n’est que lorsqu’un enfant est reconnu dans ses besoins et accueilli au sein de la famille, qu’il peut commencer à grandir et à devenir autonome, tout en acceptant la fragilité à laquelle l’expose sa confiance. Comme l’explique Laurence Cornu, les marques de confiance faite instituent l’enfant comme “nouveau-venu” construisant son histoire. Elles constituent des moments qui font événements et avènement, où l’adulte prend le risque de retirer son aide le soutien, l’accompagnement, les roulettes du vélo, en s’étant assuré que “ça tient”, méfiance bien employée, et en assurant l’autre qu’il est capable de “se tenir” [11]. »C’est dans ce même cadre que s’inscrit aussi l’analyse de Lars Hertzberg, lorsqu’il explique la différence qui existe entre le fait de compter sur quelqu’un de fiable et la confiance qu’on fait ou qu’on donne à quelqu’un, indépendamment de ses compétences spécifiques, en s’appuyant sur l’expérience de l’apprentissage lorsqu’on fait confiance à son enseignant on n’exerce pas de jugement à son sujet ; celui qui apprend n’a en principe aucune preuve de la fiabilité ou de la non-fiabilité de son enseignant dans la matière en question [12] ». C’est d’ailleurs parce qu’il fait confiance à son enseignant sans connaître ses compétences qu’un élève peut facilement être trahi. La position qu’occupe l’enseignant vis-à-vis de ses élèves, de même que celle qu’occupent les parents face à leurs jeunes enfants, donne au bénéficiaire de la confiance un pouvoir considérable. En même temps, c’est parce que cette confiance inconditionnelle est là, que le rapport entre parents et enfants de même que celui entre les enseignants et leurs élèves peut aussi permettre aux acteurs plus vulnérables d’évoluer et de grandir, de découvrir le monde et de se découvrir eux-mêmes. C’est pourquoi ce genre de relations permet bien de comprendre les mécanismes de la confiance. Elle engendre des relations fortes où la dépendance et la fragilité se mêlent toujours à la possibilité d’une transformation du moi et à la découverte d’un autre rapport au monde [13]. Mais elle permet aussi d’établir un autre rapport au temps, notamment à l’avenir, en donnant la possibilité de croire que l’espace des possibles est toujours ouvert à la différence de la peur qui porte chacun à s’enfermer à l’intérieur d’un univers clos, où rien n’est plus possible, la confiance permet de sortir de la paralysie et de contourner les obstacles. Même si elle ne nous met pas à l’abri de la déception ou, pire encore, de la trahison – car le seul fait d’avoir confiance en quelqu’un implique que le bénéficiaire de notre confiance peut exercer un certain pouvoir sur nous –, la confiance s’oppose directement aux impasses de la peur-panique que connaissent aujourd’hui beaucoup de personnes. Le problème, en effet, est que les sociétés occidentales semblent aujourd’hui clivées entre, d’une part, une valorisation de la toute-puissance de la volonté et, d’autre part, une peur obsédante de tout ce qui échappe, ou semble échapper, au contrôle. D’un côté, on pense pouvoir tout maîtriser, au point de culpabiliser ceux qui échouent, le manque de contrôle étant l’indice d’une regrettable défaillance qu’il faut, tôt ou tard, corriger. De l’autre, on craint l’irruption de l’inattendu on a tellement peur du futur qu’on envisage toute sorte de comportements compulsifs destinés à neutraliser ce qu’on perçoit comme dangereux. Mais les comportements compulsifs visant à combattre la peur ne font souvent qu’engendrer une angoisse encore plus grande. Le mécanisme n’a alors de cesse de s’autoalimenter, dans une escalade progressive de la peur. Dans un tel contexte, la confiance peut intervenir pour casser ce cercle vicieux, en réintroduisant dans le monde la possibilité de l’espoir, en poussant chacun à parier de nouveau sur soi-même, sur les autres et, plus généralement, sur l’ et trahison7La confiance humaine contient en elle-même le germe de la trahison [14] » et se nourrit tout d’abord des faiblesses et des défaillances des uns et des autres. Avoir confiance en quelqu’un ne signifie pas pouvoir s’appuyer complètement sur cette personne ou attendre à tout moment son aide et son soutien. Avoir confiance, c’est admettre la possibilité du changement, de la trahison, du revirement. D’un certain point de vue, en effet, confiance et trahison sont intimement liées. Non seulement la confiance que je peux avoir en un autre n’exclut pas la possibilité que celui-ci me trahisse, mais c’est aussi justement parce que j’ai confiance en quelqu’un que je peux être trahi par celui-ci c’est le mari qui trompe sa femme ; c’est un proche qui trahit l’ami ; c’est le patriote qui trahit sa patrie. La trahison et l’infidélité interviennent toujours à l’intérieur d’un rapport qui se fonde sur la confiance. Certes, à chaque fois qu’elle a lieu, la trahison surprend et blesse, ne serait-ce que parce qu’elle surgit justement à l’intérieur d’un rapport de confiance. Et cela, indépendamment de la raison pour laquelle on fait confiance, ainsi que des qualités de celui en qui l’on a confiance. Mais confiance et trahison sont, chacune à sa façon, une manifestation d’humanité l’être humain a besoin de confiance, mais il n’échappe jamais durablement à ses faiblesses. 8Fonder les rapports humains sur la confiance ne signifie pas croire qu’on pourra un jour trouver quelqu’un d’incapable de nous décevoir, ni, non plus, qu’on sera capable de ne jamais décevoir. Il ne s’agit pas de se croire à l’abri de la trahison. En tant qu’êtres humains, il nous est impossible de ne pas désirer ou être désirés, séduire ou être séduits, duper ou être dupés, fuir ou abîmer les choses. Comme l’écrit Kant dans la Métaphysique des mœurs à propos de l’amitié, elle est la pleine confiance que s’accordent deux personnes qui s’ouvrent réciproquement l’une à l’autre de leurs jugements secrets et de leurs impressions » Doctrine de la vertu, I, II, 47. C’est pourquoi elle permet souvent de se révéler sans fausseté. En même temps, les hommes ont tous des faiblesses qu’ils doivent cacher même à leurs amis. Il ne peut y avoir de confiance complète qu’en matière d’intentions et de sentiments, mais la convenance nous commande de dissimuler certaines faiblesses [15] ». Même si le fait de faire confiance à une personne implique toujours une certaine forme de dépendance à l’égard des compétences et de la bonne volonté de cette personne, il existe une différence essentielle entre la confiance aveugle d’un enfant et la confiance que l’on apprend à avoir en l’autre lorsqu’on a la possibilité de devenir autonome. C’est une chose, en effet, de dépendre complètement de quelqu’un et de s’abandonner totalement à sa volonté et à sa bienveillance ; c’en est une autre d’accepter la vulnérabilité dans laquelle nous place le fait même d’avoir confiance en quelqu’un, tout en sachant que l’autre peut ne pas répondre à nos attentes, qu’il peut ne pas être là, qu’il peut aussi, parfois, abuser de notre toute la différence entre les enfants et les adultes, s’il y a eu la possibilité, pour l’enfant, d’apprendre à exister par et pour lui-même. Mais c’est aussi la différence qui existe entre une conception de la confiance bâtie uniquement à partir du modèle de la foi en Dieu et une conception de la confiance qui prend en compte le fait que les êtres humains ne sont pas totalement fiables. Avoir confiance, ce n’est pas jouir d’une assurance totale. A la différence de Dieu, l’homme est imprégné de finitude. Transposer le modèle d’alliance entre Dieu et son peuple aux relations humaines revient à tomber dans le piège de croire que l’homme peut, comme Dieu, être sans failles et sans limites. C’est confondre deux ordres de réalité, alors que la foi – c’est-à-dire la confiance absolue en un être totalement fiable – ne saurait avoir le même statut que la confiance en l’homme. Toute démarche humaine est une démarche de véracité » et non pas de vérité » Seul le Christ est tout entier dans la vérité, écrit Véronique Margron. Ainsi, dans la fidélité à nos affections, nos amours, il ne s’agit pas de ne pas changer, de demeurer figé dans une manière d’être, d’aimer. Car c’est alors la mort qui rôde. Le désir […] ce n’est jamais sans surprises. Espace ouvert confié à des intentions pour la fidélité, à des nouvelles manières de se signifier [16]. » A la différence de la foi, la confiance n’est jamais un pur don » elle est quelque chose que l’on construit, pour soi et pour l’autre ; quelque chose que l’on fait » et que, parfois, l’on défait ». C’est pourquoi, même pour un croyant, elle ne peut se concevoir sur le modèle de l’alliance entre Dieu et les hommes, sauf à s’entretenir dans l’illusion de vivre encore dans un Eden où l’on ne ferait qu’un avec Dieu au sein d’une confiance primordiale capable de nous offrir une protection contre notre propre ambivalence. La confiance entre les êtres humains surgit à partir du moment où l’on s’efforce d’habiter et de séjourner dans un lieu de transit, dans l’espace du va-et-vient de la rencontre. Certes, elle ne peut se développer que dans un monde intelligible, dans un réseau de significations fondatrices – l’expérience faite pendant l’enfance d’un point d’appui, de l’amour des parents. Mais elle ne peut survivre que lorsqu’on accepte que chaque personne ait ses zones d’ombre et ses faiblesses. La confiance naît du lien – les tout premiers liens, les liens avec les parents et les proches. Mais sa véritable force réside dans le fait que, même si elle demeure à jamais fragile, elle engendre toujours du lien. Notes [1] Voir notamment Niklas Luhmann, La Confiance. Un mécanisme de réduction de la complexité sociale, Economica [1973], 2006 et Antony Giddens, The Consequences of Modernity, Cambridge, Polity Press, 1990. [2] Cf. Piotr Sztompka, Trust. A Sociological Theory, Cambridge, Cambridge University Press, 1999 ; Philippe Pettit, Le Républicanisme, Gallimard, 2004. [3] Georg Simmel, Sociologie. Etude sur les formes de la socialisation, PUF, 1999. [4] Diego Gambetta, Trust. The Making and Breaking of Cooperative Relations, Oxford, Blackwell, 1988 ; Russel Hardin, Trust and Trustworthiness, New York, Russel Sage, 2002. [5] Russel Hardin, Communautés et réseaux de confiance », dans A. Ogien, L. Quéré éd., Les Moments de la confiance, Economica, 2006, p. 91. [6] Georg Simmel, Sociologie. Etude sur les formes de la socialisation, op. cit., p. 355. [7] Ibid., p. 356. [8] Georg Simmel, Philosophie de l’argent, PUF, 1987, p. 197. [9] Simon Blackburn, Trust, Cooperation and Human Psychology », dans V. Braithwaite, M. Levi ed., Trust and Gover-nance, Nex York, Russel Sage, 1998, p. 32. [10] Annette Baier, Trust and Anti-Trust », Ethics, 96, 2, 1986, p. ligne [11] Laurence Cornu, La confiance comme relation émancipatrice », dans A. Ogien, L. Quéré éd., Les Moments de la confiance, op. cit., p. 175. [12] Lars Hertzberg, On the Attitude of Trust », Inquiry, 31, 3, 1988, cité par L. Quéré, Confiance et engagement », dans A. Ogien, L. Quéré éd., Les Moments de la confiance, op. cit., p. 137. [13] C’est notamment le cas du rapport complexe entre le prince Mychkine et Nastasia Filippova dans le roman de Dostoïevski, L’Idiot. En dépit du comportement de Nastasia, qui n’hésite pas à l’humilier devant tout le monde, Mychkine fait confiance à cette femme au passé tumultueux et lui confesse son amour pour le Prince, Nastasia est différente de ce qu’elle croit être ; elle est sensible et morale. Bouleversée par l’attitude de Mychkine, la jeune femme commence à changer de comportement et arrive à honorer la confiance du Prince en redécouvrant sa véritable nature. Voir, pour une analyse du roman comme exemple du pouvoir subversif » de la confiance, l’ouvrage de Gloria Origgi, Qu’est-ce que la confiance ? Vrin, 2008. [14] James Hillman, La Trahison et autres essais, Payot, 2004, p. 16. [15] Emmanuel Kant, Leçons d’éthique 1775-1780, Livre de Poche, 1997, p. 347. [16] Véronique Margron, La Douceur inespérée, Bayard, 2004, p. 82. Ondit aussi faire confiance, accorder sa confiance à quelqu’un ou à quelque chose. Dans ce cas, c’est toujours la préposition à qui est de mise. Vous ne regretterez pas d’avoir fait confiance à cette technologie. COMMERCE =note de crédit credit =posséder to have, to have got Elle a 2 enfants. She has 2 children., she has got 2 children Elle a une belle maison. She has a lovely house., She has got a lovely house. Il a les yeux bleus. He has blue eyes., He has got blue eyes. Tu as de beaux cheveux. You have beautiful hair., You have got beautiful hair. Il a beaucoup d'amis. He has a lot of friends., He has got a lot of friends. =obtenir to get Où est-ce qu'on peut avoir un permis? Where can you get a licence? =trouver ici, vous avez la cuisine here we have the kitchen =éprouver [+sensation, sentiment] to have J'avais un pressentiment. I had a feeling. Il a des démangeaisons. He is itching. J'ai une petite douleur ici. I've got a slight pain here. J'ai un drôle de pressentiment. I have a funny feeling. qu'est-ce que tu as?, qu'as-tu? what's wrong?, what's the matter? → faim, peur, mal âge avoir 3 ans to be 3 years old, to be 3 J'avais 10 ans quand je l'ai rencontré. I was 10 when I met him. * =duper to do * on vous a eu! you've been done!, you've been had! on t'a bien eu! you've been had! autres locutions avoir à faire qch to have to do sth Vous n'avez qu'à lui demander. You only have to ask him. Tu n'as pas à me poser des questions. It's not for you to ask me questions. en avoir contre qn to have a grudge against sb en avoir assez to be fed up en avoir pour ..., J'en ai pour une demi-heure. It'll take me half an hour. On en a eu pour 100 euros. It cost us 100 euros. n'avoir que faire de qch to have no use for sth vb aux to have avoir mangé to have eaten avoir dormi to have slept J'ai déjà mangé. I've already eaten. Il a mangé des frites. He had some chips. Est-ce que tu as vu ce film? Have you seen this film? Hier je n'ai pas mangé. I didn't eat yesterday. Je lui ai parlé hier. I spoke to him yesterday. Il a neigé pendant la nuit. It snowed during the night. présence il y a + singulier there is + pluriel there are Il y a quelqu'un à la porte. There's somebody at the door. Il y a un bon film à la télé. There's a good film on TV. Il y a des chocolats sur la table. There are some chocolates on the table. Il y a beaucoup de monde. There are lots of people. il doit y avoir, Il doit y avoir une explication. There must be an explanation. qu'est-ce qu'il y a?, qu'y a-t-il? what's the matter?, what is it? Il n'y a qu'à ... We will just have to ... Il n'y a qu'à partir plus tôt. We'll just have to leave earlier. Il ne peut y en avoir qu'un. There can only be one. temporel il y a 10 ans 10 years ago il y a 10 ans que je le connais I've known him for 10 years il y a longtemps que je le connais I've known him for a long time Je l'ai rencontré il y a 2 ans. I met him 2 years ago. Il y a 10 ans qu'il est arrivé. It's 10 years since he arrived. avoir fiscal nm tax credit Traduction Dictionnaire Collins Français - Anglais Pour ajouter des entrées à votre liste de vocabulaire, vous devez rejoindre la communauté Reverso. C’est simple et rapide "avoir confiance en quelque" exemples et traductions en contexte Vous devez avoir confiance en quelque chose - votre intestin, le destin, la vie, votre karma, peu importe. You have to trust in something - your gut, destiny, life, karma, whatever. Une maladie permet à la personne de se rendre compte qu'elle doive avoir confiance en quelque chose - en son destin, en sa vie, au karma, peu importe. An illness allows the person to realize that they must trust in something - their gut, destiny, life, karma, whatever. Le troisième pas vers le développement de la foi est la confiance en l'invisible, avoir confiance en quelque chose qu'on ne voit pas. The third step towards the development of faith is trust in the unseen, to trust in something which one does not see. Mais comment peux tu avoir confiance en quelque chose que tu ne vois pas ? But how can you trust something you don't see? Les participants ont souvent dit qu'on devait se fier aux compteurs parce qu'il faut tous avoir confiance en quelque chose» ou qu'il s'agissait d'un acte de foi». It was often said that one had to trust meters because we all "have to trust something" or that it was "an act of faith." Avoir confiance en quelque chose que nous ne pouvons pas toucher n'a pas de sens logique. Trusting in something that we can't touch doesn't make logical sense.
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Publié le 25/05/2018 à 0700 Rue des Archives/Rue des Archives/BCA ORTHOGRAPHE - Faut-il écrire Il a confiance en une doctrine» ou il a confiance dans une doctrine» ? Les deux formules caracolent sur le papier. L'une d'elles est pourtant évitable. Laquelle ? Le Figaro revient sur leur bon usage. C'est une question d'amitié, d'affinité, de sympathie ou d'amour. Mais pas seulement. La confiance se construit au fur et à mesure du temps, des expériences, comme des erreurs. Y compris sur le papier. Faut-il écrire Il a confiance dans l'avenir» ou il a confiance en l'avenir»? Difficile de dire. Et les monticules de réponses contradictoires qui parsèment la Toile, ne sont pas pour nous aider. Alors que faire? Le Figaro revient grâce aux préceptes éclairants de l'Académie française sur le bon usage de la formulation.» LIRE AUSSI - Je vais à» ou chez» le boulanger ne faites plus la faute!Emprunté au latin classique confidentia, dérivé du verbe de confidere confier», le mot confiance» s'emploie depuis le XVe siècle dans le sens de foi en quelque chose, en quelqu'un». La définition semble anodine et pourtant... elle indique d'emblée au locuteur une distinction entre l'animé et l'inanimé. Une différence qui se retrouve encore aujourd'hui dans le bon usage de la formule avoir confiance».On emploiera la préposition en» lorsqu'elle précédera une personne, un animé. Exemple Avoir confiance en quelqu'un, avoir confiance en soi, avoir confiance en Dieu». Quand la règle ne sera possible on préférera alors employer la locution avoir confiance dans». Exemple J'ai confiance dans mes camarades».Dans le cas d'inanimés, les deux prépositions -en» et dans»- sont possibles. Toutefois, indiquent les sages, on préféra employer dans» devant un article défini et en» devant un article indéfini. Exemple J'ai confiance dans l'avenir» et ils ont confiance en un remède».Voilà de quoi donc maintenant affronter l'avenir en toute confiance!
CodycrossCirque Groupe 92 Grille 4 Verbe, ne pas avoir confiance en quelque chose Tissus colorés noués sur le maillot de bain Un accusé peut __ son innocence Surnom des unionistes dans la guerre de Sécession Baisse de valeur d'une monnaie Tout petits éléments qui constituent la matière Après une blessure, marcher de manière irrégulière 1Pendant les dix-neuf années au cours desquelles j’ai connu Jacques Anis je n’oublierai jamais tous ces lundis où nous déjeunions ensemble pour nous diriger ensuite vers les salles où il avait cours, nous avons surtout parlé de linguistique et de notre goût commun pour les langues et littératures anciennes et modernes nous possédions en commun, outre le français à toutes époques, le latin, le grec et l’anglais ; j’apprends en ce moment l’espagnol qu’il dominait bien. Nous discutions de nos recherches et je lui ai fait souvent part de mes angoisses à propos d’un préfixe commun à toutes les langues romanes, auxquelles on peut joindre l’anglais pour la moitié de son lexique, celle d’origine française, le préfixe Re-. Nombre de médiévistes, de linguistes modernes ont étudié cette forme, bizarre à plus d’un titre on s’imagine que cela veut dire simplement à nouveau, en arrière ce qui n’est déjà pas la même chose ; Rey note une valeur intensive d’achèvement ou une valeur affaiblie qui n’ajoute aucun sens supplémentaire à la base ; tous les médiévistes savent que cet élément peut signifier de son côté, à son tour. Jalenques, dans une très intéressante thèse de sémantique consacrée à ce préfixe, constate que les dérivés latins présentent souvent un sens opposé à celui du verbe simple. Or j’ai travaillé il y a quelques années dans un article des Mélanges pour Michel Arrivé, sur les mots de sens opposé et je m’étais promis d’y revenir Re- fait partie de ces éléments si renier le renégat, an anglais, renegade signifie assez logiquement dans tous les stades du français, refuser la croyance, la foi en Dieu, on peut s’étonner de constater qu’en ancien français recroire recreant, signifiant mécréant » existe toujours en anglais peut avoir un sens en commun avec le verbe précédent renier ; recroire veut dire refuser de croire en soi-même et avouer, après des efforts qui s’avèrent vains, être un vaincu et un lâche indigne d’être chrétien » nous connaissons tous encore recru fourbu de fatigue », participe passé de l’ancien recroire, qui marque l’état d’un animal ou d’un homme qui a été au-delà des limites où il se sentait capable de poursuivre un que penser du verbe remanoir, en ancien français, qui veut dire demeurer intact et bloqué sur ses assises, subsister fort diminué après une opération de soustraction » mais aussi disparaître », se volatiliser, dans le cas des gens dont le destin achève son cours sur le champ de bataille, ou dans le cas de combat, des paroles, des discussions qui ne vont pas plus loin et qui restent sans suite ? Et ce genre de phénomène existe aussi en français moderne si je résous soudre a disparu du français, mais notre préfixe », nous le verrons, continue à avoir une vie propre un problème, il n’y a plus de problème mais si le brouillard se résout en pluie, il y a quelque chose de plus consistant qu’avant ; Claudine Normand, une amie comme moi de Jacques Anis, a analysé les problèmes que posait le verbe regretter, dont nous dirons quelques mots, en dépit du fait que morphologiquement on ne puisse parler de préfixe. 1 Il faut évidemment signaler l’emploi qu’en fait Voltaire dans Candide ; le héros, excédé à la fin ... 2Je vais tâcher d’exposer les grandes lignes de ces difficiles recherches dont j’avais présenté les prémisses à notre ami à tous, Jacques Anis et de voir comment ce préfixe permet au sujet d’aller au fond des choses c’est un des sens de rursus en latin et de rester présent à l’arrière plan ; nous allons parcourir vingt siècles et quatre langues ou états de langue successifs le latin, l’ancien français, le français, l’anglais en notant son influence sur le français récent. Nous verrons que notre préfixe » permet à l’homme dans la langue, pour citer Benveniste, de regarder de haut le procès du verbe et d’agir sur lui et de le diriger, vers l’arrière, à nouveau, de le déplacer, de le faire rebondir, de l’échanger, de marquer une certaine intentionnalité qui peut aller jusqu’à la satisfaction complète ou à l’échec programmé, et c’est ce qui a été compris comme un sens intensif, de faire dupliquer le procès par un autre sujet, et si l’on va trop loin au fond des choses, de l’annihiler. Les objets, à travers ce préfixe », ne peuvent être manipulés qu’en renvoyant la qualité qui leur est propre, réfléchir pour ce qui brille comme une couleur, la lune, résonner pour un bruit, réverbérer pour la lumière. Re- me paraît se comporter comme un élément sémantique porteur d’une valeur aspectuelle et c’est un préfixe » que l’on retrouve aussi dans les noms d’action. Tous les chercheurs se sont demandé si n’importe quel verbe était susceptible de recevoir ce genre d’affixe et tous ont constaté qu’il était bien difficile de répondre je ne suis sûre que d’une seule chose, il doit être rare de préfixer ainsi un verbe dont le sens s’oppose à une quelconque implication du sujet dans le procès comme dans le cas de mourir, périr, faillir, s’opposant à tuer1…On peut en revanche renaître. 3Nous devons évidemment justifier formellement la catégorie préfixe » que nous utilisons ; il se présente sous trois variantes bien connues Re/Ré/R, Re- devant consonne et Ré devant voyelle dans les créations récentes on a réaffirmer à une époque qui n’est plus celle de ravoir, ce qui implique que le préfixe tient à manifester son existence en tant que tel ; mais peut-on parler de préfixe lorsque la base a disparu du français ou n’a seulement jamais existé de façon indépendante comme dans le cas de regretter les chercheurs hésitent entre une base germanique ou une base latine ? Si nous n’avons aucun doute dans le cas de ré-sonner la forme sonner existe avec un sens proche et la sonorisation du -s - intervocalique n’est pas un problème, nous restons déjà perplexe devant le verbe ré-fléchir car la base » n’a qu’un sens éloigné de celui du verbe non préfixé. Je voudrais néanmoins souligner que Re- bénéficie d’une certaine indépendance en ancien français où il se comporte comme une particule séparée de la base aux temps composés il refait, il ra fait ; l’élément très pose aussi des problèmes de classement, c’était d’abord un préfixe Balzac écrit encore trèsbelle avant de devenir un adverbe à emploi très contraint et le classement de ces éléments mériterait une nouvelle étude approfondie que nous laisserons pour une étude ultérieure. Constatons, avant de passer à l’étude purement sémantique de cette sorte de particule élémentaire, que Re- semble doué d’une vie propre, que les verbes précédés de cet élément continuent à changer de sens comme les verbes préfixés la langue échappe aux catégories créées par la linguistique. 4Nous ne verrons pas les sens bien étudiés de en arrière, à nouveau et nous allons donc, en souvenir de Jacques qui a rejoint Michel Galmiche au pays de la linguistique fantastique, entamer un voyage dans l’espace et le temps en remontant d’abord deux mille ans en arrière. Nous suivrons le chemin ouvert par les chercheures en diachronie comme Christiane Marchello-Nizia et Michèle Perret, infiniment plus spécialistes que moi de ces interactions dans la langue. Nous nous contenterons de chercher de façon empirique et forcément très incomplète si l’on peut trouver des régularités et une continuité ou une rupture dans certains effets de notre préfixe ». Avant d’étudier le préfixe dans la langue origine, le latin langue où morphologiquement on peut toujours le caractériser comme préfixe et de passer aux stades suivants, nous essaierons de le caractériser. Re- et ses implications 5Benveniste a montré que les marques de subjectivité sont plus nombreuses dans les langues anciennes et il a étudié les effets très variés que ces marques peuvent avoir sur les relations de significations. Il a en particulier analysé les effets du moyen en grec ancien vol. 1, chap. XIV, p. 168-175 et montré qu’un même verbe, par le jeu des désinences pouvait signifier prendre ou donner ». Re- n’existe pas en grec mais dans cette langue le sujet s’impliquait pour diriger le procès en s’incluant dans l’action grâce au moyen des formes conjuguées indiquant que l’on fait l’action pour soi ; cette voix » a existé avant le passif et possède des formes communes avec ce dernier, sauf au futur et à l’aoriste. Je citerai un verbe qui sert de paradigme, iémi, j’envoie », s’opposant au moyen, iémai, je me dirige dans une direction suivie et choisie donc je m’élance » ; pour citer un autre verbe moins courant, aero, à l’actif signifie prendre en main un objet pour le présenter, l’offrir » ; au moyen, prendre un objet en main pour soi, pour l’obtenir et s’en emparer ». On a donc bien des sens opposés mais dans le cas du moyen, Benveniste note que le sujet est engagé dans le procès, qu’il est intérieur au procès, qu’il en est le siège. L’espagnol connaît un emploi de certains verbes à la forme pronominale qui est comparable à la voix moyenne ir signifie partir » alors qu’irse signifie s’enfuir, se sauver ».Notre préfixe ne relève néanmoins pas du même domaine, car le procès s’accomplit hors du sujet en obéissant aux contraintes imposées par le préfixe lui-même ; c’est pour cela que nous avons pensé à une valeur aspectuelle, que nous avons hésité à qualifier d’empathique, réactive, interactive, connective avant de choisir, faute de mieux, implicative, le sujet se montrant plus prisonnier du réseau des significations que son véritable organisateur. Nous allons voir que le latin utilise le préfixe Re- pour des effets de sens également fort étonnants ; nous en étudierons trois qui s’enchaînent logiquement en partant du sens de au fond des choses, à partir de ce fond » qui est un des sens de l’adverbe rursus, sens qui ne figure pas dans les dictionnaires mais que m’a confirmé le seiziémiste et latiniste Michel Magnien ; j’ai trouvé dans le Gaffiot, à l’entrée bullio un emploi qui confirme mon hypothése demersus summa rursus non bullit in unda Persius Flaccus, noyé en eau profonde il ne renvoie pas de bulle d’air à la surface ». Re- en latin 6Re- permet d’abord au procès de repartir en sens contraire comme un boomerang qui rebondit en notant une sorte de réaction en chaîne jacio, lancer des traits », s’oppose à rejicio, riposter en lançant des traits contre les attaquants, rejeter ». Nous citerons Cicéron eorum ferrum et audaciam rejeci in campo », j’ai repoussé leursarmes et leur audace au champ [de Mars] ». Do veut dire donner, accorder à quelqu’un » ; reddo, c’est produire en retour en renvoyant à l’expéditeur », voire rejeter quelque chose devant quelqu’un ». Arguo implique que l’on cherche à prouver son droit devant un tribunal et avec redarguo, on se défend en avançant des arguments en réplique pour prouver ses erreurs à qui veut vous voir inculpé. Clamo signifie qu’on pousse des cris pour s’exprimer hautement et affirmer légitimement les choses tabulae praedam illam istius fuisse clamant Cicéron, les registres crient/proclament’ que c’était là le butin de cet individu [Verrès] » ; avec reclamo, on proteste en faisant valoir un point de vue qui s’oppose au point de vue précédent ; on retrouve cela dans les verbes anglais to claim et to reclaim et je pense que si on revendique en anglais la possession d’un bien, une concession aurifère a claim est une concession », un terrain aurifère sur lequel le chercheur a seul des droits », un trône, on a intérêt à employer le verbe simple car personne n’a proclamé ses droits sur l’objet en question auparavant et on doit avoir plus de légitimité en la matière. 7Si on va trop au fond des choses par un mouvement rétrograde, tout peut devenir négatif et le verbe base et le verbe préfixé peuvent avoir des sens opposés ; cedo signifie avancer, ne pas résister », et donc aboutir à quelque chose » hoc quoque ad tuam gloriam cedet, cela réussit à ta gloire » Tacite. Recedo veut d’abord dire se retirer par une marche arrière, s’éloigner du point origine » Anchisae domus recessit, la maison d’Anchise est retirée, dans un endroit reculé Virgile ; puis le mouvement d’éloignement s’accentue et on aboutit au sens de disparaître, se perdre, tourner à néant » nomen hostis a peregrino recessit Cicéron, le terme hostis » a perdu son sens originel d’étranger » ; maris ira recessit Ovide, la colère de la mer s’évanouit ». On a donc le sens du verbe simple qui s’oppose à celui du verbe préfixé aboutir et disparaître alors que le verbe préfixé oppose lui-même les sens de s’éloigner et disparaître. Restringo contient aussi deux sens opposés, d’abord celui de serrer, ramener en serrant vers soi » stringo veut dire pincer, serrer puis desserrer, ouvrir ». Claudo, fermer » s’oppose à recludo qui signifie fermer et ouvrir ». Velo et revelo s’opposent de la même façon, avec voiler et dévoiler » pour le composé ; dans ce cas, la morphologie n’a pas conservé cette intéressante opposition en français révéler et pas plus en anglais to reveal où les deux verbes ne sont pas morphologiquement préfixés, ne sont jamais ressentis comme tels, notre particule Re- ayant cessé d’avoir une vie indépendante. Condo veut dire placer dans un endroit sûr, fonder » ut conderet urbem, au début de l’Enéide alors que recondo passe du sens de mettre à sa place primitive » à celui de faire disparaître définitivement au fond des choses » aves avido recondidit ore Ovide, il engloutit les oiseaux dans sa gueule avide ». Nuntio signifie faire savoir » et renuntio, annoncer en retour, se dédire, marquer un arrêt » renuntiare alicui hospitium Cicéron annoncer une rupture des liens d’hospitalité ». Moveo a pour sens mettre en mouvement, provoquer, faire se produire » on peut citer movere risumCicéron, provoquer le rire » ou movere numen Tite-Live, manifester sa puissance » ; mais removeo, c’est écarter, éloigner » et à la limite faire disparaître » removere aliquid de medio Cicéron, faire disparaître quelque chose » et il est curieux de noter que l’anglais to remove la base move est bien attestée présente exactement la même palette de sens. Pono signifie placer, établir solidement » Roma in montibus posita Cicéron, Rome établie/installée sur des monts » ; mais repono implique un retour en arrière allant jusqu’à l’idée de mettre de côté en gardant en réserve » arma reposita César les armes mises à l’écart ». 2 Dans les textes médiévaux, on peut refuser à un ennemi vaincu de racheter sa liberté en demandant ... 8On a un troisième type de sens qui consiste à continuer dans le même sens le mouvement primitif en l’amplifiant pour le poursuivre au fond des choses, en s’y impliquant c’est là la valeur intensive » des dictionnaires ou en compensant un mouvement d’ordre détrimentaire, suivant le cas. Bullio veut dire bouillir, envoyer des bulles d’air à la surface à partir du fond » et rebullio, bouillir » aussi, mais en faisant déborder à l’extérieur et en rejetant les bulles à partir du fond ». Cubo signifie être couché » et recumbo, s’affaisser en s’écroulant ». Caedo veut dire couper » face à recido, retrancher, réduire, diminuer ». Maneo signifie rester intact », alors que remaneo note le fait de rester intact après une soustraction pars remanebat integra César et Cicéron ; nous retrouverons ce sens en ancien français remanoir et en anglais to remain, a remain, a remnant. Censeo, signifie estimer, évaluer » ; mais avec le préfixe contenu dans recenseo, on note que le sujet s’implique personnellement dans l’action et qu’il passe tout en revue, en faisant un examen critique, phénomène qu’on retrouvera encore en ancien français avec par exemple garder et regarder et en anglais avec to collect et to recollect, et avec le préfixe latin utilisé pour un verbe anglais d’une autre origine que romane to mind et to remind . De même querre/querir et requerre/requerir sont annoncés par quaero, chercher à savoir, à se procurer » et requero, être en quête d’un solution à une question épineuse, rechercher quelque chose qui manque et dont on a besoin ». Capio a pour signification prendre, saisir » et recipio, prendre en tirant hors de quelque chose », et donc accepter, accueillir » ; pour ce dernier emploi, le Gaffiot note que le sens de la particule est effacé », considérant ainsi que, si on ne peut pas classer Re-sous la rubrique des sens enregistrés en arrière, à nouveau », la dite particule ne peut avoir de sens ; je voudrais prouver que Re- a toujours un sens même si ce sens n’est pas de prime abord perçu par les locuteurs, ce qui n’a rien de rare en sémantique. Par exemple, le sens de compenser se trouve dans le latin chrétien redimere emo a pour signification acheter » et redimo, racheter une chose vendue » au sens de mouvement en retour, mais en vocabulaire ecclésiastique les images fondées sur les valeurs de l’argent y sont fréquentes, racheter un péché implique l’idée de le compenser et de le faire disparaître ; comme rédimer n’a guère d’existence, on emploie racheter avec ce sens qui figure dans l’expression le peuple des rachetés, expression peu claire désormais signifiant ceux pour qui le péché originel a été compensé par un sacrifice conçu comme une sorte de rançon »2. Cette suite de régularités et d’oppositions va se retrouver en ancien français mais comme cet état de langue se caractérise par des traits qui signalent l’homme dans la langue », selon l’expression de Benveniste, et une sorte de vie personnelle accordée à tout ce qui touche le sujet, les sens de nos verbes préfixés » vont continuer à diverger. Re- en ancien français 9Les marqueurs énonciatifs sont très nombreux dans cet état de langue. 10J’ai montré dans un article de Linx Weill, 1995 comment la langue met en scène des éléments physiologiques comme la chair, la peau, le cœur, les yeux, etc. associés à un pronom personnel régime indirect représentant le possesseur du corps en question il nous reste, en séquences figées le cœur lui manque, la peau lui pèle, les yeux lui piquent mais nous ne pouvons plus dire *les cheveux lui hérissent, *le pied lui pourrit ; on obtient des séquences très fréquentes, surtout dans les textes épiques et satiriques, comme la char li est nercie, son teint pâlit » Renaut de Montauban, v. 5935 ; li sans li est muez, son sang s’arrête de circuler » ; v. 4497 ; tant portent lor haubers a lor char nu a nu / que tres parmi les mailles lor est li peuz issu, ils portent leurs hauberts sur leur chair nue en sorte que leurs poils sont passés directement à travers les mailles de fer » v. 1487-1488. 11On connaît aussi les emplois des démonstratifs déterminants, pronoms, adverbes qui font partie d’un système de repérage très complexe dans l’espace temps de l’énonciation et qui peuvent fonctionner de façon autoréférentielle. Je renvoie en particulier aux travaux de Michelle Perret sur la question. 12Le verbe a une place importante et occupe régulièrement la deuxième position dans la phrase le français est alors une langue dite V2 et, grâce à ses marques de personne, il pallie parfaitement la non expression d’un sujet pronominal. 13En outre les survivances du vocabulaire germanique notant des échanges le don et le guerdon, le don dû en retour ont pu également favoriser un préfixe qui permettait de mettre en relation des éléments nominaux et des verbes. 14Commençons par analyser les rapports entre garder au sens de jeter un œil sur quelque chose » et regarder, porter son attention sur »… Comme Jalenques Jalenques 51 sq. a constaté que dans les deux cas la traduction qui se veut loin du mot à mot donnait regarder » et il en a conclu, disons un peu hâtivement, en confondant les mots et leurs traductions dans une autre langue, que les deux mots étaient synonymes. Jalenques cite un passage de la Chanson de Roland Oliver est muntet desus un pin halçur, / guardet sur destre par mi un val herbus. / Si vait venir cele gent paienur ; Olivier est monté sur un grand pin, il regarde à droite au milieu d’un vallon couvert d’herbes et voit venir cette engeance païenne ». Pour comprendre, il faut avoir lu et compris ce qui précède Olivier fait son travail de second responsable de l’arrière-garde et vérifie s’il n’y a pas des ennemis il ne devrait pas y en avoir, une trêve a été signée derrière l’armée. Le narrateur emploie le verbe simple garder, car Olivier ne s’attend pas à voir quelque chose ; s’il y avait du préconstruit, le narrateur aurait employé regarder. Lors qu’on regarde de façon préméditée, qu’on regarde éventuellement dans tous les coins d’une pièce, qu’on observe et qu’on calcule la conduite à tenir d’après ce qu’on aura regardé, on trouve le verbe préfixé. C’est pour cela qu’on indique comme sens de ce verbe regarder attentivement partout, se retourner pour voir ». Il est évident que lorsqu’un homme est poursuivi par des guerriers armés de lances, il se retourne et évalue la situation, il calcule si son avance est suffisante pour lui permettre de s’échapper sans courir le risque d’être embroché dans le dos ; dans le cas contraire, il calcule s’il a la place pour faire demi-tour et se battre. Avoir regart de signifie avoir des raisons pour craindre, surveiller ses arrières » dans le Roman de Renart, Noble le lion envoie Brun l’ours comme ambassadeur auprès du goupil et lui annonce vous n’averez de lui regart branche du Plait, I, v. 451, ce en quoi il se trompe lourdement. 15Requerir est au contraire un verbe étonnant par ses emplois polysémiques bien connus et très bien attestés le sens de base est chercher à atteindre quelqu’un, quelque chose, en comblant les intérêts et les attentes du sujet grammatical impliqué » ; l’action décrite dépend de ce que l’on recherche et de la personne que l’on cherche à atteindre. Si l’on s’adresse à Dieu, à un saint, cela signifie prier. Si on s’adresse à une femme, on lui demande son amour ; dans le Lai de Lanval, la reine se plaint faussement d’avoir été déshonorée par le héros de drüerie la requist v. 39. On peut employer le verbe pour une demande instante, sans concession possible on requiert son droit en justice. Mais au cours d’une bataille requerir un ennemi, c’est l’attaquer violemment et lui faire son affaire 3 Raoul de Cambrai traite sa mère de remasue », dans la chanson éponyme ; on voit qu’une d ... 16Remanoir, un verbe extrêmement fréquent aussi, offre également des sens opposés. Manoir signifie demeurer chez soi » et remanoir, rester fidèlement auprès d’un seigneur, d’un roi » ; c’est la situation dont se plaint violemment Guillaume au début du Charroi de Nîmes car cela ne lui a rien rapporté v. 120 il aurait pu aller rejoindre un autre roi qui lui aurait donné un fief v. 95-101. Le verbe signifie donc rester bloqué » mais ce qui est bloqué n’évolue plus et peut reculer, voire se volatiliser et disparaître ; une vieille remasue3est retombée en enfance. 17On peut par soustraction être laissé volontairement en arrière au cours d’une opération En .IIII. aguez sont ça dehors remés/.M. chevaliers garnis et conraez le Couronnement de Louis, v. 1563-1564 mille chevaliers armés et organisés en équipes sont séparés du gros des troupes et placés en embuscade en quatre endroits différents ». Mais un combattant qui remaint sur le champ de bataille est en fait laissé pour mort. Un élément animé comme un échange de paroles qui remaint cesse de fonctionner ; on dira la bataille remaint, ça n’alla pas plus loin, on en resta là. A la fin de la Chanson de Rolant, les barons sont réunis en conseil pour juger Ganelon ; terrifiés par les menaces de Pinabel, l’impressionnant parent de Ganelon, ils trahissent » Charlemagne et proposent l’acquittement Dist l’un a l’altre Bien fait a remaneir. / Laissum le plait ; ils se disent l’un à l’autre il vaut bien mieux s’en tenir là, ne continuons pas le procès »… 18Nous allons terminer cette étude trop rapide et incomplète par un verbe bien intéressant, sans précédent en latin, recroire, où le préfixe rend négatif le sens du verbe simple croire croire signifie essentiellement croire en la vérité de, avoir confiance en ; le sens principal de recroire, extrêmement fréquent dans tous les types de texte, est perdre sa confiance en soi, se fatiguer, se lasser, s’avouer vaincu, ne pas combattre jusqu’à la mort et passer en conséquence pour un lâche ; je n’ai jamais vu le sens de croire à nouveau. Au cours d’un combat, on se promet qu’on rendra son adversaire recreant et maté ; Pinabel dans la Chanson de Roland demande à son jeune adversaire, qu’il prétend vouloir épargner, de s’avouer vaincu Car te recreiz ! v. 3892. Dans l’Erec de Chrétien v. 2551, Enide est désolée de devoir annoncer à son mari qui a renoncé à livrer des tournois que tout le monde le considère comme un recreant. 4 Les textes juridiques ne nous sont d’aucun secours car ils sont en latin et le verbe n’existe pas ... 5 Dans le Charroi de Nîmes, le roi Louis remet son gant à Guillaume et ses neveux comme symbole et d ... 19Mais on peut voir aussi s’établir une sorte de valeur d’échange de points de vue et cette idée va nous permettre d’expliquer un passage de la Chanson de Roland, jugé incompréhensible par son dernier éditeur, Cesare Segre, un passage, à mes yeux, où le verbe recroire n’a plus le sens de renoncer à prouver ses allégations en s’avouant vaincu » mais de permettre à un autre de pouvoir prouver la vérité de ses allégations ». D’abord citons trois vers du Roman de la Rose vv. 14181-14183 où un emploi de recroire a été relevé dans le glossaire très complet de Felix Lecoy …mes face tant que cil recroie,/ por ce que d’amer ne recroie,/qu’el veille autre ami porchacier… mais qu’elle fasse en sorte que l’autre croie de son côté – afin qu’il ne se lasse pas de l’amour – qu’elle cherche à se procurer un autre ami ». Avec donc ce sens de croire pour son compte, quant à soi une chose parfois fausse », je voudrais ajouter un sens qui me paraît relever du vocabulaire juridique4 accepter la parole d’autrui qui paraît de prime abord douteuse ou fausse, ou qui s’oppose à une autre parole comme une vérité ; il peut s’agir d’une affirmation, d’un serment solennel, ou comme symbole de cette parole et de celui qui la prononce, d’un gage comme un gant5, avant un duel judiciaire. 20Nous trouvons le premier cas dans Garin le Loherenc. Manuel Galopin, un pilier de taverne quelque peu magicien, raconte devant Begon une histoire assez invraisemblable appréciation que m’a confirmée Jean-Charles Herbin, spécialiste reconnu de ce type de textes en affirmant de façon peu claire qu’il est le fils aîné du comte de Clermont réduit par son cadet à une vie de débauche ; Respont Begon certes ce poise mie, /-car te recroi, que tu es mes cousins-… L’éditrice, Anne Iker-Gittleman, qui a vu le problème, note dans le glossaire v. 7281 je te crois à mon tour » ; cette traduction, présentée ainsi, est impossible car il aurait fallu que quelqu’un d’autre, dans le passage, croit avant cela en la parole de Galopin et je pense qu’il faut traduire je suis désolé de ta situation et si tu le dis, ça doit être vrai,/ j’accepte ta vérité, car tu es mon cousin ». 21On trouve une affirmation de vérité garantie par un serment, dans le Siège de Barbastre, dans l’édition moderne de Bernard Guidot nous ne sommes pas vraiment dans le monde sérieux de l’épopée traditionnelle et Girart qui a accepté d’écouter et de suivre un païen » Malaquin, au cours de ses rencontres amoureuses avec une belle Sarrasine, se demande soudain s’il n’a pas été trahi ; mais Malaquin l’assure qu’il n’en est rien Sire, dist Malaquins, sor sains le vous jurron. / Se vous volés juise, loiaument le feron, / que n’i avra boisdie ne nulle mesprison / Je le vos affie bien sor la loy de Mahom ./-Amis, ce dist Gyrars, nous le vos recreon ». Seigneur, dit Malaquin, nous vous le jurerons sur des reliques. Si vous exigez une ordalie, nous agirons avec loyauté en sorte qu’il n’y aura ni ruse ni acte de violence. Je vous le garantis sur la valeur de la religion de Mahomet –Ami, dit Girart, nous nous en remettons à vous/nous vous faisons confiance, devant un serment de cette valeur. » la traduction de recroire vient du glossaire de Guidot ; le pronom régime direct le représente le serment agréé, un élément toujours d’ordre religieux. 22Après ces deux textes quasi parodiques Bégon sait bien que son ivrogne de cousin » affabule ; il est comique d’accorder sa confiance à un serment présenté selon des règles strictes mais au nom d’une religion non chrétienne, nous abordons le point où deux vérités s’opposent de façon dramatique avec la chanson de geste d’Ami et Amile le traître Hardré accuse Amile et il n’a d’ailleurs pas tort d’avoir couché avec Bellissent, la fille de Charlemagne ; l’empereur, furieux du déshonneur de sa fille, accepte le gage de Hardré lorsque soixante des membres du lignage se présentent comme otages » ce sont des gens qui garantissent, sur leurs biens, sur leur vie, la présence du combattant le jour du duel judiciaire et jugent et attestent qu’il dit la vérité. Amile, qui n’avoue pas les faits mais qui n’en dit rien non plus, a déclaré être prêt à se battre et doit chercher des otages à son tour vv. 777-778 Seignor, dist-il, franc chevalier mirable, /envers le roi me recreez mon guaige. » L’éditeur Dembowski traduit dans le glossaire par donner caution », ce qui est en gros le sens car il est impossible de donner une traduction mot à mot ; en effet ici recroire a un sens factitif Amile demande à ses amis de lui donner l’occasion de garantir sa parole symbolisée par le gage, complément direct du verbe recroire, de lui permettre de présenter sa requête, de faire en sorte, en acceptant de devenir des otages, qu’il puisse soutenir sa vérité à lui devant Charles envers le roi par un duel judiciaire ; seulement les amis », qui doivent savoir ce qu’il en est, ne sont pas d’accord pour risquer leurs biens voire leurs vies, et se taisent ; Charlemagne refuse alors au héros l’autorisation de soutenir son droit et veut l’exécuter sur le champ, jusqu’à ce que la reine elle-même s’offre comme otage ainsi que sa fille. 23Nous en arrivons au procès de Ganelon dans la Chanson de Roland pour retrouver le même vocabulaire et nous allons pouvoir apporter une réponse à un problème qui date des premières éditions du texte au XIXe siècle. Le jeune et frêle Thierri accuse Ganelon de trahison, s’opposant aux conseillers du roi qui préfèreraient que Charles accorde son pardon au traître ; aussitôt Pinabel, le gigantesque parent de Ganelon dont il se proclame le champion, remet dans les mains du roi son gant en peau de cerf ; Charles lui demande des pleges plegier », c’est donner un aval comme to pledge en anglais et trente parents du lignage de Ganelon se présentent aussitôt ; ço dist li reis E vos recrerai.v. 3848 ». Tierri présente aussi son gant droit à Charles, et li emperere li recreit par hostage v. 3852. Ces deux emplois de recroire le même verbe est employé à propos du coupable et du champion du roi ont laissés perplexes tous les traducteurs Il se trouve qu’un des sens de recroire en moyen françaislargement attesté dans les chartes au XIVe siècle d’après les exemples cités dans labase Lexilogos reprenant les dictionnaires Godefroi et le FEW est renoncer à ses droits de poursuite et remettre un prisonnier en liberté ». Tous les éditeurs traducteurs au complet suivent la très ancienne édition bilingue de Joseph Bédier qui a dû connaître ces emplois il remet Ganelon en liberté sous la caution de ses parents vos » ; et avec moins d’unanimité il remet Thierri en liberté sous la caution des otages qu’il aura forcément trouvés » le texte pour une fois ne dit absolument rien sur eux. Segre, dans les notes de son excellente édition, fait observer que la chose n’a aucun sens le roi ne peut ni ne veut relâcher le traître Ganelon et Thierri n’est pas prisonnier et qu’en plus dans le deuxième emploi le pronom régime li ne peut être le complément direct du verbe ; certains éditeurs, dit Segre, corrigent même li recreit » en le reçeit ». Je dirai personnellement que, pour la deuxième séquence, on peut parfaitement dire que le pronom régime direct a été écrasé » et qu’on a li pour le li, un phénomène fort banal dans cet état de langue. Nous avons donc un pronom régime direct qui représente, dans chacune des formules rigoureusement parallèles, le gant » et les pronoms régime indirect, chacun des deux combattants en faveur de qui s’effectue le rite suivi par l’empereur ; on ne peut traduire que par accepter la caution présentée par Pinabel/ Thierri comme garantissant la véracité temporaire de ses affirmations », ce qui me paraît alors fort logique ; et on ne met pas en doute les deux versions des faits mais il est bien entendu que l’un des deux ne dit pas la droite vérité, ce que révèlera le jugement de Dieu. Il s’agit donc à mon avis d’un emploi juridique technique et formulaire de notre verbe laisser, sous garantie fournie par les otages, momentanément la parole à un accusé qui n’a pas été pris sur le fait, lui permettre d’exprimer à son tour, quant à lui, ce qu’il dit croire être vrai, emploi qui se retrouve bien attesté, nous l’avons vu, dans les chartes où on peut penser qu’on relâche le prisonnier lorsque sa version des faits s’est avérée plausible. Re en français 24A partir du XVe siècle, on assiste à une disparition d’un nombre conséquent de nos verbes. Christiane Marchello-Nizia constate la diminution des marques relatives à la place de l’homme dans la langue » ; par exemple – l’évolution est achevée seulement au XVIIe siècle –, le système complexe des démonstratifs de l’ancien français a disparu au profit d’une opposition déterminants/pronoms, ce qui ne s’est pas fait en espagnol. 25Les auteurs de dictionnaires et les médiévistes de la génération qui nous a précédés n’ont pas vu qu’il s’agissait d’un phénomène général et que les valeurs implicatives de Re- allaient aussi subirle même choc on expliquait autrefois que repairier a disparu le jour où on n’a plus compris le sens de revenir dans sa patrie », issu du latin repatriare on peut se demander au contraire si un locuteur médiéval quelconque a jamais pu faire cette analyse latiniste. Requerir aurait vu s’affaiblir ses emplois à cause de la concurrence de rechercher », alors que les sens disparus ne sont pas proches de ceux que possède rechercher. Ce qu’on constate, c’est que le nom d’action correspondant au verbe subsiste et que la langue qui a perdu son statut de langue V2, attachera désormais, à la différence de l’anglais, moins d’importance au verbe et davantage aux noms. 26Voyons d’abord deux verbes qui ont perdu leur sens d’origine en laissant un substantif qui l’a conservé requerir nous a transmis requête. Regarder nous a transmis certains emplois du mot regard comme avoir droit de regard ; pensons aussi au regard, cette ouverture qui permet d’observer au fond des choses » l’écoulement des eaux usées au pied des maisons et immeubles. 27Repairier, rentrer chez soi dans sa maison d’origine, ou dans le camp de base, ou auprès du personnage centre de l’action je pourrais en citer des centaines d’exemples qui montrent qu’on a toujours été bien loin du latin patria, a bien disparu mais c’était aussi un mot utilisé dans le vocabulaire de la chasse et le repaire a eu d’abord le sens de lieu où l’animal pourchassé veut se réfugier ; le verbe est resté en anglais, il est encore dans les dictionnaires, je l’ai trouvé dans des romans anglais sur les guerres maritimes à l’époque napoléoniennes avec le commandement All hands hand signifie matelot sans grade repair to the boat, tous leshommes remontent à bord»,mais ce verbe estdevenu totalement désuet depuis le début du XXe siècle, m’ont dit mes informatrices. Recorder, rapporter par écrit son témoignage », n’est plus représenté que par le recors à l’origine un témoin assistant l’officier de police, l’affreux recors du Mariage de Figaro. Retraire a disparu en laissant retrait, retraite. Revancher n’est plus utilisé, face à la revanche et au simple venger ; l’anglais a gardé to revenge, the revenge, pour signifier la vengeance interdite en retour s’opposant à la vengeance de celui qui rétablit la justice, the avenger, un des titres de Dieu dans les textes religieux. Remembrer a laissé le très littéraire remembrance. Plus personne ne voit recroire dans recru de fatigue. Il ne reste de rescorre arracher au fond des choses ; le verbe simple issu du latin excutere n’a jamais existé en français que la rescousse ce qui rend trèsproblématique la traduction du roman de Joseph Conrad The rescuer, roman dans lequel l’auteur décline le verbe to rescue, et les noms rescuer, rescue de façon continuelle. Si Jeanne D’Arc n’avait pas existé, nous ignorerions le mot relapse, à moins de connaître l’anglais. 6 Sy prioit le roy de Honguerie par ses lettres au roy de France que il voulsist entendre[…]a resist ... 7 La mort[…]mort / seux dont le siecle fait remordre, la mort mord ceux pour qui le monde souffre ... 28On me dira que ces verbes, à part recroire, n’avaient pas de verbe-base non préfixé pour les soutenir en français mais regretter dont le préfixe » est bien latin mais dont l’autre élément, probablement un verbe non attesté d’origine germanique signifiant pleurer » n’a pas disparu et le même désastre est arrivé à des verbes préfixés s’opposant à des verbes simples. Rebouter existait à côté de bouter Jeanne d’Arc voulait bouter les Anglais hors de France et voulait dire repousser en arrière », mais aussi remettre en place » comme par exemple faire rentrer, en guise de retour à l’envoyeur, des paroles malséantes et des vantardises dans la gorge Froissart emploie ce mot6 à propos du sort que l’on voulait faire subir à Bayezid, le souverain des Ottomans à la fin du XIVe siècle, lequel n’avait eu de cesse d’insulter les chrétiens pour les forcer à se croiser » contre lui. Il ne nous reste que le rebouteux, ce personnage qui existe toujours dans nos campagnes et qui remet les os à leur place primitive en les repoussant. De remordre pourtant bien vivant chez Rutebeuf7, nous n’avons plus que le remords et je ne pense pas qu’on voit facilement le rapport avec mordre. Reclure / reclore ne vit plus que dans le mot reclus et le verbe simple clore il se confondait morphologiquement avec clouer a pratiquement disparu aussi. Remanoir me paraît le cas le plus dramatique ce composé extrêmement fréquent de manoir a totalement disparu après le XVe siècle, en ne laissant pour toute trace que le terme agricole rémanent. Villon emploie encore ce terme dans le Testament Et Dieu sauve le remanant », au sens de ce qui subsiste de ses amis sur terre et je me suis toujours demandé s’il n’y avait pas encore un emploi de ce verbe dans le refrain de la Ballade des dames du temps jadis. Rappelons les faits Villon suppose un interlocuteur fictif chargé de poser des questions sans réponse et le refrain reprend une question elle aussi sans réponse Mais ou sont les neiges d’antan ? Que sont devenues les neiges de l’année dernière ? Cette traduction littérale anéantit la poésie des sonorités mais on sait bien que le génie amer de Villon était fort cruel à l’occasion. Le problème se situe dans l’envoi Prince, n’enquerez de sepmaine Ou elles sont, ne de cest an, Qu’a ce reffrain ne vous remaine Mais ou sont les neiges d’antan ? Testament, 29Les plus grands médiévistes Longnon, Foulet, Lanly, Dufournet ont édité et traduit ces vers et tous ont affirmé ne pas bien comprendre le sens de remaine. On comprend généralement Prince ne cherchez pas de toute une semaine où elles sont, ni de toute cette année, sans qu’à ce refrain je vous ramène… », ou parfois de peur que le refrain ne vous ramène à cette question ». Je ne vois pas du tout comment on peut ramener quelqu’un à un refrain ou même à une question et on constate que le texte n’est pas sûr A et F ont pour leçon Car ce reffrain le vous remayne ramaine A ». Je proposerais de corriger le Qu’a initial en Que, la forme remaine est alors le subjonctif de remanoir, ce qui est même morphologiquement plus plausible. On a alors en traduction sans que ce refrain, devant vos yeux, reste/ se dresse bloqué », comme une fin de non -recevoir ; à question idiote où sont les mortes ?, réponse idiote où sont les neiges de l’an passé ?, et le poème se clôt sur une saillie sarcastique. On aurait un emploi de nos pronoms personnels à valeur de datif éthique et le verbe remanoir aurait encore le sens de disparaître faute d’être activé », qu’il avait dans les séquences que nous avons rapidement vues la joie, la bataille, la parole remaint, ce qui se traduit par on en resta là », plus rien ne se passa après. 30Nos verbes restants vont toutefois repartir pour un nouveau destin avec le renouvellement du vocabulaire religieux au XVIIe siècle. On impose aux pénitents de faire une sorte d’introspection en trouvant du positif en eux-mêmes, en leur interdisant de se tourner vers l’extérieur Rentre en toi-même, Octave et cesse de te plaindre, dit Auguste dans Cinna. Des verbes d’action vont donc voir leur procès prendre une direction inversée, en rentrant vers l’intérieur, pour servir positivement leurs sujets ou pour leur faire honte et on va trouver à nouveau des verbes de sens opposé ou présentant de curieuses particularités sémantiques. Revenir prend ce type de sens intérieur à partir du XVIIe siècle revenir à soi » veut dire reprendre ses esprits » ; le verbe sera positif aussi sur le plan matériel faire revenir de la viande, des légumes, c’est leur donner, sur le feu, une couleur appétissante qu’ils n’ont jamais eue avant. D’autres verbes vont simplifier leurs sens recueillir qui signifiait accueillir bien ou mal les invités/les ennemis » devant une bonne table ou les armes à la main, va devenir entièrement positif et n’aura comme sens que se tourner vers soi-même et ne plus regarder l’extérieur, ou encore rassembler pour soi des éléments extérieurs ; rencontrer à part en boxe, mais on a choisi son destin et les autres rencontres sportives sont moins dangereuses a perdu pratiquement tous ses emplois militaires et s’est tourné vers l’aspect positif des choses. Requérir perd tous ses sens, devient positif aussi et signifie demander une chose qui est considérée comme due » c’est le plus souvent un terme de droit ou comme exigée pour que tout se déroule dans de bonnes conditions on parle alors de requérir une peine incompressible, des connaissances, des compétences requises pour tel ou tel type d’actions 31D’autres verbes vont prendre plusieurs directions retourner qui signifiait ou opérer une retraite ou revenir sur le champ de bataille ou rentrer chez soi va connaître des emplois supplémentaires à partir du moyen français dès le XIV siècle, dit Rey le verbe peut noter un bouleversement complet avec d’abord des sens techniques comme retourner la salade XVIIe siècle ou comme retourner un col, des poignets mousquetaire ou des draps ; ces emplois en couture ne sont pas dans les dictionnaires du XIXe et du début du XXe siècle faits par des hommes peu au fait de ces travaux alors que le verbe est utilisé avec ce sens dans le Père Goriot de Balzac Dès qu’Eugène eut le dos tourné, la vieille courut à sa cuisinière – Prends les draps retournés, numéro sept. Par Dieu, c’est toujours assez bon pour un mort » p. 310. Retourner un grand drap usé au milieu consiste à couper tout du long la partie usée au centre, retourner les deux morceaux restants, c’est-à-dire faire basculer les lisières vers le centre et les coudre ensemble finement au point de surjet, tout en faisant des ourlets sur les parties anciennement au centre devenues les lisières ; la partie centrale du nouveau petit drap manque évidemment toujours d’agrément. Si on retourne un col ou des poignets, la partie usée à l’endroit, décousue, retournée et recousue, passe à l’envers. Le verbe oscille donc désormais entre deux idées opposées un bouleversement, une manœuvre de retournement un emploi connu dans le domaine spatial, et dans l’album Tintin, On a marché sur la lune et un retour compensatoire vers un état antérieur des choses ou un meilleur état il est considéré comme positif de retourner un drap dans le cadre de ce qui fut la bonne économie bourgeoise, de retourner un espion pour le bien du service, mais retourner sa veste est honteux, retourner une gifle, un juste retour des choses. Et le bouleversement ne se situe plus seulement au niveau de la réalité à partir du XIXe siècle, le dictionnaire de Rey note que le verbe marque un bouleversement intérieur, une violente émotion on se retourne sur son passé, on regarde en soi-même. 32Retrouver est bien intéressant aussi et bien compliqué à étudier si je dis on a retrouvé des empreintes de dinosaure sur ce chemin rocheux », cela peut vouloir dire qu’on ne les avait pas ni vues ni trouvées auparavant et qu’une recherche plus approfondie les a fait découvrir. Un de mes amis un peu paranoïaque a une fois intimé l’ordre – à un groupe dont je faisais partie – je vous retrouve ici » tout en nous quittant et traversant une rue sans autre explication ; nous avons cru en toute bonne foi que cela voulait dire je vous retrouve ici après que vous avez fait vos achats » donc un sens proche non pas seulement de en arrière » car il ne nous a pas trouvés avant mais de marque d’intérêt pour la situation antérieure à rétablir ; mais notre ami voulait en fait dire Vous êtes là où vous vous trouvez en ce moment, je vous veux ici bloqués à m’attendre jusqu’à mon retour » comme pour le verbe remanoir en ancien français ; j’ai déduit ces sens après qu’il s’est assez violemment plaint je suis revenu au bout de même pas trois minutes et vous n’étiez plus là ». 33Relever connaît aussi plusieurs emplois ; si on relève quelqu’un de ses fonctions, c’est négatif et c’est une perte ; si on relève une fonction, un titre qui était tombé, un nom qui n’était plus représenté le sens mélioratif date d’après Rey du XVIe siècle on fait monter tout cela en honneur, si on relève une sauce ou un plat, on en améliore le goût ; si on relève des mailles sur le bas d’un tricot, cela permet de faire une jolie bordure ; si on relève des soldats pensons à la formule mythique la relève pendant la guerre des tranchées, on les échange contre leurs équivalents ; si on relève des notes sur l’ordinateur, c’est encore un simple transfert ; si on relève un prix, des exigences, c’est positif et c’est un gain pour certains. Le même verbe signifie donc à la fois gagner, rester tel quel et perdre. 34Résigner connaîtra aussi après le XVI siècle deux emplois opposés de l’ancien français au français moderne, on résigne une charge je n’ai trouvé nulle part le rapport avec le verbe signer signe-t-on sa démission après avoir signé une acceptation ? ; mais aussi, et c’est un sens issu de la théologie protestante, on se résigne à son sort pour obéir à Dieu ; donc on refuse ou on accepte, suivant le type de complément qui suit le verbe. 8 L’anglais pour opposer deux sens différents de ceux du français dans des verbes notant des états ... 35Je pense que le verbe regretter il est trop intéressant pour que des raisons formelles me fassent renoncer à en parlerétudié par Claudine Normand se situe dans ce contexte en ancien français regretter signifie déplorer la mort d’un être cher », pleurer sur une séparation, mais parfois aussi déplorer une simple absence due à une série d’événements » Orson de Beauvais, héros d’une chanson éponyme, dans sa prison et terre sarrasine, regrete Beauvais et dans Renaut de Montauban, chanson où les frères et cousins sont souvent séparés dans les combats, Maugis regrete Renaut, Renaut regrete Maugis.., Renaut regrete Bayard son cheval aux dons magiques et c’est ce type d’emploi qui donnera le deuxième sens du verbe actuel. En français moderne, en suivant l’analyse extrêmement fine de notre collègue et amie Claudine, suivant le type de complément8, regretter veut dire qu’on aurait voulu qu’une chose n’ait pas eu lieu le sens date du XVIe siècle ou qu’on voudrait au fond des choses, en se retournant vers soi-même, c’est moi qui ajoute ces précisions aux propos de C. Normand qu’une chose perdue je ne regrette rien ait encore lieu. Il y a évidemment des cas où l’interprétation dépend de notre connaissance de la situation extérieure ; si, dans un compte-rendu de procès, on regrette le huis clos, pour interpréter la séquence il faut savoir auparavant si le huis clos a été accepté ou si au contraire, il a été refusé ; la question ne se pose pas si on regrette le passé, car cet élément appartient au monde de ce qui a déjà eu lieu. 36Pensons au verbe recaler, en laissant de côté le sens de caler à nouveau, en arrière ». J’ai lu un article dans Science et Vie août 2009, N. Ayache sur la lecture des images médicales acquises avec des modalités différentes Nous avons d’abord cru qu’il fallait repérer des points caractéristiques dans chacune des deux images pour guider leur “recalage” ; par exemple des lignes saillantes à la surface du cortex pour recaler les images du cerveau » ; il s’agit donc de faire coïncider des choses différentes et nouvelles pour bien fonctionner dans la même série, c’est positif ; mais si on recale un candidat, on refuse de le faire entrer dans la série et c’est négatif. 37Nous avons vu que les interprétations dépendait du type de complément mais il arrive que le sujet s’il ne s’agit pas de l’animé humain concerné fasse aussi modifier le sens du verbe ; j’ai entendu les deux exemples suivants prononcés par C. Hondelatte, le présentateur de l’émission Faites entrer l’accusé » sur la chaîne 2 Le piège se referme tout fonctionne bien, ce qu’on cherchait porte ses fruits ; la piste se referme, tout va mal, c’est une impasse, ce qu’on cherchait n’aboutit à rien. Rebondir ne veut pas forcément dire repartir en arrière », il acquiert un sens positif ; si je dis l’économie repart, rebondit ; c’est positif, mais si je dis le ballon rebondit sur le poteau, c’est la catastrophe. Il y a aussi des cas où il n’y a qu’une différence aspectuelle je vais me refaire, tout ira bien si on me laisse du temps » ; je suis refait, on m’a eu ». Je pense qu’on pourrait faire une recherche générale sur ces types d’emploi opposés en cherchant comment fonctionnent alternativement, dans une sorte de mouvement oscillatoire, la compensation un des sens principaux en français moderne et le bouleversement dans un cadre où regretter ne semble plus être une exception aussi notable qu’elle paraissait. 38Il y a en fait des quantités d’emploi de verbes préfixés en Re- qui témoignent de ce regard critique et de cette reprise en main du texte par le texte même qui constate, après calculs et réflexions diverses, que les événements s’enchaînent dans une sorte de logique immanente ; on ne s’étonnera pas de retrouver ici le vocabulaire juridique et journalistique il a été rattrapé par son passé ; il est renvoyé devant un tribunal ; les affaires se retrouvent exposées au grand jour ; le tribunal rejette la demande de remise en liberté ; l’affaire rebondit ; ce personnage rebondit. L’interprétation avec le sens de à nouveau, en arrière, est évidemment exclue être renvoyé devant un tribunal s’oppose même à être renvoyé pour faute grave. 39Certains noms présentent également des sens opposés si on fait une remise de chèques, on donne un objet ; si on fait une remise sur un prix, on accepte de moins recevoir et une remise est un garage où on laisse des objets bloqués sans les utiliser. 40Nous allons passer à présent à une langue la moitié de son vocabulaire est d’origine française, ai-je entendu dire au professeur d’anglo-normand, Ian Short qui a la particularité de faire la part belle aux verbes. Re- en anglais 41Le premier mot d’anglais que j’ai appris est la célèbre consigne Remember, la phrase prononcée par Charles I sur l’échafaud dans Vingt ans après il s’agissait de garder profondément au fond de la mémoire quelque chose de capital pour s’en servir le jour voulu ; l’élément Re- paraît jouer un rôle même si le verbe non préfixé n’existe pas. Je continuerai un jour ce travail en étudiant Re- en moyen anglais, état de langue que je ne domine pas encore assez. Mes exemples ne sont pas pris dans les dictionnaires car ces vingt dernières années, outre des œuvres de Dickens, Jane Austen et Walter Scot, j’ai relu les séries médiévales de Tolkien, lu Dan Simmons, Robin Hobbs, Robert Jordan, Martin ; j’ai lu tous les Harry Potter, les récits historiques de Diana Gabaldon et de Bernard Cornwell, les séries d’aventures maritimes à l’époque napoléonienne de J. Forrester et Patrick O’ Brien, œuvres pour lesquelles j’ai dû apprendre tout le vocabulaire de la marine à voile …Je regarde aussi tous mes DVD en version originale anglaise, tout cela en notant depuis plus de quinze ans tous les Re- queje rencontre j’ai des milliers de relevés ; tout cela explique que je puisse me sentir aussi capable d’écrire sur de l’anglais que sur du latin. Je me suis néanmoins renseignée, en qui concerne resort en particulier, en prenant comme informatrices deux dames anglaises rencontrées à Bornemouth, et une voisine et amie d’origine australienne, agrégée d’anglais. 42L’anglais accorde une importance notoire au verbe dans la phrase, ce qui explique qu’il ait conservé des verbes qui ont disparu du français to remain, de remanoir ; to record de recorder ; to repair de repairier, ce dernier ayant souffert de l’homonymie avec to repair, de réparer. N’importe quel nom commun peut devenir un verbe dans cette langue marquée par une absence notable de morphologie, ce qui permet de reconnaître instantanément le nom d’origine a wolf est un loup glouton et to wolf veut dire engloutir comme un loup, mushroom, le champignon se retrouve dans to mushroom, pousser et s’étendre comme le font les champignons ; a stump est un tronçon, un moignon et to stump signifie aller clopin-clopant. Les verbes s’emploient très facilement de façon diathétiquement neutre I walk, je me promène ; I walk the dog, je promène le chien ; I walk the horse, je fais marcher le cheval au pas pour le laisser se refroidir en douceur après un effort soutenu. La distinction actif /passif a des règles très délicates si on parle de relieved tears, il ne s’agit pas de larmes lâchées mais de larmes exprimant le soulagement to relieve voulant dire relâcher, ôter ou soulager ». Les verbes peuvent prendre une valeur factitive The colorful tapestries on the wall has earned their weavers silver R. Jordan, The Wheel of time, I les brillantes tapisseries sur le mur avaient fait gagner de l’argent aux tisserands qui les avaient faites ».On peut également transformer un verbe en une sorte de nom en lui adjoignant le suffixe –ing, avec le sens de le fait de ».Je cite une notice informatique Latex Eventually you will want to typset a document that requires a more sophisticated formating that you can obtain by informating the two sample imput files ; nous emploierions, à la place du verbe en –ing, un nom par le formatage de… Cette tournure est obligatoire après préposition. 43Il faut noter que l’anglais en général n’a conservé que les verbes composés de l’anglo-normand ; manoir, estorer, querre/querir, membrer, conoistre ont cédé la place devant les correspondants préfixés comme si la langue tenait à conserver la possibilité de jeter un regard sur les choses ; la forme encore très française je ne sais pas comment cela se prononce reconnoitre est toujours employée sur le plan militaire ou naval pour une reconnaissance du terrain mais on peut l’utiliser au sens d’aller à la découverte des choses. 44Le préfixe en anglais peut bien sûr avoir le sens de à nouveau » et dans ce cas-là, j’ai constaté que le préfixe était séparé de la base par un trait d’union, comme s’il s’agissait d’une valeur qui n’était vraiment pas la valeur de base to re-man a man-of-war signifie réarmer un vaisseau de ligne ». Sinon Re- exprime toujours une certaine exigence de la conscience, un effort violent, et intensifie la forme du verbe simple, lorsqu’elle existe. To require issu de l’ancien français requérir mais n’ayant pas conservé la forme simple quérir exprime un ordre auquel on ne peut désobéir il s’emploie aussi au passif pour des animés humains ; les officiers de marine reçoivent leur lettres d’ordre commençant par You are required to… Il s’agit toujours d’ordre donné par un supérieur à un inférieur et pour exprimer une demande émise par un inférieur, l’anglais a créé to request un dérivé morphologique du participe du verbe latin quaero latincomme le montre cet exemple tiré du film Black Hawk down La chute du faucon noir », 2002, R. Scott un avion survole Mogadiscio en proie à la guerre civile et à la famine Control order –Command super 64- We got militia shoting civilians at the food distribution centre. Request permission to engage. Over- Super 64, are you tahing fire? –Negative command –Negatif control, juridiction 64. We cannot intervene. Return to base. Over ». Le pilote demande la permission et il tient à l’obtenir d’intervenir en voyant la milice tirer sur la population civile, permission qui sera refusée. On voit en tout cas que même si les verbes non préfixés n’existent pas, la langue tient à la valeur sémantique du préfixe puisqu’elle s’avère capable de fabriquer un verbe en lui adjoignant et le préfixe et sa valeur habituelle. 45To remain notre ancien verbe remanoir a perdu, à peu près en même temps que le verbe français, au XIVe siècle, le sens de disparaître » je l’ai cherché dans le dictionnaire d’Oxford, mais ce sera ma seule notation diachronique ; il exprime toujours comme en ancien français une idée de soustraction ou de blocage her mouth remained open, elle resta la bouche ouverte. Le verbe a aussi le sens de rester après soustraction » The gaiety is gone, of course it is, but an atonishing fortitude remains ; la gaieté a disparu, c’est normal, mais une étonnante force intérieure se maintient intacte O’Brian, Blue at the mizzen, Du Bleu au mât d’artimon ». Trois noms dérivent du verbe, exprimant tous trois l’idée d’un aspect bloqué en suspens en ce qui concerne remains, il s’agit de restes non identifiables, des ossements humains, des restes de nourriture non mangeables, des ruines ; remnants le français remanant avec la valeur d’aspect du participe présent s’emploie par exemple pour un donjon qui se dresse intact au milieu d’un château en ruines, pour des restes de repas réutilisables, et dans la Bible, pour les êtres humains calculés et momentanément épargnés par la colère de l’Eternel ; remainder est le résultat d’une soustraction on prend dans une boîte des documents, on trie ceux qui présentent de l’intérêt et on replace the remainder dans la boîte 46Nous avons vu que l’anglais avait préfixé ainsi des verbes non issus du fonds français, comme to mind et to call ainsi que to reward gard- et ward viennent dela même racine indo-européenne avec le sens de surveiller, regarder », et comme le roi, au cours d’un tournoi, jetait un œil attentif et bienveillant sur le vainqueur, to reward a pris le sens de récompenser ». To mind n’exprime qu’une attention modérée pour un problème posé à la personne considérée, ou que le fait d’associer des choses sans grande importance. Prenons un exemple chez R. Jordan une des héroïnes Elayne constate que ses amies se conduisent comme des fillettes prises en faute ; Elayne still wasminded of nothing so much as a group of novices having a pillow-fight after Last has tolled when the mistress of novices walked in, Elayne ne trouvait rien de plus proche, en guise d’association d’idées, que l’image de novices en train de se livrer à une bataille de polochons après que l’heure du coucher a sonné, au moment où la maîtresse des novices fait son entrée ». Au contraire si on emploie to remind, on veut signifier c’est une forme d’intensivité que quelqu’un a un intérêt personnel très marqué à garder une chose, extérieure à lui, au premier plan de sa conscience, comme le montre cet exemple tiré du film Diamonds are forever, un James Bond » Are you paying attention ? May I remind you, 007, that Blofeld’s dead. Finished. M’écoutez-vous attentivement? Puis-je vous demander de garder clairement présent à l’esprit le fait que Blofeld est mort. Terminé ». C’est moi qui traduis. Le mot reminder désigne une sorte d’avertissement a reminder of peace est une exhortations à faire la paix Quand on veut appuyer ces dires, on peut insérer I collect ou I recollect le premier s’emploie pour dire qu’on se réfère à des choses dont on a entendu parler, mais si on emploie I recollect, on fait référence à des connaissances personnelles apprises et assimilées. L’anglais, dans le domaine du rappel à la mémoire, dispose encore de to recall, s’il s’agit d’évoquer en esprit des souvenirs intérieurs mais extérieurs à la situation présente. 47Nous terminerons par une étude rapide de to remove ; il s’oppose à to move qui signifie simplement bouger, se remuer car notre préfixe, nous l’avons vu, ouvre toutes sortes de portes le verbe, un peu comme les verbes de l’ancien français, passe de se déplacer, éloigner, ôter » à éventuellement assassiner », un effacement plus définitif. Des cousins germains, donc proches, se disent cousins once removed, et on peut continuer à compter les degrés de parenté ; on emploie ce verbe pour quelqu’un proche de la misère She was at the edge of her resources, only one step removed from those beggars R. Jordan ; elle voyait arriver la fin de ses ressources, une seule marche la séparait de ces mendiants ». Si on est relevé de ses fonctions, on emploie to be removed from office. Les derniers avatars de Re- 9 Le titre du roman de Galien li Restauré indique qu’il s’agit d’un jeune homme un fils qu’a donné ... 48L’anglais et le français se sont toujours influencés l’un l’autre et un certains nombre de noms d’action correspondant à nos anciens verbes en Re- nous reviendront par l’intermédiaire de l’anglais. Nous avons vu que plusieurs noms dérivés avaient survécu dans la langue classique à la disparition de leurs verbes, et nous allons constater que cette deuxième vague ne nous fera adopter que des noms, ce qui confirme la primauté du nom sur le verbe en français. Et même si le verbe existait encore en français avec un sens affaibli, nous n’avons pas retenu le verbe anglais conservant l’ancien sens, nous n’avons pris que le nom. Nous avons perdu restaurer9au sens de reprendre la place légitimement due, nous n’avons pas réemprunté to restore, mais l’importance de the restoration of king Charles II nous a permis d’introduire la Restauration 1814-1830 en tant que régimepolitique et période historique et artistique ; c’est néanmoins un terme qui m’a rendue perplexe lorsque j’ai lu pour la première fois Vingt Ans après, car on y voyait que, pour Dumas, ce n’était pas encore un terme figé. Je pense au mot record qui n’a plus en français le sens d’enregistrement la précision au fond du cœur » est perdue mais celui d’exploit sportif ; en effet un record non homologué ne sera pas enregistré. Le verbe to revolve et ses dérivés nous a laissé le revolver et à notre époque le crédit revolving qui implique que dès le premier remboursement la capacité à emprunter du consommateur repart à plein et lui permet de réemprunter dans une spirale déroulée sans limite. Le mot rémanence en science nous revient par l’anglais ; pensons aussi à la résilience terme utilisé pour la résistance des métaux passé en psychologie. La descendance la plus étonnante est celle de l’ancien français ressortir, qui signifiait avancer » ou reculer/faire » encore avec de nouveaux sens intéressants, étudiés par Michel Arrivé ; des anciens sens, il nous reste le nom ressort qui note encore l’idée d’aller dans tous les sens en rebondissant. J’ai découvert le sens de son correspondant anglais resort en lisant une publicité pour la célèbre station balnéaire de Bournemouth dans laquelle ont séjourné loin du monde et du bruit tous les écrivains anglais de Thomas Hardy à Tolkien resort désigne un ensemble plein d’agréments, choisi, trié le verbe simple est to sort out, trier, choisir après un tri, to resort signifiant recourir à », créé à l’écart par une communauté humaine dans l’idée de servir de refuge. Dans l’oppressant premier film de Steven Spielberg, Jaws Mâchoires », en français les Dents de la mer », le maire de l’île explique aux visiteurs du week-end à quel point Amity Island is a resort » rempli de charme paradisiaque d’autant plus que amity means friendship » ; et il n’est pas besoin d’être un cinéphile pour constater le sens macabre dévolu à amitié » derrière amity, en pensant au requin qui s’est retranché dans un paradis très personnel et en évoquant aussi le très gore Amityville. Resort est devenu quasiment un mot courant en français pour désigner soit un complexe comme le monde décalé de Disneyworld ou des titres de jeux vidéo sur la Wii se déroulant sur une île ou dans un autre type d’univers clos et reculé. 49L’on peut toutefois constater un certain retour de nos verbes ; je trouve que restaurer au sens de redonner à un meuble, une habitation son apparence et sa vie d’origine gagne une place dans nos préoccupations. On peut noter un tout nouveau rémaner on le trouve déjà de fait sous cette forme dans Renaut de Montauban, au sens de persister avec une forme de détermination et avec un passage dans la conjugaison des verbes à une base et à infinitif vocalique en -er, que j’ai entendu dans la bouche de chercheurs en physique du soleil, des gens qui ont l’habitude de rédiger tous leurs travaux en anglais un anglais fort romanisé ils ont été assez étonnés en constatant que si je connaissais parfaitement le sens qu’ils donnaient au verbe, j’ignorais totalement qu’il était utilisé de façon courante dans leur vocabulaire. Conclusion 50Une fois terminé notre périple, je noterai en particulier la stabilité de notre préfixe En diachronie on voit le plus souvent les éléments changer de sens et se figer et il est assez exceptionnel de constater que ce n’est pas le cas. De plus Re- semble exister dans toutes les langues romanes l’anglais est un cas à part. Même si ce préfixe » a été attaqué à la fin de l’ancien français, on a vu qu’il avait pu reprendre une seconde vie en prenant des valeurs intérieures positives et un emploi comme celui du tout nouveau rémaner est encourageant. Il est quand même étonnant de noter que les locuteurs interrogés ne donnent pour sens à notre préfixe que celui de à nouveau après avoir été en arrière » faire et refaire, nouer et renouer et que les autres significations ne sont pas facilement perçues et encore moins acceptées ; mais on sait que les faits sémantiques comme la plupart des faits linguistiques ne sont pas des faits qui s’imposent de prime abord ; les significations implicatives ne sont pas non plus aisées à percevoir, surtout lorsque ce n’est pas le sujet grammatical qui commande ces oppositions. J’espère avoir réussi à prouver qu’on peut conférer à notre élément des valeurs aspectuelles plutôt que des valeurs modales. Cette analyse incomplète se veut être une première approche dans une tentative pour trouver des régularités et pour classer ensemble des éléments qui paraissent opaques, épars, exceptionnels, voire dénués de sens et de les rassembler dans une vaste continuité diachronique. Cherchezqui on n'a pas confiance et beaucoup d’autres mots dans le dictionnaire de synonymes français de Reverso. Vous pouvez compléter les synonymes de qui on n'a pas confiance proposés par le dictionnaire de synonymes français Reverso en consultant d’autres dictionnaires spécialisés dans les synonymes de mots français : Wikipedia, Trésor de la langue Chaque année, plus de 100 000 curieux apprennent une nouvelle langue sur Preply Obtenez de vrais résultats grâce à des cours particuliers en ligne. Lancez-vous aujourd’hui pour atteindre vos objectifs ! Trouver un professeur cL2S4TN.